AccueilLa UNETunisie- loi de finances: Jbali&Ennahdha ont promis. Ils n’ont pas fait !

Tunisie- loi de finances: Jbali&Ennahdha ont promis. Ils n’ont pas fait !

Vue et revue maintes fois, dont la dernière pourrait être cette semaine chez le Conseil supérieur de la fiscalité, la loi de finances complémentaire d’un exercice 2012 déjà très entamé, ne semble d’ores et déjà pas donner l’impression que le parti vainqueur aux élections d’octobre 2011 a tenu les promesses faites à ses électeurs.

– Un scénario qui ne tient pas la route.

Ce projet de loi est d’abord bâti sur un scénario qui reste, dans l’un des ses plus importants éléments, quelque peu incompréhensible. La loi de finances (LF) est la concrétisation du budget. Ce dernier a été élaboré sur la base d’un baril de pétrole à 110 USD. A la date du dimanche 11 mars 2012, le baril de Brent était à 125,98 USD. Ce dernier était aussi à 1,511 DT, déjà un peu plus que prévu par la L.F.

En 2011, l’hypothèse était un prix de 111 USD. Cela n’avait pourtant pas empêché le creusement du déficit budgétaire. Cette hypothèse nécessitait alors 1536 MDT pour le soutien au prix des carburants, pour une consommation de 9,830 millions de baril. En 2012, à un prix théorique international moindre et avec de substantielles augmentations des prix des carburants, le même calcul supposerait que les 2068 MDT prévus pour la compensation, donneraient une consommation de 12,536 millions de barils. Ceci supposerait donc une augmentation, lavée de l’effet dollar, de la consommation intérieure de 28 %. En face, une subvention en hausse de 34 %. Tout cela, en plus du fait qu’augmenter la subvention devrait plutôt aboutir à une baisse des prix, ne concorde pas trop. Une coquille s’était apparemment glissée quelque part dans les calculs !

– Un parti au pouvoir qui ne fait pas ce qu’il promet.

Le parti au pouvoir a toujours soutenu qu’il avait été élu sur la base d’un projet. Dans le point 72 de son programme économique et financier, Ennahdha avait promis «l’augmentation des montants déductibles au titre des charges familials, de 150 à 300 DT pour le chef de famille, à 150 DT pour chaque enfant à charge et à 300 DT pour chaque parent à charge». On ne trouve rien de tout cela dans la première loi de finances de son histoire.

Elle avait promis, dans le point 71, «une baisse de la pression fiscale pour les catégories de moyen et de bas revenus, à travers l’augmentation des tranches non imposables, de 1500 à 2500 DT». On ne voit rien de cela non plus. Avec une pression fiscale actuelle de 21 %, une des meilleures dans l’absolu, vous diront les experts, ce sont quand même les salariés qui supportent une pression une fois et demie plus forte que celle des professions libérales ou même des forfaitaires. Avec les augmentations programmées dans la loi de finances complémentaire, il est attendu que la pression fiscale monte même à 23 %. On trouve, par contre, et même si ce sont des mesures impopulaires mais nécessaires, des augmentations de carburants qui fragiliseront toute la classe moyenne, une augmentation des timbres, pour le téléphone, pour les autoroutes et autres commodités et services devenus nécessaires. Envolées donc les promesses. Elles n’engagent d’ailleurs qui ceux qui y croient !

On pourra dire la même chose pour les points, 75, 76, 77 dont les experts estiment la concrétisation mal faite, le point 79 et le point 80 tout aussi mal fait, car la loi de finances n’a accordé que des abandons de pénalité et non sur le principal, du programme économique.

– Coup de sabre dans l’un des plus importants droits personnels, le secret bancaire.

La nouvelle loi de finances complémentaire, bat aussi en brèche, et pour la première fois en Tunisie, un des plus importants droit en matière de protection des données personnelles et un des plus importants devoirs des banques, partout dans le monde, le secret bancaire. La nouvelle loi stipule, en effet, qu’en cas de refus d’un contribuable soumis à un contrôle fiscal approfondi, de communiquer à l’administration fiscale les relevés de ses comptes, les banques ou la Poste deviennent obligées, sous peine de forte amende, de communiquer ces relevés à l’administration fiscale, sur simple demande de cette dernière. Cela se faisait certes avant, mais sur jugement de justice et à la demande d’un juge. Avec l’administration fiscale, la porte est désormais ouverte à tous les excès et tous les Tunisiens, personnes physiques (on a vu des personnes contrôlées sur 10 années en arrière !!) ou morales, seront concernés.

