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Tunis : Qui voterait encore pour Ennahdha ?

N’en déplaise à tous ceux qui crient, comme des aphones, aux «médias de la honte» et aux «Ezlem», 67 % des Tunisiens sont contents ou très contents du rendement des médias tunisiens. C’est ce qui ressort de la 16ème vague du baromètre politique du cabinet 3C Etudes. Et ce n’est ni le gouvernement dont le rendement enregistre un taux de mécontents (49 %) en hausse de 4 points d’un mois à l’autre, ni l’opposition dont le taux des mécontents de son rendement (54 %) aussi, qui pourront en dire autant. Ce n’est pas non plus Ennahdha (30,1 % des intentions de vote en baisse de 0,8 points), parti au pouvoir en Tunisie, depuis octobre 2011, qui se laisse distancer, pour le second mois consécutif, par Nida Tounes (32,2 % des intentions de votre contre 28,7 % en mars dernier). Et si le parti islamiste à la langue fourchue, reste indéniablement le parti qui fait la politique en Tunisie, il n’en perd pas moins pied avec une base électorale qui lui fait de moins en moins confiance, selon 3C Etudes. Un sondage qui met encore l’accent sur la hausse du pourcentage de ceux qui ne savent toujours pas pour qui voter (44 % en avril, contre 43 % en mars) et qui pourrait impacter le taux d’absentéisme aux prochaines élections, s’il leur arrive de se tenir un jour !

– Ennahdha à Sfax et Nida Tounes prend le Sahel et tout le Nord.

Il faut d’abord préciser que le sondage a été fait sur la base d’une élection présidentielle à deux tours. Et si Béji Caïed Essebssi (10,1 des intentions de vote), à moins qu’il n’en soit empêché par la prochaine loi sur l’exclusion politique si elle passait à l’ANC (Assemblée Nationale Constituante), l’emporterait haut la main, au premier tour, devant Hammadi Jbali (avec 2,3 % des intentions et puisque Moncef Marzouki se retrouve relégué au 4ème rang de la confiance des électeurs tunisiens), Hammadi Jbali pourrait être élu (50,6 %), d’une courte tête devant Béji Caïed Essebssi (49,4 %).

Mais par- delà ces résultats, il est important de voir où chacun des partis qui forment désormais le binôme politique de la Tunisie de l’après-Ben Ali et les deux principaux concurrents dans un paysage politique désormais essentiellement bicéphale, trouve son terreau.

Manifestement et à en croire les résultats du dernier sondage d’opinion de 3C Etudes, les électeurs du leader de Nida Tounes se trouvent dans le Grand Tunis (51,4 %), au Nord-est (57,7%), au Centre-ouest (51,8 %) et au Sahel (55,9%) qu’il ravit ainsi à l’enfant que la région d’origine semble ainsi renier et, partant, tourner le dos à Ennahdha.

Le dirigeant d’Ennahdha, Hammadi Jbali, remporterait le suffrage, toujours au second tour, notamment dans les régions du Sud. Les mauvaises langues font déjà le lien entre le parti islamiste et les Salafistes d’Al Qaïda qui campent notamment dans les régions désertiques du Sud tunisien. Elles n’omettent pas non plus de rappeler l’effet de la révolution libyenne sur la recomposition politico-tribale du la région. Il est un fait, selon les résultats du 16ème baromètre politique, que les inconditionnels d’Ennahdha et son Jbali, se retrouvent au Sud-ouest (64,8 % des intentions de vote des présidentielles), au Sud-est (76,6 %), et de façon presqu’attendue, n’en déplaise à ceux qui s’accommodent, comme des autruches, du phénomène du régionalisme politique, dans la région de Sfax (51,1 % des intentions de vote pour Jbali).

– Chômeurs, retraités et fonctionnaires voteraient Nida-Essebssi.

L’analyse des intentions de vote, selon les catégories socioprofessionnelles, est tout aussi intéressante, pour cette période d’expectative politique et politicienne, dans la Tunisie que tient depuis bientôt 2 ans le parti islamiste Ennahdha. L’analyse, même si elle est primaire, permet de localiser dans la Tunisie de l’après Révolution, les niches des «fans» de chaque représentant des deux partis politiques en lice.

On peut ainsi constater qu’Ennahdha trouve généralement preneur pour ses prêches, chez les cadres moyens, la classe sociale des ouvriers et artisans qui lui ont été toujours acquis et parfois même ses financiers, les agriculteurs et les pêcheurs. Loin de tout cliché sociopolitique, cette caste politique qui s’était présentée comme «le parti de Dieu», trouvera toujours une oreille attentive auprès d’une catégorie socioprofessionnelle où le travail manuel, l’éloignement de la vie citadine et la foi religieuse, ont toujours été des caractères prédominants de leurs modes de vie. Une catégorie aussi, issue de régions, plus de 50 ans durant, défavorisées et en contraste flagrant avec le Nord et le Sahel qu’ils ont toujours «accusés» d’avoir spolié le développement. Ceci est aussi valable pour les femmes au foyer, plus enclines à céder aux sirènes de la religion qu’à celles de la modernité.

– Les hauts cadres carriéristes et la jeunesse nourrie de sentiment religieux.

Deux colonnes, dans l’histogramme ci-dessus, attirent pourtant l’attention.

D’abord, celle des hauts cadres. Leurs intentions de vote balancent, dans la plus parfaite égalité, entre Jbali d’Ennahdha et Caïed Essebssi de Nida Tounes. Cette catégorie socioprofessionnelle fait généralement partie de ce qui est communément appelé «l’intelligentzia» et normalement, plus attentive aux théories laïques qu’à celles des islamistes religieux. Ils restent pourtant partagés. Et si certains analystes évoquent la conviction, d’autres penchent plutôt pour le caractère «carriériste», d’au moins une partie de l’Administration où se trouvent les hauts cadres et d’au moins une partie des hommes d’affaires pour qui les intérêts se conjuguent facilement avec la politique !

Ensuite, la colonne des «élèves & étudiants» qui représente une jeunesse, fragile et encore à la recherche de repères idéologiques, politiques et sociaux. Cette dernière voterait à 51,6 % pour Ennahdha et son Jbali porté aux nues, depuis sa démission. L’explication de ce choix idéologique reste difficile à trouver. Mais le pas est vite franchi, pour certains analystes, entre le renforcement du courant salafiste, depuis octobre 2011, et l’université qu’ils envahissent au milieu du silence des nouvelles autorités académiques. Cela, sans parler du rapprochement entre ces courants et l’école où le corps enseignant s’approche lui aussi de plus en plus de la religion en Tunisie.

Enfin, force est de dire que, malgré le caractère purement indicatif de tout sondage d’opinion, les deux histogrammes de 3C Etudes, pourraient représenter une feuille de route pour tous les partis politiques tunisiens !

Khaled Boumiza.

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