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Tunisie : Le ministre qui ne connaît pas ses dossiers, égratigne son prédécesseur et donne un juge en pâture.

On savait beaucoup de choses sur la liste des entreprises confisquées. Tout le monde sait aussi qu’il n’y a qu’Investec qui a été confisquée [encore faut-il attendre les résultats des recours légaux]. Tout le monde sait aussi que l’hypermarché Géant et la société qui le gère n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque mesure de ce genre.

A moins qu’il y ait eu du nouveau à ce sujet que la presse ne connaisse, Slim Ben Hamdane, nouveau ministre des Domaines de l’Etat, ne semble pas être au courant du contenu de cette liste des confisquées. Dans une toute récente déclaration au journal Nahdhaoui «Al Fajr», le nouveau ministre indiquait pourtant que «plusieurs des entreprises confisquées sont des entreprises qui travaillent déjà, comme la banque Zitouna et … le centre commercial Géant… » !

Beaucoup savent bien qu’il y a actuellement une certaine pression exercée  par  certaines personnes sur le groupe Mabrouk en tentant d’étendre la confiscation à ce qui n’est pas juridiquement confiscable des biens de cette famille de trois frères. Le nouveau ministre se serait-il, à son insu peut-être, lui qui a connu l’injustice de la justice, à partir de 1993, laissé entraîner dans cette démarche ?

Ce ne serait malheureusement pas la seule bévue du ministre. Dans la même déclaration au même journal, le même ministre des Domaines de l’Etat se laisse poser une question touchant directement à l’intégrité morale d’un juge. «Qui a nommé le juge Adel Ben Ismaïl à la tête de la Commission [de confiscation]», interrogeait le journaliste. «Le gouvernement, sur proposition du ministre de la Justice [lui-même éminent membre du corps de la justice], répond Slim Ben Hamdane. Et le journaliste de questionner, «comment est sa réputation ?». La réponse du ministre fut  cependant laxiste, contribuant presque à jeter un voile de suspicion sur la réputation d’un juge à la tête d’une des plus importantes commissions issues de la Révolution. «Il y a ceux qui le considèrent comme une compétence juridique, minutieux et très prudent, et il y a ceux qui disent le contraire et interprètent sa prudence excessive comme de la complicité»,  dit Ben Hamdane. Une réponse qui pourrait être facilement interprétée comme le geste de quelqu’un qui voudrait jeter  la réputation d’un autre en pâture, en tout cas, l’entourer de doute. Le mot «complicité » avait été dit par le ministre, pas par le journaliste, d’une manière laconiquement suspecte, comme s’il savait des choses que la justice même ignorerait. Ceci, alors que toute ou partie de la scène média, sait qu’il y a conflit, dans cette commission, entre ceux qui tiennent à rendre justice dans le stricte cadre d’une justice équitable et ceux qui veulent toujours appliquer aveuglément la justice dite de transition ou la justice révolutionnaire.

Le jeune ministre (43 ans) nous excusera d’attirer tout aussi gentiment son attention sur le fait que nous avons été témoins de l’effort ardu de son prédécesseur, le juge Ahmed Adhoum, lors de son ministère au service des citoyens tunisiens venus se plaindre, dénoncer ou revendiquer. A chacune de nos visites, professionnelles chez le ministre Adhoum, nous avons toujours trouvé des citoyens à l’attendre, parfois des heures durant, jusqu’à ce qu’il ait le temps d’entendre, de comprendre et de résoudre les problèmes de ceux qui les précédaient dans son bureau. Témoins aussi des entrées de son secrétariat pour répondre à tel ou tel courrier de citoyens tunisiens et du temps qu’il passait dans son ministère. Lire sur les colonnes du journal El Fajr, après cela, la réponse du ministre Ben Hamdane dénigrer tout cet effort, ne nous semble pas relever  des bonnes règles de l’action gouvernementale. A la question, en effet, du journaliste, sur ce qui l’a peiné dans le ministère, le nouveau ministre répondait que «ce sont les intérêts des gens qui envoient correspondance sur correspondance, sans réponse». On imagine mal que le ministre Hamdane parle du ministère sous son ministère. Il serait, alors, de bon aloi et au seul titre de l’exemple, que le ministère parle avec les citoyens tunisiens concernés par l’affaire dite de «Hay Bratel» à la Goulette et d’écouter ce  qu’ils  pensent du  ministère dont il dénigre actuellement, le ministre et les cadres, et ce qu’ils pensent aussi de l’écoute de l’ancien ministre et du travail de ses cadres dont il dénonce maintenant «le manque de compétence pour traiter les dossiers».

Nous invitons, tout aussi gentiment le nouveau ministre à livrer aux lecteurs la part dans les chiffres des dossiers déjà traités et les propriétés rendues au domaine public, entre ce qui a été fait durant son propre ministère et celui de son prédécesseur. Cela équilibrera peut-être notre critique que nous espérons acceptée de bon cœur par Slim Ben Hamdane, et nos commentaires qui n’ont d’autre objectif que de recadrer des propos qui ont été peut-être un peu trop vite dits, et rendre justice à toutes les compétences de ce pays dont les nouveaux gouvernants avaient pris l’engagement de rompre avec les pratiques du passé. Une de ces pratiques était justement d’imputer toujours la responsabilité de ce qui ne va pas à  ceux qui précèdent. La Révolution était une œuvre collective et l’avenir de la Tunisie ne pourra être qu’ainsi.

Khaled Boumiza

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