«Lhomme le plus important de la Tunisie», comme lappelait le journaliste anglais, vient dêtre linvité du dernier «HARDtalk» de la BBC, une télévision que Rached Ghannouchi connaît bien, pour avoir été, des années durant, protégé par son statut dasile politique en Grande-Bretagne, pendant les années de braise en Tunisie, après avoir rendu son passeport soudanais, au cours des années 90.
Sans le moindre sourire, il esquivera les questions du journaliste anglais, pendant presque 25 minutes, prenant soin de ne donner aucune information sûre et définitive, parlant de manière hautaine de Chokri Belaid, poussant le cynisme jusquà nanifier ce que toute la place politique tunisienne considère comme un martyr. Une interview, durant laquelle, «lhomme le plus fort de la Tunisie», sévertuera à se dédouaner de ses propres déclarations des années 90, à mentir à propos des élections doctobre 2011 et à ne jamais dire ce qui pourrait un jour être retenu contre lui, concernant les perspectives à court terme de la Tunisie entre les mains dEnnahdha( voir la vidéo). Décryptage.
– Flagrant déni dune conjoncture explosive.
Rached Ghannouchi commencera par nier les évidences dune conjoncture tunisienne, actuellement fortement entachée dinsécurité et de tensions. Interrogé par le journaliste de la BBC sil considérait que la révolution a pris un tour dangereux, il répondra, placide et en deux mots secs, que «pas à ce point». Le journaliste de la BBC aura beau lui rappeler la polarisation de la vie politique tunisienne et le degré de violence politique quelle a atteint, Rached Ghannouchi se borne à en prendre acte disant que «la violence politique a atteint un degré inacceptable, jusquau meurtre ( ) mais le Tunisien nest pas violent. Il est ainsi certain que, pour cet homme dont le parti perpétrait des actes de violences depuis Bourguiba et qui exalte le Djihad armé, les quantités darmes, de guerre, découvertes çà et là, ne signifient encore aucun danger.
– Nanifier Chokri Belaid, pour se faire grand.
Interrogé sur le meurtre de Chokri Belaid et les accusations qui ont lancées, directement, à Ennahdha, par le défunt lui-même qui dénonçait aussi les liens évidents entre le parti de Ghannouchi et les Ligues de protection de la révolution, il esquive la question en disant que «ceux qui accusent Ennahdha politisent le meurtre », avant de commettre le faux-pas de le faire lui-même. «Chokri Belaid [ndlr : il ne prononcera pas Que Dieu ait son âme de tous les Musulmans ] dirige un parti de gauche qui na obtenu que 2,3 ou 2,4 % de voix et pour quil puisse donner lair dêtre un grand, il faut quil accuse le grand parti», dit-il avec une moue de dédain, en réponse à la seconde relance du journaliste de la BBC à propos des accusations de Chokri Belaid contre Ennahdha. Rached Ghannouchi se glorifie ainsi sur le dos dun mort.
– Il fait magnifiquement la pirouette.
Interrogé sur le danger des Salafistes, Rached Ghannouchi servira à la BBC un langage de bois digne de Ben Ali qui lui avait sauvé la tête de la corde de Bourguiba. «Toute pensée violente est un danger pour la stabilité et le développement ( )», «cest un phénomène international», «tout dépassement de la loi doit être sanctionné par la loi», dit-il avant dajouter que «15 dentre eux ont été tués ( ) que veulent-ils quon fasse de plus pour quEnnahdha prouve quelle est contre ceux-ci». Il avait pourtant oublié de dénombrer toutes les autres personnes que les Salafistes jihadistes avaient tuées, à leur tour, depuis laffaire de Soliman, en passant par Rouhiya et autres.
