AccueilLa UNETunisie-Médias : les journalistes dubitatifs, le gouvernement sans grande conviction !

Tunisie-Médias : les journalistes dubitatifs, le gouvernement sans grande conviction !

Quitte à décevoir ceux qui ont crié victoire, apparemment très tôt, à l’annonce que le gouvernement mettra en œuvre les décrets-lois 115 et 116 relatifs à la presse, l’épilogue du bras de fer entre le pouvoir et les journalistes ne semble pas pour demain. A décrypter le communiqué publié, mercredi dans la soirée, par le gouvernement en réaction à la grève réussie observée à l’appel du Syndicat nationale des journalistes tunisiens (SNJT), on se rendra vite compte que, sans être totalement de la poudre aux yeux, la position du gouvernement ne peut pas aller au delà d’une déclaration d’intention au sujet de laquelle bien des conjectures sont possibles.

D’abord, il n’est nullement question dans le communiqué du gouvernement de revendications des journalistes, celles-là mêmes qui ont servi de brandon à l’épreuve de force depuis que les journalistes se sont forgés la conviction, toujours étayée par les faits, que les autorités sinon temporisent, du moins veulent renvoyer aux calendes grecques ce qui est perçu par la profession comme une condition sine qua non au règlement du conflit. Sans doute pourrait-on concéder au gouvernement de s’interdire de négocier sous la pression, comme en témoignerait l’affirmation que le directeur général de Dar Assabah ne sera pas limogé, mais la question est à ce point urgente et pour tout dire vitale, qu’elle ne peut souffrir ni retard ni contretemps.

Ensuite, la campagne lancée par le mouvement Ennahdha et ses supplétifs contre les médias accusés de tous les torts n’a pas perdu de sa virulence, alors que le parti islamiste affine sa stratégie pour « remporter les prochaines élections », ce qui requiert en premier et dernier ressort une presse docile, aux ordres et bien rétive à toute forme d’opposition pouvant entamer les chances des candidats nahdhaouis à reconduire leur domination sur l’échiquier politique du pays et dégager des urnes une majorité où leur parti n’aura plus besoin de partenaires pour gouverner.

Cultivant les nuances dont il maîtrise l’art tout autant que la manière, le chef du part islamiste vient de déclarer au journal Le Monde, que « les journalistes ont un ensemble de requêtes, si elles sont légitimes, le gouvernement négociera avec eux. Si elles sont d’ordre politique, c’est autre chose… » Ceci pourrait-il signifier que seules les revendications d’ordre matériel et déontologique sont négociables, et que la liberté d’expression qui est un concept et un principe éminemment politiques en serait exclue ?

En tout cas, il est plus que certain que le syndicat des journalistes ne lâchera pas du lest, tant il est décidé à faire aboutir ses revendications et à défendre bec et ongles ce qui est à ses yeux un principe intangible et non négociable, celui de la liberté d’expression. D’ailleurs, dans sa réponse au communiqué du gouvernement, il ne s’est pas fait faute d’affirmer que ce dernier ne porte pas l’empreinte d’une impulsion à un « dialogue sérieux et efficace », estimant , au demeurant, que les passages ayant trait aux décrets-lois 115 et 116 réitèrent uniquement la volonté politique de la coalition au pouvoir telle qu’elle avait été soulignée dans sa décision du 13 octobre 2012 et non une décision officielle de mise en œuvre de ces deux textes. Ce faisant, il exhorte le gouvernement à proclamer de façon claire et nette la mise en œuvre des décrets-lois et de fixer un délai pour leur application, sans avoir recours aux imprécises clauses de style qui ont émaillé son communiqué du 17 octobre. Enfin, tout en réaffirmant son engagement à emprunter la voie du dialogue pour résoudre les problèmes en suspens, le syndicat tient le gouvernement provisoire pour entièrement responsable de toute entrave au dialogue.

Un membre du bureau directeur du SNJT a été encore plus explicite et même comminatoire en avertissant, dans une déclaration à notre confrère Business News, que « si le gouvernement recule et accepte nos revendications légitimes et conformes aux principes de la Révolution, tant mieux ; sinon la grève de mercredi ne sera qu’un hors d’œuvre et il y aura d’autres actions exprimant plus nettement notre colère ». Tout un programme !

Le gouvernement aura-t-il l’intelligence de faire l’économie de toute une série de péripéties dont tout un chacun peut prévoir les conséquences désastreuses, et ce en s’engageant résolument et sans plus tarder dans la voie du dialogue et en s’exemptant de tout ce qui pourrait envenimer encore la situation ? La question vaut d’être posée.

Mohamed Lahmar

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