AccueilLa UNETunis : L’état d’urgence à tempérament !

Tunis : L’état d’urgence à tempérament !

Alors que la date d’expiration de l’état d’urgence de 30 jours décrété le 4 juillet dernier approche à grands pas, il est fortement question de le prolonger pour une autre période dont la durée doit être fixée par le décret y afférent. Il va falloir attendre les premiers jours du mois d’août pour être fixé sur le sort qui sera réservé à cette mesure fondamentalement exceptionnelle.

Un membre du gouvernement, Lazhar Akremi, ministre chargé des relations avec l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), n’a pas écarté cette éventualité même s’il n’a pas dit explicitement que ce sera le cas, se bornant à  souligner que « l’état d’urgence participe d’une  vision globale dans la guerre contre le terrorisme » qu’il juge longue. Et pour cause, les causes du terrorisme peinent à être éliminées. Les services de sécurité et l’Armée semblent pourtant  s’y attaquer avec plus de rigueur ,mais aussi de bonheur, multipliant les actions préventives mais surtout les coups de filet qui ont l’heur de rassurer l’opinion publique dans le pays , mais encore les pays émetteurs de touristes vers la Tunisie, qui exigent que la sécurité soit totalement et rigoureusement rétablie  et que des mesures radicales soient instamment prises pour que des attentats comme ceux du musée du Bardo et de Sousse soient réédités. Au demeurant, les gouvernements, européens notamment, proposent massivement leur aide et  concours en savoir-faire et en équipements pour permettre aux forces tunisiennes d’être convenablement outillées à y faire face.

Pour l’heure, il ne faut jurer de rien. Le terrorisme, ennemi invisible et fonctionnant selon des mécanismes bien rodés, est capable de frapper n’importe quant et n’importe où. Des pays comme la France et la Grande-Bretagne dont les stratégies antiterroristes sont regardées comme des morceaux d’anthologie en savent quelque chose. Il n’en demeure pas moins qu’en Tunisie, le message semble avoir été bien reçu, et les mesures prises sur ce registre par le gouvernement, tout primaires qu’elles sont, ont vocation à rassurer sans pour autant trop convaincre.

Rassurer, c’est visiblement le crédo qui préside à l’action antiterroriste du gouvernement autant qu’à son discours. Et le fait de décréter un état d’urgence de seulement 30 jours n’est  manifestement pas exempt de  cette connotation, à charge pour le président de la République, seul dépositaire de cette prérogative, de jouer les prolongations comme l’y autorise le Décret n° 78-50 du 26 Janvier 1978 réglementant l’état d’urgence, dont l’article  3 dispose que « L’état d’urgence ne peut être prorogé que par décret qui fixe sa durée définitive ». En définitive, il serait dans la logique des choses que la durée de cette mesure exceptionnelle soit fragmentée en plusieurs phases successives pour en tempérer l’impact pour démontrer à l’opinion publique que l’état d’urgence est viscéralement fonction de la situation sécuritaire et rien d’autre, un état d’urgence à tempérament, pourrait-on dire.

C’est que les craintes fusent de bien des parts pour prêter au gouvernement et au président de la République l’intention de se servir de l’état d’urgence à d’autres fins, notamment sociales, plus précisément à dissuader ceux qui en formeraient le projet de passer  à l’acte de protestation et d’agitation sociale en observant des grèves, sit-in, et mouvements apparentés. D’autant que l’état d’urgence accorde des pouvoirs d’exception aux forces de l’ordre. Il autorise notamment les autorités à interdire les grèves et les réunions « de nature à provoquer ou entretenir le désordre », à fermer provisoirement « salles de spectacle et débits de boissons » ainsi qu’à « prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications ». Le pouvoir politique du parlement est également limité pour cette période.

Il n’en fallait pas davantage pour ameuter les organisations non gouvernementales aussi bien locales qu’internationales, soit pour dénoncer les effets potentiels de l’état d’urgence sur les libertés publiques, soit pour contester  l’utilité et l’efficience « avérée » de cette mesure. C’est le cas notamment de  la directrice du bureau de Human Rights Watch (HRW) pour la Tunisie, qui estime que cette proclamation de l’état d’urgence « marque une étape nouvelle pour la Tunisie ». « Entre 2011 et 2014, l’état d’urgence avait été appliqué avec un certain relâchement, explique-t-elle. Mais ce sera autre chose cette fois-ci. Car il y a d’une part l’aggravation de la menace terroriste, en ville en particulier. Et d’autre part, l’opinion publique pousse dans le sens du resserrement de la vis sécuritaire ». Elle anticipait  une application « plus draconienne » des dispositions autorisées par l’état d’urgence, notamment celles accordant des « pouvoirs exorbitants et exceptionnels » aux gouverneurs en matière de contrôle de la presse, de manifestations, d’associations, de liberté de mouvements etc…

Aux antipodes de ces craintes, selon une enquête réalisée par un institut de sondage de la place (Emrhod), 78.4% des personnes sondées approuvent la proclamation de l’Etat d’urgence  alors que 14.7%  sont contre.

Joignant l’acte à la parole, les Tunisiens ne semblent pas avoir cure de l’état d’urgence. Ils vaquent à leurs occupations comme à l’ordinaire, et surtout goûtent comme jamais aux délices de l’été. D’ailleurs, les précédentes versions de l’état d’urgence reconduites à satiété  sous la troïka ne dérogeaient pas à la règle.

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