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Tunisie-Dialogue national sur l’emploi : Et la montagne accoucha d’une souris…

Depuis le 15 mars 2016, on palabre et on cogite autour de l’emploi, et ce sera ainsi jusqu’à la fin de ce mois. Toutes les conclusions seront consignées dans un rapport qui sera remis au gouvernement, avec pour finalité qu’il s’en serve pour transformer le destin de dizaines de milliers de chômeurs, et par là de toute l’économie nationale.

Mais à voir les résultats des neuf ateliers de la première séance, on peut dire d’ores et déjà que la grosse montagne accouchera d’une petite souris. Non pas que la qualité des débatteurs, des experts et des propositions qui vont jaillir de ces travaux soient en cause, mais rien de ce qui sera suggéré ne donnera des fruits dans l’immédiat. Donc on en reviendra à ce que le Chef du gouvernement, Habib Essid, avait demandé suite aux dernières manifestations qui sont parties de Kasserine, et que beaucoup de citoyens se refusent à lui accorder : Du temps. Du temps pour mettre sur les rails les chantiers déjà budgétisés mais bloqués pour moult raisons, et qui seront à terme de gros pourvoyeurs d’emplois, nous dit-on. Du temps pour procéder aux réformes douloureuses qui s’imposent pour assainir les finances du pays, pour restructurer en profondeur l’économie tunisienne, la moderniser et en faire un vrai levier pour le développement.

Les premières conclusions du dialogue national sur l’emploi pointent du doigt des problèmes structurels, qu’il faut revoir si on veut se donner une chance de gagner la bataille de l’emploi. Mais en cherchant bien dans les cartons légués par l’ex-Premier ministre Mehdi Jomaa à Habib Essid ou dans le plan quinquennal, on trouve les mêmes constats. Et les solutions qui vont avec. Donc ce n’était peut-être pas la peine de faire tout de raffut autour du dialogue national pour l’emploi, de dépenser un temps précieux, de l’énergie, des deniers publics pour en arriver à ce qu’on sait déjà.

Et puis si on regarde les autres conclusions (poids excessif d’une fonction publique gourmande en argent public, et l’urgence de trouver d’autres mécanismes privés pour créer massivement des emplois et désengorger le secteur public ; nécessité de dynamiser la formation promotionnelle, de doper l’investissement, d’accélérer le vote de certaines lois vitales telles que celle encadrant le secteur bancaire, d’aller plus vite dans les réformes ; une meilleure adéquation formation-emploi, etc.). Bref, les difficultés macro-économiques de la Tunisie on les connait, et les remèdes pour y remédier aussi. Le seul problème c’est que le malade n’est pas prêt à se laisser administrer la potion amère qui va mener à sa guérison. C’est cela véritablement le problème de la Tunisie, et non une absence d’idées lumineuses pour tirer le pays de ce mauvais pas. Mais ça on ne pouvait pas se permettre de le rétorquer à l’UGTT, laquelle a été la première à dégainer l’idée de cette grand-messe sur l’emploi. On ne refuse rien à l’UGTT. Ce serait trop dangereux pour la paix sociale. Alors tout le monde s’est jeté dans ce dialogue national sur l’emploi, avec plus ou moins de ferveur. Mais le peu d’enthousiasme de l’opinion publique tranche avec celui qui a accompagné le premier dialogue national pour sortir le pays de l’impasse politique. C’est peut-être la preuve que les citoyens savent qu’il ne faut pas s’attendre à des miracles pour la deuxième mouture du dialogue national.

Des arrière-pensées à la pelle !

Quand l’idée de ce dialogue national a fusé du côté de l’UGTT, l’UTICA l’a accueillie très froidement. Mais soucieuse de ne pas être taxée d’empêcheuse de tourner en rond, en sabordant une initiative autour d’un thème si cher aux Tunisiens mais surtout craignant de se mettre à dos la centrale syndicale, les patrons ont accepté, du bout des lèvres, de participer à ces travaux.
La centrale patronale a trainé des pieds parce que probablement aussi elle savait que des efforts conséquents allaient lui être demandés pour donner du boulot aux jeunes, qu’elle allait devoir s’engager devant toute la nation, sous les projecteurs et que l’argument de la conjoncture pour ne pas embaucher serait difficilement tenable. Et d’ailleurs ça n’a loupé puisqu’on lui demande de mettre la main dans la formation professionnelle continue. Les autres exigences viendront, on peut en être sûr puisque tout le monde s’accorde à dire qu’il n’est plus question de gonfler une fonction publique déjà pléthorique et qui inquiète beaucoup les bailleurs de fonds de la Tunisie (FMI, Banque Mondiale…).

Quant à l’UGTT, l’important a toujours été et demeure de rester au centre du jeu politique. Le fait que son idée ait été reprise si prestement prouve qu’elle garde son statut de pivot des grandes orientations du pays, au point de s’offusquer quand elle n’est pas consultée pour la composition d’une équipe gouvernementale, par exemple. Une centrale syndicale qui s’assoit à la table des dirigeants du pays, là aussi une autre spécificité tunisienne, dangereuse  – l’autre est le goût trop prononcé pour le dialogue national – et que le pays pourrait payer très cher au moment d’engager les grandes réformes, où il y aura forcément de la casse et de douloureuses concessions à faire pour sauver l’économie du péril.

L’autre grand gagnant est le gouvernement. Sachant à quel point il est difficile de réaliser ces points de croissance qui permettront de rogner significativement le taux de chômage, il a saisi la balle de l’UGTT au bond et a de suite dit un grand OUI au dialogue national sur l’emploi. Ainsi le capitaine du bateau – Habib Essid – n’est plus le seul à porter le fardeau du développement, de la croissance, de l’emploi. Avec doigté, il est arrivé à partager les responsabilités. L’UGTT, partie prenante dans cette affaire, ne pourra plus bloquer les réformes d’Essid. Du moins logiquement. Les patrons seront obligés de faire leur lot d’efforts pour créer des emplois. Les engagements écrits, qui sortiront de ces débats, ne manqueront pas de le leur rappeler.
Et puis si toutes ces solutions ne marchent pas, ou si elle tardent à donner des fruit et que le chef du gouvernement subit la foudre populaire, il pourra toujours arguer que ce sont les idées de la nation entière qui n’ont pas fonctionné. Et toc !

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