10 jours après la décision du président provisoire Moncef Marzouki, de limoger le gouverneur de la Banque Centrale, ce dernier a choisi de s’exprimer dans un point de presse tenu, ce vendredi 6 juillet, pour apporter quelques éclairages, mais aussi pour exposer la position de la BCT au sujet des derniers développements.
Devant un parterre des journalistes, le gouverneur, apparemment frustré de ne pas devoir parler de la contribution de la politique monétaire dans le processus de développement, de la promotion de l’emploi, la restructuration également du secteur bancaire et même d’autres sujets d’importance au niveau financier, s’est attardé sur un autre point plus urgent et plus prioritaire, celui de préserver le rôle des institutions dans la stabilité économique de la Tunisie dans sa phase transitoire, notamment après la décision de son limogeage. Une décision qui a fait couler beaucoup d’encre, suscité force polémiques et semé la confusion dans les milieux politico-économiques. Une décision qui ne peut que refléter la crise de gestion des affaires du pays, d’après certains observateurs et députés de l’ANC.
Une décision qui a besoin de s’appuyer sur des motivations objectives dont le gouverneur attend la communication. » Révoquer le premier responsable de la BCT, obéit à certains règles comme l’incapacité à assumer la responsabilité ou le constat de graves manquements. Or, aucune explication a été donnée » a martelé Nabli avant de traiter le limogeage sous l’angle d’une question relative aux institutions publiques ». J’aurais démissionné depuis longtemps, si l’affaire était liée à la personne du gouverneur. L’important, pour moi, est de préserver l’intérêt de la Tunisie et de réussir la phase transitoire ».
Dans ce contexte, il a fait remarquer que le limogeage a été décidé en contradiction avec l’esprit de l’ANC, en ce qui concerne l’indépendance de la banque centrale, telle que mentionnée dans l’article 26, de la loi sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics. Mustapha Kamel Nabli semble donc optimiste et même confiant quant à la décision des élus de la nation, qui devraient en débattre et décider son maintien ou son départ. Force est de relever à cet égard que Kamel Nabli a été unanimement choisi comme le meilleur gouverneur de banque centrale de toute l’Afrique pour cette année, pour le travail accompli en Tunisie dans des circonstances difficiles.
D’après Nabli, mettre fin aux fonctions d’un gouverneur n’est pas un problème. L’essentiel, pour lui, est de sauvegarder le respect des instituions publiques.
« Nous nous trouvons aujourd’hui dans la pire position qui soit que l’assemblée nationale constituante a voulu éviter, à savoir impliquer la Banque centrale dans les conflits politiques qui sont à mille lieues de la politique monétaire et bancaire et des intérêts vitaux de l’économie du pays », a dit Mustapha Kamel Nabli qui a noté que « les décisions annoncées et les consultations qui y sont liées sont en contradiction avec l’esprit et le sens de ce qu’a décidé l’ANC en ce qui concerne l’indépendance de la BCT, et ceci nous incite à nous interroger sur le bien-fondé et la légitimité de la décision prise ».
« Entraîner cette institution dans des tiraillements politiques et des considérations personnelles qui n’ont nul rapport avec sa vocation constitue un danger pour les institutions de l’Etat , particulièrement la banque centrale qui a joué et joue encore un rôle central dans l’économie nationale, et il serait plus judicieux de nous concentrer sur la consolidation de la confiance dans les institutions nationales sensibles », a ajouté le premier responsable de l’institut d’émission qui a rappelé que la loi stipule que le gouverneur de la BCT est nommé pour un mandat de six ans dans l’objectif d’immuniser cette institution contre de tels dangers.
Mustapha Kamel Nabli a affirmé, d’autre part, qu’il n’a aucun problème ni conflit personnel avec le président de la République, ajoutant qu’il ne le connaît pas personnellement pour pouvoir être édifié sur son opinion et ses positions à l’égard de la banque centrale. « Tout ce que j’ai pu noter chez lui, est une obstination à distance à démettre le gouverneur pour des raisons inconnues », a-t-il dit.
Le gouverneur a souligné que l’accusation lancée à son encontre lui reprochant d’avoir joué un rôle actif dans la dégradation par Standard & Poor’s de la note souveraine de la Tunisie, et l’entrave des efforts visant à mobiliser des ressource financières extérieures constituent de « graves accusations que je considère comme une accusation de trahison », dénonçant « ces accusations mensongères qui sont dénuées de tout fondement », avant de déclarer qu’il se réserve le droit de poursuivre en justice tous ceux qui ont propagé ces accusations, un acte pour le moins immoral ».