– Une demi-amnistie et les dividendes des IDE libres de tout impôt.

Cette loi de finances complémentaire a apporté une amnistie fiscale. Elle stipulera ainsi abandon des créances fiscales constatées d’un montant ne dépassant pas 200 Dinars et des autres articles constatés depuis 20 ans et n’ayant pas l’objet de recouvrement partiel, depuis 2007. Elle portera aussi abandon des pénalités sur les créances fiscales dépassant 200 DT à condition de souscrire un échéancier de paiement du principal et de procéder à un premier règlement avant juillet 2012 et de régler le reliquat dans un délai maximum de 5 ans. L’amnistie ne touche donc pas le principal des impôts et taxes dues, mais uniquement les pénalités de retard, donnant raison à ceux qui avaient traîné les pieds pour payer leurs créditeurs. Le principal n’est concerné que pour la TIB ou taxe locative et dans la limite de 50 DT par an. La loi de finances oublie cependant d’assujettir les dividendes, surtout pour les entreprises étrangères, comme il est fait en France et au Maroc, par exemple. L’Etat tunisien accepte ainsi le transfert de son droit fiscal, par la simple application de la convention fiscale internationale. Toute entreprise étrangère installée en Tunisie (… et le cas des banques est plus que flagrant) et qui n’y paiera pas cet impôt sur le dividende, le paiera obligatoirement dans son pays d’origine !

– Faire oublier les factures et proposer ce que personne ne veut !

Visiblement, les nouveaux dirigeants veulent traquer les petites fuites. C’est ainsi qu’il sera proposé que les dépenses dépassant 2000 Dinars et réglées en espèces ne donnent pas lieu à la déduction de la charge (ou de l’amortissement s’il s’agit de biens amortissables) et à la récupération de la TVA. Ou vous payez par chèque par carte, vous asservissant aux commissions bancaires, ou vous ne pouvez rien demander. Vive donc désormais les caisses noires.

Et vous demandez une facture, la loi de finances complémentaire 2012, vous propose une augmentation du droit de timbres sur facture, en le portant de 300 millimes à 400 millimes. Cela ne vous encouragera guère à en demander.

La nouvelle LF proposera aussi que les montants investis dans les secteurs productifs ou dans des comptes d’épargne en actions (CEA) ou dans des comptes d’épargne Investissement (CEI) durant les années 2012 et 2013, ne soient pas soumis à la procédure prévue par l’article 43 du Code de l’IRPP et de l’IS, mettant à la charge des contribuables de justifier l’origine des fonds investis et, le cas échéant, à une imposition, selon le mode de l’enrichissement. Il est cependant bon de rappeler à ceux qui proposent cette mesure, qu’elle a été déjà prévue par le décret-loi d’avril 2011 et qu’elle a très peu rapporté. C’est à se demander s’ils le savent ou s’ils ont cherché à le savoir !

Les Constituants sauront-ils interpeller le Gouvernement sur ces défaillances ou ce dernier les pressera-t-il de nouveau à voter sous la pression des «demandes de la Révolution» ?

A propos de Révolution. Cette dernière demandait l’emploi. On ne peut cependant s’empêcher de nous demander pourquoi le gouvernement Jbali ne généralise-t-il pas les avantages accordés aux entreprises opérant dans les secteurs régis par le CII et recrutant des salariés à la recherche d’un premier emploi, en leur permettant une déduction supplémentaire de 50% des salaires servis avec un plafond de 3000D, et ce durant 5 ans, au reste des secteurs économiques ? Les entreprises régies par le CII, bénéficieront également, selon le projet de LF, de l’exonération de la TFP et de la contribution Foprolos sur les salaires servis, ainsi que d’une prise en charge de la contribution patronale au régime légal de sécurité sociale. Et si cela devenait valable pour le reste des secteurs, cela ne luttera-t-il pas mieux contre le chômage des diplômés ?

Khaled Boumiza

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