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Tunisie : Des salaires inégaux entre hommes et femmes, public et privé et où les TIC paient le mieux.

Actuellement, les augmentations des salaires en Tunisie trouvent une justification dans la détérioration du pouvoir d’achat. En effet, une inflation est ressentie par les différentes catégories de salariés depuis plusieurs années. A titre d’exemple, une comparaison entre les évolutions des salaires au secteur privé non agricole et le taux d’inflation durant les 10 dernières années fait ressortir une baisse du pouvoir d’achat.

 

Certes, sur le plan global, la justification aux révisions des salaires existe don. Toutefois, le processus des négociations salariales en Tunisie répond plutôt à une fonction « objectif » où le politico-social domine l’économique. Car même en présence de révisions décentralisées par secteur et opérateurs, les différences non-égalisatrices ne semblent pas être atténuées et pour cause des augmentations plutôt administrées sur les salaires de base et aux revenus réguliers mais non sur les primes de rendement irrégulières.

Le salaire, des différences entre femmes et hommes et entre les secteurs.

 

Le tableau ci-dessus, montre que la part des primes régulières dans le secteur privé est actuellement limitée à 10,8% du salaire total moyen. Cette part est uniquement de 8,7% pour les femmes salariées. Une prime de rendement variable et reliée à la productivité devrait aboutir à une meilleure performance de l’entreprise et de l’économie nationale et donc à plus de chances de créer des emplois.

Par ailleurs, le processus de négociations salariales n’a pas empêché de déboucher sur des distorsions salariales en Tunisie.

Il y a lieu, à titre d’exemple, de soulever la présence des différences par genre et par secteur d’activité. En effet, dans le secteur privé, les femmes sont en moyenne payées à 75% du salaire des hommes. Quant aux secteurs économiques, les TIC offrent un salaire moyen égal plus que 6 fois celui dans le textile, habillement et cuir et à presque 4,5 fois celui de l’ensemble des secteurs économiques.

 

Certes, il n’est pas question ici de prôner des salaires homogènes et uniformes mais, les écarts importants et parfois démesurés et risquent d’appréhender les créations d’emploi.

En effet, d’un côté, la pression de demande d’emplois dans les secteurs à forts salaires tels que TIC, banques et assurances et industries extractives engendre un excédent d’offre de travail. D’un autre côté, les salaires dérisoires dans d’autres secteurs causeront des emplois non pourvus.

Pour les deux cas, l’équilibre se fera toujours du côté le plus court et par conséquence les créations d’emplois seront amoindries.

– Indexer les salaires sur les prix ?

De ce qui précède et dans le but de maximiser la capacité de création d’emplois, le processus de négociation des salaires devrait adopter une indexation sur les prix et essentiellement sur la productivité. Il serait judicieux d’administrer les augmentations des salaires sur des primes de rendement variables au-lieu de l’appliquer systématiquement sur le salaire de base. Il faut de même, réduire les différences non-égalisatrices pour une meilleure adéquation entre qualité de l’emploi et rémunération. C’est donc, un modèle économique à revoir pour une meilleure création d’emploi.

La croissance économique en Tunisie, bien qu’atteignant des niveaux moyennement élevés durant les années passées, est qualifiée de pauvre en apport d’emplois. En effet les études ont montré qu’une croissance de 1% du PIB durant deux années consécutives ne parviendrait à augmenter l’emploi que de 0,3% par an. Qualitativement, le modèle économique en Tunisie n’a pas activement participé à la valorisation du facteur travail.

En effet, pendant que le système éducatif injecte sur le marché du travail régulièrement plus que 50 000 nouveaux diplômés, les salariés des entreprises privées sont à 75% de simples ouvriers.

Parmi les grands choix du modèle économique appliqué en Tunisie depuis plusieurs années, il y a le contrôle des augmentations des salaires afin d’aboutir à une meilleure attractivité de l’IDE et l’accroissement du ratio compétitivité/prix des entreprises exportatrices. L’enjeu depuis plusieurs années était de maintenir les salaires à des niveaux dérisoires et en même temps de garantir un niveau de vie décent pour les différentes catégories de salariés notamment les «Smigards».

– Augmenter les salaires équivaut à réduire l’emploi.

L’outil «magique», était la caisse générale de compensation qui a atteint un niveau record et historique en 2012. Cet outil aurait été efficace si les IDE vers la Tunisie s’étaient orientés vers les activités à forte valeur ajoutée et créant un transfert technologique suscitant des effets d’entrainement sur l’économie. Ainsi, il y aurait renflouement de budget de l’Etat et capacité à supporter les dépenses de compensation. Toutefois, si le SMIG en Tunisie a pu se fixer au 1/7 de celui des pays européens, la productivité du travail n’est que du tiers dans les pays origines des IDE. Réellement, les marges d’attractivité de l’IDE, en dehors des avantages fiscaux, se rétrécissent si la productivité du facteur travail en Tunisie ne réalise pas des gains notables.

Le système éducatif et le dispositif de formation professionnelle sont appelés à jouer un rôle décisif pour que l’attractivité tunisienne des IDE soit plutôt fixée sur un rapport salaire/productivité et non uniquement sur un salaire dérisoire. A l’état actuel, toute augmentation des salaires est source de moindre attractivité de l’IDE et donc serait réductrice de capacité de création d’emplois.

En guise de conclusion et sans prétendre apporter une réponse ferme à la question posée, les augmentations des salaires en Tunisie sont certes justifiées par des considérations d’ordre macroéconomiques attribuées à la détérioration du pouvoir d’achat, toutefois leur impact sur l’emploi est mitigé.

Pour que ce dernier soit positif, il faut atteindre une meilleure adéquation du processus de négociation des salaires aux exigences de performance économique et à ce titre il est recommandé d’augmenter la part des primes de rendement variables et de réduire les différences non-égalisatrices des salaires. Il est en plus recommandé de repenser les grandes orientations du modèle économique pour atteindre une croissance plus créatrice d’emplois.

A ce titre une priorité structurelle misant sur une meilleure productivité du facteur travail devrait remplacer le choix de compétitivité/prix misant sur des salaires et des coûts faibles.

Auteur : Mouez SOUSSI. Maître-assistant HDR ESSEC Tunis.

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