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Tunisie : Jbali avoue son ignorance de la gouvernance. « يتعلم الحجامة في روس ليتامى»

«Après quatre mois de gouvernement, Hamadi Jbali en est encore à : “Nous allons faire. Nous allons créer. Nous allons lancer des projets. Nous allons favoriser les régions défavorisées” ». C’est ce qu’écrivait dimanche le journal algérien «Liberté » qui commentait la dernière interview télévisée du chef du Gouvernement tunisien.

Même s’il est vrai que cela émane d’un journal d’un pays qui ne l’a pas toujours porté dans son cœur, telle est pourtant l’image que le gouvernement provisoire tunisien du Nahdhaoui Hammadi Jbali, donne à l’étranger, de l’issue d’une Révolution qui a été un temps présentée comme le modèle à suivre.

Cette nouvelle intervention télévisée d’un chef de Gouvernement qui annonce une nouvelle stratégie média (interventions, hebdomadaires ou mensuelles, Radio et TV à l’image des présidents américains et rencontres mensuelles avec la presse locale et internationale), n’en appelle pas moins plus d’une remarque.

– Un langage populiste, sans suite dans les faits.

Signalons d’abord, que cette interview était requise par le chef du Gouvernement et qu’elle n’était pas en «Live» mais «préparée», avec les membres de son cabinet, comme l’expliquera plus tard Saïd Khézami à la TV. Manifestement donc, le Gouvernement avait des messages à faire passer.

Si message il y avait, il avait cependant été dit dans un langage, plutôt populiste, caressant dans le sens du poil comme lorsqu’il dit en souriant que «notre peuple est intelligent et sait qui travaille et qui est un chômeur politique ou perturbe» l’action du gouvernement.

Un langage répétant ce qu’il considère comme une évidence depuis son accession au pouvoir, comme lorsqu’il répète encore que son gouvernement est «issu des urnes et du peuple » et qu’il est «conscient des préoccupations des citoyens».

En face, toujours rien de précis dans le temps, si l’on exclue la date des prochaines élections où il s’était limité à confirmer la date du 23 mars annoncée par Mustapha Ben Jaafar. Aucune date, dans la feuille de route politique, qu’il disait pourtant claire et précise, sur les délais de mise en place de la Commission des élections, de la Commission de l’audiovisuel, de l’Instance indépendante pour la justice et pour le Conseil social dont on entendait parler pour la première fois. Tout cela sera fait, mais il ne dit pas quand !

– Lavage et rinçage, publics, du linge sale de la famille.

Cette interview, aura eu, le mérite ou le désagrément politique, de montrer que tout ne va pas bien pour les gouvernants et que la situation, politique notamment, n’était pas aussi idyllique que voudraient le démontrer les gouvernants de la troïka.

Jbali met ainsi à nu, dans son interview, le différent entre son gouvernement et l’opposition, l’accusant indirectement d’handicaper son action, l’invitant au dialogue et demandant le préalable de «la bonne intention », un concept difficile à définir.

C’est ensuite son différend avec la centrale syndicale qu’on croyait, faussement, résolu. Il le remet ainsi sur table et hausse même le ton à l’égard de l’UGTT qu’il accuse de faire de la politique. «Je souhaiterais que chacun reste dans sa place et ne la dépasse pas, même dans la façon de s’exprimer. J’ai un jour dit à un leader [syndical], arrêtez de donner des ordres et je prie toutes ces parties de se respecter, de ne pas donner des ordres ou de parler d’une manière hautaine», ordonne Jbali.

C’est ensuite, le différend qui a dernièrement éclaté entre gouvernement et présidence de la République. «Il y a des différences d’opinion. Cela est normal, tant qu’elles ne dépassent pas les limites, la loi organisant les pouvoirs et surtout les ABC et les us et coutumes de l’Etat, où les 3 présidents restent au service de l’Etat et au service d’un même agenda». La réponse est claire et cinglante aux Conseillers de Moncef Marzouki qui critiquaient le gouvernement Jbali et demandaient leur départ. Manifestement donc, présidence du gouvernement et présidence de l’Etat, ne vont pas dans le même sens et n’ont le même agenda politique et les mêmes objectifs.

Le gouvernement Jbali qui accusait manifestement la presse de donner une mauvaise image du pays, avait-il réellement besoin d’étaler tout cela sur la place publique et donner ainsi, à l’intérieur comme à l’extérieur, l’image d’un disfonctionnement manifeste des rouages de l’Etat ?

– «Moi défendre le Capitalisme ?»

