AccueilLa UNETunisie : Convertir la dette, convaincre les créanciers !

Tunisie : Convertir la dette, convaincre les créanciers !

Parce qu’elle a été le terreau d’une révolution qui n’en finit pas de produire ses effets dans le monde arabe, et depuis peu, quelque part en Europe, la Tunisie a été invitée au sommet du G8, à Deauville, en France. Trois jours après la clôture de ce conclave, on ne  sait que peu de choses sur le bilan de  la participation  tunisienne,  et les indications distillées à ce sujet sont presque subliminales.

C’est tout juste si on a appris, plus est, par la presse étrangère et accessoirement par l’agence de presse nationale, qu’il existe un programme  de développement économique et social nécessitant des  investissements de l’ordre de 125 milliards de dollars (172,5 milliards de dinars) sur 5 ans.  Et que , à Deauville, le Premier ministre du gouvernement de transition, Béji Caïd Essebsi, a demandé des financements de l’ordre de 25 milliards de dollars (environ 34,5 milliards de dinars) sur 5 ans, à raison de 5 milliards de dollars (6,9 milliards de dinars) par an, ce qui représente le 1/5ème des financements requis par le programme de développement économique et social du gouvernement de transition. Point barre.
A quelle hauteur se monteraient les concours financiers convenus. S’agit-il de promesses ou d’engagements fermes ? Quelle est la part des prêts et celle des dons, et à quels taux ? A-t-il été question d’annulation d’une partie de la dette extérieure de la Tunisie, d’un rééchelonnement ? Les plénipotentiaires tunisiens ont-ils présenté aux argentiers de la planète la liste des projets dont le financement est sollicité ? Autant d’interrogations qui valent d’être soulevées alors même que des voix s’élèvent pour contester l’idée même d’un surcroît d’endettement et qu’un flou artistique enveloppe les projets prioritaires proposés aux financements des bailleurs de fonds internationaux.

En attendant que la concertation nationale projetée livre ses conclusions et que les parties concernées s’expriment sur la question, il ne serait pas malvenu de se convaincre qu’un des biais majeurs mais méconnus par lesquels l’économie tunisienne pourrait devoir un salut si relatif soit-il, est ce que préconisent nombre d’économistes internationaux y compris tunisiens et qui se nomme la conversion des dettes pour le développement. Un mécanisme qui répond  par bien des côtés à la réalité socioéconomique tunisienne et qui peut être mis en œuvre dans l’intérêt bien compris de toutes les parties. Selon Eurodad, le réseau européen de la  dette et du développement, semblable opération profite  idéalement à  tous les acteurs: le créancier augmente  son niveau d’aide publique au développement ;  le débiteur augmente son investissement social et réduit sa dette extérieure en devises tandis que les populations les plus démunies bénéficient d’investissements supplémentaires et que la  société civile peut participer et superviser.

Visiblement, c’est le schéma qui convienne le mieux, du moins , aux régions intérieures du pays où le chômage est endémique et où la prise en charge de son propre développement et la participation démocratiques sont deux exigences fondamentales et irréversibles. D’autant que, par essence, la conversion mène véritablement à l’amélioration des conditions sociales, car obéissant à un impérieux diptyque : elle est  conçue et exécutée en toute souveraineté et elle est reprise dans les stratégies nationales de développement.

 Maints pays d’Amérique latine, au sortir des années de dictature, s’y sont essayés et en ont engrangé d’évidents dividendes, surtout au travers du mécanisme des conversions de dettes par prise de participation au capital dont le but est d’encourager les  privatisations tout en réduisant la dette commerciale extérieure. L’objectif premier était d’améliorer la solvabilité fiscale pour obtenir de nouveaux crédits internationaux. Les pays convertissaient leurs créances commerciales en échange de quoi les créanciers ou un investisseur privé prenaient une participation dans les entreprises publiques. Le mécanisme a été fréquemment utilisé au Chili ou en Argentine par exemple, et a culminé avec un pic de 27 milliards USD.

Nul besoin de  préciser que  les opérations de conversion s’effectuent exclusivement sur le marché secondaire pour des dettes commerciales auprès de  banques ou d’agences de crédit à l’exportation, ce qui n’a pas empêché que des conversions de dettes bilatérales se fassent  aussi en dehors du marché.
Plus techniquement encore, l’État débiteur peut grâce au mécanisme de conversion de créances racheter sa dette en bénéficiant d’une décote de marché agréée avec  son vis-à-vis. L’investisseur, quant à lui, peut réduire le coût de son investissement en bénéficiant de monnaie locale à des conditions avantageuses. L’investisseur bénéficie en effet d’une marge résultant de la différence entre le prix d’achat au vis-à-vis  de la créance et le prix de rachat de cette créance par le pays débiteur, marge qui vient conforter la rentabilité du projet d’investissement.

Comme on peut le voir, il y a logée dans ce mécanisme une ressource immense d’échapper aux effets néfaste d’un endettement dont on ne peut ni  ne veut réclamer l’annulation ou le rééchelonnement, et bien davantage de faire bénéficier les régions et les citoyens qui ont en besoin de fonds et de ressources qu’ils pourront utiliser à très bon escient , car tel est leur choix.

Mohamed Lahmar

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