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Tunisie : Les cent jours de la Révolution, entre désenchantement et appréhension !

Cent jours, c’est un jalon emblématique qui permet aux commentateurs  politiques et autres de prendre la mesure d’un événement majeur et d’apprécier  son impact. La Révolution du 14 janvier en Tunisie, parce que c’en est un sous tous les rapports, s’offre, depuis son déclenchement et l’avènement de l’ère qu’elle a permis d’initier, à une analyse sous toutes les coutures sans que puissent  être esquissés avec netteté les contours de son devenir ou de ses acteurs présents et à venir.

N’ayant pas été prévue même par  les plus lucides de observateurs de la chose publique en Tunisie, la Révolution le demeure aux yeux du plus grand nombre, car, si fortes soient ses convulsions, elle n’a pas encore secrété une figure ou un projet autour desquels se construit un semblant d’adhésion, même si , sur se registre, le mouvement Ennahdha semble battre de quelques évidentes longueurs les très nombreux partis, groupes et groupuscules qui cohabitent sur le très exigu échiquier politique postrévolutionnaire.

Il tombe sous le sens que tout dépendra in fine de celui, parmi les uns et les autres, qui sera le mieux à même de combler la vacuité laissée par le ci-devant omniprésent RCD et qui, ce faisant, aura mobilisé au tour de son nom le plus grand nombre d’électeurs de la Constituantes et des autres consultations électorales à l’ordre du jour. Force est de constater qu’à ce jour, aucune figure n’a vraiment émergé du lot, l’opinion publique regardant la quasi-totalité des postulants, déclarés ou pas, comme d’illustres inconnus peu qualifiés pour porter ses aspirations et répondre à ses attentes.

D’aucuns craignent que ceci soit du pain béni pour les militants d’Ennahdha, forts de leur cohésion, de la maîtrise de la chose politique, du bagout de leurs dirigeants et des tribunes toutes faites que leur offrent maints lieux de culte. Ce qui ajoute à leurs appréhensions tient au fait que le mouvement islamiste a négocié un virage à 180 degrés par rapport à ce qu’il défendait voici un lustre, et certains y voient un moyen de rassurer les Tunisiens et de s’assurer leurs suffrages et, une fois aux postes de commande, les engagements sont rangés au magasin des vielles lunes.

La ficelle serait un peu grosse, mais, en politique, rien ne peut être pris pour de l’argent comptant, d’autant moins que le pays est en précampagne électorale. Voilà manifestement  pourquoi  des voix s’élèvent afin que la Pacte républicain engageant toutes les force politiques fasse l’objet d’un référendum et ait force  contraignante, voire adopté comme préambule de la Constitution de la IIème République incarnant tous les référents dans lesquels se reconnaissent les Tunisiens de l’après Révolution. 

Ces cents jours de la Révolution ont enregistré le parcours sinusoïdal de l’UGTT dont le rôle a été crucial dans au moins deux tournants négociés depuis le 14 janvier. En se murant dans un silence bienveillant à l’égard du gouvernement Caied Essebsi, la centrale syndicale donne la nette impression qu’elle est soucieuse de rompre avec l’image qui était la sienne  lors de la crise qui a emporté le gouvernement Ghannouchi, plus explicitement celle d’un syndicat qui s’affranchit de sa vocation originelle et qui se met dans la posture de quelqu’un qui fait et défait les gouvernements. Et c’est bien ainsi, car en empiétant sur les plates bandes des partis politiques, l’UGTT s’est attirée les foudres de bien des intervenants sur l’échiquier politique et de citoyens qui voyaient dans les innombrables grèves et mouvements sociaux déclenchés çà et là l’œuvre en sous-main du syndicat ouvrier.

Pour autant, les perturbations continuent de plus belle et sur des modes encore plus variés , ce qui donne un piètre image de la situation socioéconomique du pays déserté par des dizaines d’investisseurs étrangers, déprimés par une interminable succession de grèves et de sit-in déclenchés parfois pour un oui pour un non , avec les ravages que l’on sait sur l’emploi et son corollaire l’investissement.

C’est à croire que les sit-in et les blocages des routes, pour ce citer que ces deux expressions de protestation, sont devenus un sport national dont les fomenteurs ne calculent, visiblement, point   les conséquences désastreuses sur l’ordonnance de l’activité économique et l’état de la sécurité dans le pays, alors que, surtout, le tourisme est en train d’en prendre un sérieux coup , expédiant au chômage des dizaines de milliers de personnes.

Ce ne sont là que des exemples typiques de comportements, de faits et de phénomènes qui font partie, à bien y regarder, du vade-mecum du révolutionnaire qui croit trop à sa révolution et dont il attend des dividendes immédiats et univoques. Seulement, il y a des paramètres dont il faille tenir compte que tout ce qui est entrepris à ce titre génère immanquablement des effets contreproductifs et hautement nocifs. Il est vrai que les Tunisiens se sont longtemps et trop retenus de faire étalage de leurs dépits et colères ; il est vrai aussi que leur situation offrait si peu d’espoirs que le pas vers la violence est vite franchi ; il est vrai enfin que l’impatience qui s’est emparée des uns et des autres a désormais bien du mal à être contenue. Il n’en demeure pas moins que les défis à relever sont à ce point cruciaux et déterminants pour l’avenir immédiat et lointain que les Tunisiens doivent impérativement se sentir tenus de modérer leurs ardeurs révolutionnaires et se persuader que la démocratie et la bonne gouvernance sont là pour porter , dans peu de temps, la croissance de leur économie et multiplier les opportunités d’emploi et d’investissement  dans l’intérêt bien compris de toute la communauté nationale.

Mohamed Lahmar

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