Il est certainement lun des Rois les plus aimés de sa génération. Cest aussi lun des politiciens maghrébins les plus habiles. La succession à un Roi comme Hassan II nétait pas chose facile. De lavis de beaucoup dobservateurs, Mohamed VI a pourtant bien réussi son examen de passage. Il avait su, alors, négocier le changement dans la douceur. Ceux qui étaient comme nous, en ce temps-là, au Maroc, avaient pu mesurer létendue de la satisfaction de la population lorsque celui quon appelle désormais M6 avait su habilement mettre fin à toute lère de son père en écartant lun des piliers de lancien régime Driss Basri. Ceux qui ont suivi, comme nous, les évènements au Maroc après la Révolution tunisienne, auraient pu mesurer le degré de dextérité de ce Roi, âgé alors de 48 ans. Il a pu en effet tenir son pays à labri de leffet néfaste de la vague islamiste, sans commettre pour autant limpair de leur exclusion. Lexercice du pouvoir où il a su les mettre à lépreuve, sauvant le Maroc et montrant les limites du mix politique/pouvoir. Un effet que la Tunisie navait su ni éviter ni manager comme lavait su bien le faire le souverain chérifien. Il montrera par la suite plus dhabileté économique en récupérant tout le terrain laissé par une économie tunisienne à labandon. Le Maroc réalisera ainsi tout ce que devait réussir la Tunisie et dépassera dau moins une dizaine dannées le pays où le Nahdhaoui est roi.
Cest tout ce personnage, auréolé des échos de son attitude, plus quamicale envers le représentant de lEtat tunisien lorsquil lavait reçu, en février 2012, avec faste et sourires, qui était venu en Tunisie. Une visite qui navait pas manqué de souligner limportance des relations économiques, puisquelle avait été précédée par un Forum daffaires tuniso-marocain qui avait été clôturé par une réception au siège du digne représentant des finances marocaines en Tunisie, Attijari Bank.
Le Roi du Maroc avait, ensuite, agréablement surpris toute la Tunisie en donnant de ce pays une image que même les responsables tunisiens et encore moins son président provisoire qui a déjà annoncé sa candidature aux prochaines présidentielles, navaient pas su donner. Des images circulent, puis des vidéos, qui montraient le Roi du Maroc, un Souverain et pas des moindres, qui déambulait en bras de chemise dans les rues de la capitale tunisienne. Un Roi qui ne se déplacerait pas, normalement, sans la cohorte de voitures officielles et dinnombrables gardes du corps. Le Souverain était en confiance et il le montrait, son successeur et fils à ses côtés, se laissant photographier avec la population et avec des «Monsieur-tout-le-monde» qui osaient même mettre leurs bras sur ses épaules, sans que cela ne semble poser problème à une auguste personnalité comme lui. Un Roi qui se promenait comme un simple citoyen dans des rues et une ville, quelques jours seulement après avoir était entourée de barbelés au niveau du symbole de lautorité quest le ministère de lIntérieur, et peu de temps après l’attentat de Kasserine, mais qui ne semblait pas lui causer une quelconque inquiétude. Un Roi qui papotait simplement avec les passants, sarrêtait, prenait une petite fille dans les bras, sans quaucun de sa garde prétorienne ne fasse le geste de mettre le Roi à labri de tels assauts de familiarité qui ne siéraient pas à son rang et dignité.
Limage était un fort symbole, pour un pays qui en avait cruellement besoin, surtout à la veille dune saison touristique où la sécurité est le maître-mot et la préoccupation de tous. Un pays qui est en guerre contre le terrorisme. Un terrorisme dont le Maroc navait pas été épargné, comme à Casablanca, en 2003, ou à Marrakech en 2011. Sans le vouloir ou intentionnellement, le Roi du Maroc qui renouvèlera quelques jours après son bain de foule dans la ville symbole du tourisme tunisien quest Sidi Bou Saïd, envoyait ainsi un message fort à tous ceux qui auraient peur de visiter la Tunisie et de se promener, en toute quiétude, dans ses villes et dans ses rues. Qui plus quun Roi, aurait normalement peur dune ville qui na pas su encore se débarrasser complètement des signes de linsécurité. Mohamed VI ose et le fait voir en se laissant photographier et filmer. Il dit ainsi, que le terrorisme ne saurait être vaincu que par la maîtrise et lévacuation du sentiment dinquiétude. Un défi dont une telle image ne peut être que la meilleure des illustrations. Une illustration que les responsables tunisiens et surtout le premier dentre eux, Moncef Marzouki, navaient jusquici pas su offrir à leur pays et à leur peuple.
Khaled Boumiza.