Il usera de son instrument favori avec les médias quest la pirouette, lorsque le journaliste de la BBC lui rappellera sa fameuse vidéo où il haranguait les Salafistes en leur disant dattendre, car larmée, le ministère de lintérieur et ladministration, ne sont pas encore entre leurs mains, lui signifiant que cela donnait la nette impression quil était de leur côté. «Cette vidéo comportait 1 heure et 12 minutes et ils nen ont montré que 8 minutes », répondit-il sans en commenter le contenu incriminé et dont il dit quil aurait pour but de convaincre les Salafiste de la nécessité de ne pas inclure la Charia dans la Constitution.
Nouvelle pirouette, lorsque le journaliste de la BBC lui rappelle les dernières déclarations dAbdelfattah Mourou, lorsquil parlait notamment de catastrophe. «Cest la liberté dexpression à Ennahdha, chacun peut dire ce quil pense, mais ce sont les structures qui commandent », se contente-t-il de répondre, sans dire un mot sur ce que voulait dire le vice-président dEnnahdha lorsquil parlait de lentêtement de ce parti à ne pas changer.
– Insaisissable, il refuse de donner une quelconque garantie de ce quil annonce.
Le journaliste de la BBC le questionnera ensuite, à trois reprises, sur la feuille de route pour la rédaction de la Constitution et lorganisation des élections, allant jusquà lui rappeler que les Tunisiens croient quil joue sur le temps pour rester encore plus au pouvoir. Il dira que «dici le printemps, lécriture de la Constitution sera terminée, dici la fin de lété, en octobre, les élections seront organisée, au 2ème anniversaire des élections doctobre 2011». Par trois fois, le journaliste de la BBC lui demandera sil donne garantie de ce quil annonce. Il se refusera toujours à le faire, se limitant à dire que «cest notre programme. Cest une proposition dEnnahdha, qui doit faire lobjet de laccord de tous». La Tunisie attendra donc, à bien le comprendre, que la poule ait des dents !
– Protéger la famille, même en disant la chose et son contraire.
Le journaliste de la BBC, parlera à Ghannouchi du «Sheraton-gate» et du poste de Rafik Abdessalem Bouchlaka quil ne doit quà son lien de parenté avec ««Lhomme le plus important de la Tunisie». Ce dernier fera alors léloge de son gendre, de ses combats et de ses compétences, en revoyant laffaire du côté de la justice. «Nous sommes contre le fait daccorder un poste de responsabilité à une personne en raison de ses liens de parenté. Mais nous sommes contre le fait de ne pas donner un poste de responsabilité à une personne en raison de ses liens de parenté », dira-t-il. Il répètera cette diatribe incompréhensible, qui dit la chose et son contraire, lorsque le journaliste lui demandera, une seconde fois, sil compte tenir sa famille loin du pouvoir, comme ne le faisait pas Ben Ali. Ghannouchi dira même que le mari de sa fille ne figurera pas dans la prochaine équipe gouvernementale, avant de se raviser pour préciser quil ne sera pas au même poste, car les ministères de souveraineté ne seront plus entre les mains des politiques.
– Mensonges éhontés de Rached Ghannouchi.
Ce qui attire le plus, dans cette interview, ce sont au moins deux mensonges proférés par «lhomme le plus important de la Tunisie». Y passeront, ainsi, la légitimité gouvernementale et ses anciennes menaces contre les Etats Unis dAmérique.
Le premier, cest lorsquil maintient que les élections doctobre 2011, étaient, non uniquement pour écrire la Constitution et préparer les élections comme il est expressément indiqué noir sur blanc dans le texte du décret-loi de la Constituante, mais pour gouverner.
Le second est lorsque le journaliste lui rappelle la vidéo de son discours, au Soudan, en 1990, où il traitait, comme le montre la vidéo, les Etats Unis dAmérique dennemi de lIslam, menaçant même de les détruire. Il osera dire que «ce nest pas moi, cest Bush» ! (Voir Vidéo)
Il est, ainsi, presquinutile de rappeler ce dicton arabe qui parle de faire ce quon veut, lorsquon nest étouffé par rien.
Khaled Boumiza.