L’interview, donne aussi, enfin, une idée claire sur le modèle économique que prépare le gouvernement nahdhaoui de la troïka, pour la Tunisie de l’après Ben Ali. Il sera loin du modèle économique des 40 dernières années, depuis Hédi Nouira avec sa fameuse loi 72, jusqu’à Ben Ali. Evoquant en effet les relations du gouvernement avec la centrale syndicale UGTT, Hammadi Jbali s’était étonné qu’il soit taxé d’être contre les employés. «Arrêtons les surenchères. Le gouvernement n’est pas l’ennemi des salariés et des fonctionnaires. Ce sont nos enfants et nous nous en préoccupons plus que d’autres. Nous sommes issus de la Révolution et des faibles. Nous n’avons pas besoin de quelqu’un qui défende les employés. Qui défendrions-nous alors ? Le capitalisme ?».

Selon Jbali donc, qui fustige dédaigneusement au passage le capitalisme (La notation de Standard & Poors a été faite par des entreprise du monde du capitalisme et a réjoui la gauche, disait Jbali), la Tunisie qui se concocte dans les coulisses du palais de La Kasbah, n’aura plus une économie libérale, celle qu’on taxe généralement de capitalisme.

– Un aveu qui vaudrait normalement interrogatoire en Constituante.

L’interview de Hammadi Jbali aura aussi été marquée par cet aveu, normalement lourd de perspectives. «Nous sommes entrain d’apprendre [à gouverner] et ce n’est pas interdit». Cela signifie d’abord que les Islamistes n’étaient pas préparés à gouverner. Mais plus dangereux, qu’ils n’ont toujours rien appris. La Tunisie est certes en 1ère année démocratie, comme aimeraient à le dire le chef du parti gouvernant. Il est cependant une grande différence entre apprendre la démocratie et apprendre à gouverner. Car si le premier demande en effet du temps, le second non.

A moins que les Tunisiens ne se fassent définitivement à l’idée qu’ils doivent attendre que leurs gouvernants apprennent comment bien les gouverner, pour que leur quotidien s’améliore, il leur faudrait s’avouer que la même démocratie, si elle est respectée, imposerait un interrogatoire en règle devant la Constituante et au moins un profond remaniement ministériel, avec moins de néophytes politiques et d’apprentis gouvernants.

Cela signifie ensuite, outre l’aveu d’être des apprentis gouvernants, que le gouvernement Jbali s’autorise le droit à la formation professionnelle, sous couvert d’être simplement issu des élections, malgré la difficulté de la conjoncture et cela nous ramène au fameux dicton tunisien qui dit en langue arabe « يتعلم الحجامة في روس ليتامى». Traduisez, l’apprenti qui s’autorise à apprendre la coiffure, car les clients sont des orphelins qui n’ont qui les défendre !

– Aveu d’impuissance face aux prix et éternelle recherche de bouc émissaire.

Presque 5 mois après la prise totale de tous les pouvoirs et le contrôle de larges pans de l’administration, le chef du Gouvernement tunisien en est encore à accuser, toujours, les hommes de l’ancien régime, de tout ce qu’il n’arrive pas à contrôler ou des défaillances que l’opposition pourrait l’en accuser. Il en est ainsi de la hausse des prix qui n’en finit toujours pas. Jbali avoue de nouveau l’impuissance de son gouvernement à faire face à la contrebande de ceux qui «volent le pain de la bouche des Tunisiens» et met cela, encore une fois, sur le dos de bandes mafieuses dirigées par des hommes de l’ancien régime. Son impuissance à maîtriser les prix et à démanteler «les réseaux mafieux », le pousse même à s’en remettre au consommateur en demandant son aide, quitte à l’appeler carrément au boycotte, ce qui est en lui-même une première du genre dans les annales de la politique de gouvernance.

– C’est en définitive, ce qu’on retient de cette interview du chef du Gouvernement.

Une interview qui n’arrive toujours pas à dissiper le malaise du Tunisien devant un gouvernement qui n’arrive pas à gouverner, une coalition gouvernementale qui ne va pas dans le même sens et n’a pas le même agenda politique et une opposition politique qui ne se retrouve pas dans son rôle de partie prenante dans la vie politique et une société civile, plus dissidente que coopérante.

Pour le reste, aucun effet d’annonce sur les problèmes cruciaux d’une Tunisie où la Révolution n’en finit pas de s’allonger, tels que l’emploi, l’investissement ou les blessés de la Révolution ou encore la lutte contre la corruption ou la justice transitionnelle concernant les hommes d’affaires.

Peu donc et doit mieux faire !

Khaled Boumiza

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