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Tunisie : Entre convictions professionnelles et besoins de la politique, le ministre balance. S. Ben Hamidane dit tout sans rien dire !

Jeune ministre des Domaines de l’Etat, de 42 ans, gendre d’un autre ministre Nahdhaoui (celui de l’agriculture), membre fondateur de la branche estudiantine d’Ennahdha qui choisit en 2001 un autre «patron» que Rached Ghannouchi, lorsqu’il rejoint les rangs du CPR de Marzouki.

Salim Ben Hamidane est «issu d’une famille de Yousséfistes «qui a tant souffert sous le régime de Bourguiba» et que le régime de Ben Ali n’épargnera pas non plus. Dans son CV, l’homme met en avant son passé d’opprimé. «En 1993, de lourdes peines par contumace ont été prononcées contre lui atteignant 15 ans d’emprisonnement en raison de ses activités syndicales et politiques. Il a été pourchassé par les services de renseignement syriens et fut arrêté, torturé et sommé d’être extradé par la police libanaise avant qu’il ne réussisse à quitter le Liban vers l’Europe et demander l’asile politique, au cours de l’été 1994. A l’aéroport d’Istanbul, il a connu l’arrestation de nouveau et les menaces d’extradition ; idem à l’aéroport de Vienne. Après sa libération, il décide d’aller en Suisse où demande l’asile politique. Il ne l’aura pas. Il l’obtient en 1995, en France». Des souvenirs qui le marqueront.

Le CV économique prend 8 lignes sur le site officiel du ministère. DEA en droit de l’économie internationale et du développement, doctorat en sciences juridiques sur « Islam et l’Etat de droit et a exercé la profession d’avocat à Paris. L’homme ne cache pas ses relations familiales et semble soucieux de revendre sa maison en France ? car il ne peut plus payer son crédit. Il devra recevoir les nombreuses personnes qui l’attendent dans le salon avec des plaintes, des dossiers et des requêtes. Nous, on l’entraînera vers la justice transitionnelle, la confiscation et la réconciliation. Il y croyait, mais pas trop. Interview.

Quels sont les dernières nouvelles en matière de récupération de biens immeubles qui étaient entre les mains des anciennes familles, par l’Etat ?

Il y a deux volets. Le volet de la confiscation des biens concernant le fameux décret sur la confiscation des biens de la famille du président et de ses gendres, il y a les immeubles appartenant à d’autres personnalités, ce qu’on a appelle le système de la corruption qui a régné en Tunisie.

Concernant la confiscation, bien évidemment, c’est le comité présidé par le juge Adel Ben Ismail qui suit ce dossier. Il y a des centaines de titres fonciers qui ont été récupérés via ce décret de la confiscation. Concernant les autres propriétés ou titres fonciers, il y a bien évidemment l’appareil de contentieux de l’Etat qui suit ces affaires à la justice. Plusieurs titres sont maintenant propriété de l’Etat.

Est ce qu’on peut avoir quelques données chiffrées sur les biens qui ont été récupérés par le ministère des domaines de l’Etat ?

A vrai dire, je n’ai pas le dossier maintenant sur mon bureau. Je peux éventuellement vous en donner très prochainement. Actuellement je ne dispose pas de noms.

Actuellement, que fait le ministre des domaines de l’Etat, de quoi il s’occupe-t-il pendant toute la journée ?

Le ministre des Domaines de l’Etat, il s’occupe essentiellement de la réflexion sur la restructuration du cabinet, sur les problèmes de dysfonctionnement dans l’administration, que ce soit sur le plan de l’administration centrale ici à Tunis, ou bien les administrations régionales sous la tutelle de notre ministère.

Il y a aussi le dossier du contentieux, ou les affaires concernant les citoyens qui affluent sur le cabinet. Il y a aussi le dossier de l’investissement, la gestion des demandes et sollicitations de la part d’autres ministères à propos des demandes d’investissement et d’installation d’entreprises étrangères ou bien résidentes en Tunisie. Il y a bien sûr aussi le dossier de la liquidation des biens de l’ex-RCD, qui figure parmi les dossiers les plus importants et lourds à gérer. Ceci sans oublier essentiellement le dossier de la confiscation.

Pour ce qui est de la loi sur la confiscation, vous êtes un avocat, comment jugez-vous la loi sur la confiscation ?

C’est un décret-loi émanant de la Révolution. C’est le choix du peuple tunisien. On le sait bien, dans toute révolution, il y a des injustices. Concernant ce décret, c’est le peuple tunisien qui l’a édicté et qui a imposé la confiscation des biens. En termes de valeurs universelles des droits de l’Homme, la confiscation a été toujours une sanction complémentaire, le peuple tunisien a choisi dans cette révolution de passer directement à la confiscation dure et dure. On applique donc cette décision populaire, tout en essayant qu’elle soit juste et équitable au maximum.

