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Tunisie : Hassine Dimassi préconise « une réelle mise à plat des finances publiques, aussi bien au niveau des recettes qu’à celui des dépenses »

Dans une interview accordée à Africanmanager, Hassine Dimassi, professeur universitaire d’économie et conseiller de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), dit ce qu’il pense de  la composition de l’Assemblée constituante et du gouvernement et de leurs engagements, brossant , dans la foulée, le tableau de la situation au lendemain de ces échéances politiques. Interview :

Après la publication des résultats définitifs des élections de l’assemblée constituante, plusieurs interrogations se posent  quant à l’avenir d’un pays qui doit désormais construire et consolider sa démocratie naissante.  Comment verrez-vous  la composition du futur gouvernement ? Quel est le chantier devra-t-il  travailler en priorité ?

La composition du futur  gouvernement risque d’obéir beaucoup plus aux résultats électoraux et qu’aux graves problèmes socio-économiques auxquels s’expose le pays. D’ailleurs, le piétinement des négociations pour former ce gouvernement n’inspire ni confiance ni quiétude.

Pour ce gouvernement, la priorité des priorités est de rétablir l’ordre dans le pays, car sans cela,  rien ne pourra tenir. Ensuite, ce gouvernement est tenu d’ouvrir de vrais débats nationaux sur des chantiers terriblement complexes et brûlants, tels que ceux du chômage, de l’éducation, des finances publiques, de la caisse de compensation, de la sécurité sociale, etc. Cependant, je crains que ce gouvernement n’ait pas l’audace d’entamer ces débats ; car, pour des soucis électoraux, il a peur de mettre en cause d’énormes d’intérêts.

Quelle est la position de l’UGTT aujourd’hui concernant l’Assemblée constituante ?

Lors des élections de la Constituante, l’UGTT a pris une position neutre. Et je pense qu’après ces élections, cette position de l’UGTT n’a pas changé. Certains accusent l’UGTT de fomenter les diverses perturbations sociales en cours. En réalité, ces perturbations échappent en majorité à l’UGTT. De toutes les façons, actuellement, cette organisation est surtout préoccupée par son prochain congrès qui se tiendra, fin décembre 2011.   

La souveraineté nationale est au rang  des  questions qui sont le plus souvent soulevée , et d’aucuns soutiennent que le pays a , pendant plusieurs années, soumis  son économie sous la tutelle de l’Union européenne. Serait-il concevable que se réunisse une Assemblée constituante qui a comme fondement de rétablir la souveraineté de la nation sans nuire aux  les liens établis  avec notre partenaire stratégique « l’Europe » ? D’après vous, cette question sera-t-elle prise en considération par l’UGTT dans son prochaine orientation par rapport à l’Assemblée constituante ?

C’est une question éminemment grave que vous posez là, car qu’est-ce que cela  signifie : « rompre les liens de dépendance établis avec l’accord d’association signé avec l’Union européenne » ? Je suis d’avis qu’il faudra  renégocier cet accord, afin d’y inclure des éléments concernant la mobilité de la main d’œuvre (émigration légale et organisée). Cependant, je suis tout à fait opposé à la rupture avec  cet accord. N’oublions surtout pas qu’actuellement, nos échanges extérieurs se font essentiellement avec l’Union Européenne : 69% du mouvement des marchandises ; 74% du mouvement des services (y compris tourisme) ; 70% du mouvement des revenus (capital et travail) ; 38% du mouvement des capitaux. Ces données prouvent que, même à long terme, aucune autre région du monde ne pourrait se substituer à l’Union Européenne dans nos échanges extérieurs.

Comment évaluez-vous la situation actuelle de la Tunisie?  Plus particulièrement,  quelle est votre position par rapport à la dette extérieur de la Tunisie sachant que tout recours à un nouvel endettement risque de compromettre la réalisation des objectifs pour lesquels la révolution tunisienne a été faite et de soumette, encore une fois, la Tunisie au diktat de l’ultralibéralisme du marché financier international ?

L’encours de la dette extérieure du pays pourrait passer de 15 550 millions de dinars en 2010 à 17 593 millions de dinars en 2011, soit respectivement 24.5% et 26.3% du PIB. Bien qu’il se soit accentué en 2011, l’endettement extérieur de la Tunisie demeure encore non catastrophique, du moins en apparence. Car, le vrai endettement extérieur du pays est camouflé par le recours croissant aux dangereux et pernicieux mécanismes de « concessions », et ce depuis au moins deux décennies (les cas typiques étant par exemple la centrale électrique Radès II et l’aéroport d’Enfidha). Cela veut dire que notre pays a besoin d’une réelle mise à plat de ses finances publiques, et ce aussi bien au niveau des recettes qu’au niveau des dépenses.   

Les dirigeants du parti islamiste insistent sur leur option pour «l’économie libérale, l’économie du marché, une économie qui donnerait à l’Etat un rôle pour orienter l’économie, tout en permettant d’adopter des lois afin de faciliter l’acte d’investissement». D’ailleurs, .Rached Ghannouchi, président du parti Ennahdha, a déclaré que son mouvement va s’employer à instituer, dans les meilleurs délais, la convertibilité du Dinar. Qu’en pensez-vous, surtout que projet, érigé en objectif stratégique par le président déchu, ne manque pas d’enjeux pour la Tunisie et risque, pour peu que certaines conditions-garanties ne soient pas réunies, de déstabiliser le pays ?

L’option pour l’économie libérale n’a rien d’original par rapport au passé. En effet, depuis le milieu des années 80, un peu partout dans le monde, y compris la Tunisie, l’on a opté pour une stratégie ultra libérale. Cette stratégie s’est inspirée de ce qu’on a appelé à l’époque « programme d’ajustement structurel » (PAS), concocté par une poignée de capitalistes dominants à l’échelle mondiale, des plus rétrogrades. On connaît aujourd’hui la suite. Le monde est au bout du gouffre, à cause d’une crise économique ayant pour principale cause l’ultra libéralisme, c’est-à-dire l’anarchie du marché. 

Selon vous, quelles sont les solutions urgentes capables de réduire, de manière significative, le chômage des diplômés du supérieur dont le nombre ne cesse de croître depuis quelques années pour atteindre, d’ici la fin 2011 pas moins de 1 million de chômeurs,  d’après  la présidente de l’UTICA, à cause de la régression de la croissance économique et la baisse des investissements étrangers, outre la crise du secteur touristique ?

Dans notre pays, le chômage des sortants du supérieur, évalué actuellement à environ 250 000 (et non 1 million !), résulte beaucoup plus d’erreurs catastrophiques commises au niveau du système éducatif que du ralentissement de l’économie. L’effrayant laxisme ayant imprégné notre système éducatif durant des décennies a généré d’énormes masses de diplômés du supérieur de mauvaise qualité, en disproportion navrante avec les besoins du marché de l’emploi.

Je n’ai pas à donner des solutions urgentes capables de réduire, de manière significative, les chômeurs des diplômés du supérieur. Ma tâche en tant que chercheur est de faire le diagnostic. Et c’est à ceux qui gouvernent de trouver des solutions.

Wiem Thebti
 

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