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Tunisie : Deux ans de révolution, deux ans de non-évolution sinon de «va-à-reculons».

Il y a deux ans, la Tunisie chassait Ben Ali, pourchassait la famille de sa seconde femme et entamait la première des révolutions arabes. Depuis deux ans, cette révolution n’arrive pas à réaliser ses objectifs. Tout est remis en cause, sans que rien ne soit mis en place. Tout et tous sont critiqués, sans qu’aucune alternative, partout et par tous acceptée, ne soit construite.

– La révolution ou comment détruire, en deux ans, les acquis de 50 ans !

En moins de deux ans, l’intolérance fait place à la tolérance. Lieux sacrés et hauts lieux culturels saccagés et brûlés. Minorités religieuses attaquées. Les représentants de l’islam, religion de tolérance par excellence, se révèlent être de simples iconoclastes, détruisant les images saintes de cinquante année d’un bourguibisme libérateur et se montrant hostiles aux traditions, sociales et culturelles d’une Tunisie, terre de tolérance, depuis des millénaires.

En moins de deux ans, le régionalisme, exacerbé, refait surface pour le bien comme pour le mal, tant pour revendiquer le développement que pour de simples raisons mercantiles. Le bassin minier demande qu’une partie de l’argent du phosphate lui soit distribué, les habitants du Sud-ouest demandent une mer et des hôtels comme le Sahel et le Nord-ouest exige que l’eau de la Medjerda lui soit réservée. Le comble, sans que personne n’essaie de raisonner personne !

En moins de deux ans, resurgissent les veilles rancunes sociales et s’arment d’une violence inouïe contre tous ceux qui possèdent ce que les gueux de la révolution n’ont pas possédé. On aurait pu comprendre cela de la part des habitants des quartiers pauvres. On comprend moins la rancœur, indescriptible, de certains politiciens dont la révolution n’aura fait que mettre à jour les vrais sentiments. Le plus grave, c’est que ces politiciens exercent le métier d’avocat !

En moins de deux ans, tombent de grandes entreprises publiques que la révolution a exténuées par les recrutements sauvages et que le Gouvernement délaisse au profit de la politique politicienne, alors que d’autres sont vendues, juste pour sacrifier à la logique de la révolution et dont les revenus ne font que grossir les ventres des affamés en leur donnant les poissons sans leur apprendre à en pêcher par leur propre labeur. Les prix flambent, la production baisse, le chômage réel et fictif s’envole, la croissance flanche, l’emploi pour tous ne vient point, le développement pour les régions non plus.

– La révolution dont nul n’est content, sauf ceux qui l’ont récupérée !

En deux ans, personne n’est content de l’issue de la révolution. Ceux qui l’ont faite, n’en ont rien recueilli de bon. Pour eux, il n’y a de bon que ce qu’ils peuvent prendre gratuitement de l’Etat ou de force chez ceux qu’ils ont toujours enviés. Ceux qui ont monté la vague de la révolution, voudraient tout détruire et tout reconstruire pour avoir un peuple à leur mesure, sinon un peuple qui ne réagit point, même lorsqu’il les voit venir. Pour les uns comme les autres, la révolution est loin d’être finie. Après Sidi-Bouzid et Siliana, c’était le bassin minier.

Dans toutes ces régions, le vent de la révolte n’a jamais faibli. Il est même brandi en menace à chaque mot d’un gouvernant et les populations redescendent dans la rue pour tout et pour rien. Ces régions voulaient le développement et l’emploi, mais faisaient tout pour rebuter et faire fuir tout investissement, y compris celui de l’Etat. Des régions qui s’endettent pour financer leurs Harragas, empêchent les forces de l’ordre de démanteler les réseaux qui les ont fait mourir et viennent demander à cor et à cri que le Gouvernement aille chercher les corps de leurs défunts au fond de la mer. Des régions entières qui ne veulent ni travailler, ni laisser travailler. Des régions qui renvoient le chef de l’Etat et lui lancent des projectiles à la figure et s’offusquent en même temps que personne du gouvernement ne vienne entendre leurs doléances. Des régions qui font de la contrebande, le savent bien et ne veulent faire que cela et qui se fâchent et brûlent tout lorsque la Libye ou l’Algérie leur ferment les frontières pour arrêter, de leur côté, l’effusion d’argent de produits qu’ils subventionnent et qui vont ailleurs que chez leurs concitoyens. Cela s’est passé deux fois à Ben Guerdane. La révolte gronde, depuis samedi, au Kef et cela ne semble pas vouloir finir.

– La révolution qui n’arrête pas sa politique de la terre brûlée.

Deux années après le 14 janvier, la révolution sort des armes qui n’existaient pas avant elle. Des armes à feu à profusion, la contestation de tout et de rien au nom du droit à la parole. Des grèves et des sit-in qui ne reconnaissent aucune loi. Des politiciens qui font feu de tout bois, opposition comme gouvernants. Une violence de tout le monde à l’égard de tout le monde. Des médias en armes politiques et un secteur des médias dont tout le monde est content sauf les gouvernants de la troïka.

Deux années après la révolution, les pas faits en arrière se comptent plus que ceux qui sont faits dans le sens de l’évolution. La révolution ne semble pas vouloir se calmer et c’est peut-être à cause du fait que le concept et sa finalité diffèrent d’un individu à l’autre, dans cette Tunisie de l’après Ben Ali. C’est peut-être aussi, car cette révolution, n’a jamais pu être encadrée, étant, dès le début, faite pour des raisons qui n’ont rien de politique. L’essentiel est dans l’économie. A cette dernière, il faut du temps et les attentes des révoltés ne croient pas au temps. A cette révolution, il fallait un chef. Ceux qui en ont actuellement pris les rênes, ne semblent pas se soucier de l’économie et cherchent à lui donner un contenu politique qu’elle n’a jamais eu. ربي يستر !

Khaled Boumiza

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