Dans le gouvernement, est-ce qu’il y a une discussion autour de la justesse de la confiscation, est-ce qu’il y a cette discussion, et à quoi elle a abouti ?

C’est même les dossiers très primordiaux sur la table du conseil des ministres. Il y a un maintenant un organe rattaché à la présidence du gouvernement qui gère ce dossier et on aura l’occasion de le discuter encore davantage avec le ministre des Droits de l’Homme et de la justice transitionnelle. Oui, il y a ce débat sur la confiscation et il y a plusieurs avis. Il y a ceux qui demandent et sollicitent l’extension de la liste des personnes concernées et il y a ceux qui disent que ce dossier doit être clos le plus rapidement, tout en faisant la distinction entre le volet financier et le volet , disons criminel, concernant les droits de l’homme.

Où va la tendance ? On parle de plus en plus de la réconciliation !

Effectivement, la réconciliation c’est aussi notre objectif. C’est l’objectif de tous les Tunisiens, parce que la révolution, c’est vrai, c’est la rupture avec un régime et un mode de gouvernance et de gouvernement. C’est une période de transition. La tendance, elle est dans la perspective de la réconciliation et on essaye de passer à cette période avec le minimum de dégâts et le maximum de justice.

On sait qu’il y a actuellement une loi qui se prépare sur la réconciliation, est- ce que vous avez pu la voir ?

Le projet de loi concernant ce ministère [On comprendra alors qu’il y aura un ministère de la Réconciliation] doit être validé par l’Assemblée constituante. Je n’ai pas encore vu ce projet, mais je crois que le ministre Samir Dilou est en train de travailler sur ce dossier. Ce qui est sûr, c’est qu’on est tous soucieux de justice et très sensibles à cette question, vu qu’on a été victimes nous-mêmes et qu’on a beaucoup souffert de la transgression des valeurs des droits de l’Homme.

Est-ce qu’il ya une tendance pour aller vers la justice transactionnelle en passant par la justice transitionnelle, surtout avec la classe des hommes d’affaires ?

Effectivement, moi personnellement, je suis parmi les adeptes de la justice transactionnelle qui sera bénéfique à tous les Tunisiens et notamment à l’économie tunisienne. Bien sûr, les crimes contre l’Etat tunisien en termes financiers et économiques, peuvent trouver des issues via des transactions avec la classe des investisseurs tunisiens et des hommes d’affaires tunisiens. Maintenant, notre objectif essentiel, est de faire une rupture définitive avec l’ancien mode de corruption et de gouvernance et de donner des perspectives aux hommes d’affaires et aux investisseurs qui forment l’un des piliers essentiels du développement économique et financier de notre pays.

Hamadi Jbali, devant les Saoudiens, a parlé de changer certaines lois pour aider à l’investissement étranger. A Tunis, on a tous pensé à un changement possible dans la loi sur les propriétés des terrains, surtout que lorsqu’on sait, par exemple, que l’autorisation du Gouverneur était toujours revendiquée, et a été toujours été considérée comme un obstacle. Est-ce qu’on va vers ce changement en matière de loi concernant les investissements étrangers ?

C’est tout un débat qui devrait être tranché éventuellement par l’Assemblée constituante, par plusieurs intervenants et parties prenantes. C’est un sujet qui concerne tous les Tunisiens. On est là à cheval entre deux notions qui sont la souveraineté des Tunisiens d’un côté et le patriotisme de l’autre, entre les exigences de la mondialisation et la libre circulation des capitaux et des investissements. C’est tout un débat qui est un débat à l’international.

Qu’est ce qu’il va changer ?

On doit être plus ouvert, plus souple en termes d’ouverture sur les investissements étrangers, surtout qu’on a plusieurs investisseurs en vue, notamment nos amis et frères des pays de Golfe et peut-être des pays comme la Turquie.

Nos amis et frères du pays de Golfe investissent toujours dans le domaine de l’immobilier, un domaine en relation avec le droit de propriété de terrain !

Il y a pas mal d’investisseurs aussi qui veulent s’installer pour construire des zones industrielles, beaucoup d’investisseurs des pays de Golfe qui demandent pour cela des parcelles de terrains. Ce n’est pas toujours vrai que les investissements des pays de Golfe veulent s’installer exclusivement pour des raisons foncières. C’est à nous maintenant de savoir gérer et répondre à ces demandes.

Je crois qu’en termes de création d’opportunités d’emploi, l’une des exigences de la Révolution, il faut bien évidement encourager l’investissement intérieur et l’investissement extérieur dans un cadre législatif qui sauvegarde notre souveraineté et qui soit dans la transparence et dans l’égalité.

Quelle est la position du ministère des Domaines de l’Etat sur la question des grands projets ? Les terrains ont été donnés presque au millime symbolique, comme c’est le cas de Sama Dubaï, alors que rien n’a été fait. Est-ce que l’Etat va récupérer ces terrains ou est- ce que rien ne sera fait en attendant de savoir si le projet marchera ou non ?

C’est là l’une des problématiques épineuses, réellement, car en rapport avec les investisseurs étrangers. Trancher ces questions, cela doit se faire dans le cadre de la diplomatie. Cela touche directement nos relations extérieures et nos relations diplomatiques avec nos amis et frères arabes ou musulmans. Ces questions doivent donc être revues dans un cadre transparent tout en prenant en considération l’intérêt suprême de notre Nation et de notre budget.

Apparemment, au CPR, vous êtes dans la même démarche qu’Ennahdha, pour privilégier les investisseurs du Golfe alors qu’on a au moins 465 hommes d’affaires qui sont prisonniers dans leur pays et qui ne peuvent rien faire !

Au CPR, bien sûr, il y a toujours ce qu’on appelle la notion de préférence nationale où on accorde beaucoup d’intérêt à nos chers investisseurs tunisiens, qui en partie étaient impliqués dans le régime de la corruption. La question d’interdiction de droit de circulation, c’est une question de justice. On le sait très bien, la justice est maintenant indépendante. C’est un acquis de notre Révolution et de notre naissante démocratie. Ces affaires sont devant la justice. Au CPR, on ‘a pas tranché cette question, mais on dit toujours que la justice doit être toujours primordiale.

Vous étiez un opposant, et vous vous êtes plaint certainement de l’injustice de la justice. N’estimez-vous pas, maintenant que vous êtes dans le gouvernement, qu’il est temps aussi de faire de telle manière que la justice ne soit pas utilisée pour faire l’injustice ? Ou est-ce chaque opposant, une fois au pouvoir, fait comme ceux qui y étaient ?

Ah non, pas du tout. On est très soucieux de cette question et on veut absolument que la justice soit un pilier de notre mode de gouvernance, un pilier de l’Etat tunisien et de la nouvelle Constitution. On veillera donc à ce que les injustices et les abus soient limités au maximum.

Est-ce que ce n’est pas un abus que de mettre 460 hommes d’affaires en interdiction de voyager, la plupart sans dossiers réels, mais juste en interdiction de voyager ; en attendant…Est-ce que ce n’est pas de l’injustice ?

Tout d’abord, ce n’est pas le gouvernement actuellement, ni Ennahdha, ni le CPR, qui ont imposé cette sanction. C’est une décision de la justice…

On vous fait remarquer, Monsieur le ministre, que Ben Ali aurait pu vous dire la même chose concernant votre jugement et votre mise en prison !

Comme vous pouvez le constater, la décision émane maintenant d’une justice vraiment indépendante. La comparaison ne peut être faite d’aucune façon entre le régime actuel qui est un régime transitionnel mais réellement démocratique et celui de Ben Ali…

Votre réponse voudrait que les 460 soient recherchés par la justice. On sait pourtant sciemment, dans les 460, il n’ya pas vraiment, jusque là, de dossiers justiciables ?

Maintenant, c’est l’affaire des avocats. Beaucoup d’avocats ont déposé des plaintes ou fait recours à la justice contre un tel ou tel homme d’affaires. Ce n’est pas, je le répète encore une fois, le gouvernement qui a déclenché cette procédure. C’est une procédure autonome, indépendante et cela reste une affaire concernant la justice.

Si vous étiez l’avocat de l’une des personnes, qu’est-ce que vous auriez pensé de la décision d’interdiction de voyage ?

Je dirais que l’interdiction de voyager, c’est une mesure qui reste dans le cadre de la loi en vigueur, une meure de précaution. Elle est, me semble-t-il, contraire à un autre intérêt de l’Etat, qui est l’intérêt de la libre circulation d’un homme d’affaires pour veiller à la gestion de ses affaires. Je ne dirais pas que c’est une procédure injuste parce qu’elle est légale. Est-ce que la procédure est illégale ou pas ? Maintenant, on dit aussi que la politique ne doit pas s’ingérer et empiéter sur le domaine de la justice. C’est un équilibre difficile à trouver, mais en tant qu’avocat, j’aurais fait mon travail de défendre le droit de mon client à la libre circulation.

Khaled. B

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