AccueilLa UNETunisie : Moncef Marzouki, une erreur de casting ?

Tunisie : Moncef Marzouki, une erreur de casting ?

A voir la manière dont l’office du président de la République est actuellement rempli en Tunisie, on ne s’empêcherait pas de bien méditer l’une des citations les plus célèbres du politicien français du début du siècle dernier, Georges Clemenceau : « La vie m’a appris qu’il y a deux choses dont on peut très bien se passer : la présidence de la République et la prostate». L’auteur savait de quoi parler puisqu’il était médecin avant d’être, deux fois, président du Conseil. Les exégètes politiques de l’époque expliquaient par dérision que Clémenceau avait la prostate et n’a jamais été président de la République.

Vraisemblablement, il loge dans ces propos une parabole qu’il est, par endroits, difficile de ne pas relever. Moncef Marzouki n’est-il pas médecin de formation, et puis et surtout n’a-t-il pas le statut de président de la République sans en avoir les pouvoirs effectifs ? Convenons d’abord que Si Marzouki a été porté à la magistrature suprême du pays, c’est parce que tel était et est encore son rêve secret, mais surtout parce que l’échiquier politique issu des élections du 23 octobre 2011 obéissait à un savant dosage des responsabilités à la tête de l’Etat où chaque partenaire en chef de la troïka devait impérativement être président d’un quelconque pouvoir.

Si la présidence du Gouvernement revenait d’office et sans contredit au parti dominant d’Ennahdha en la personne de Hamadi Jebali, il restait à régler l’épineuse difficulté posée par l’attribution de deux autres présidences, d’autant que Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaafar lorgnaient avec une égale ardeur le Palais de Carthage. On ignore jusqu’au jour d’aujourd’hui les termes du compromis convenu pour démêler l’écheveau et contenter l’un et l’autre des postulants, mais le fait est que les postes sont pourvus sans que les gouvernés aient leur mot à dire.

Jebali à la Kabah, Marzouki à Carthage et Ben Jaafar au perchoir du Bardo, le casting était on ne peut plus commode même si quelque pointe d’amertume pouvait être perceptible chez le président de l’assemblée nationale constituante. Le char de l’Etat n’en devait pas moins prendre la route conformément à une invention purement tunisienne : la loi constitutive relative à l’organisation des pouvoirs publics où chacun s’échinait déjà à tirer la couverture vers soi, donnant une idée, si sommaire soit-elle, sur la suite des événements.

Marzouki, constatant que l’organisation des pouvoirs fonctionnait à ses dépens, le dépouillant petit à petit des prérogatives qu’il pensait être les siennes, a d’abord cru judicieux de laisser faire, sans, au demeurant, se retenir d’envoyer des messages subliminaux faisant état de son irritation naissante devenue, à l’exercice et sous l’effet des coups de butoir répétés de Hamadi Jebali, une colère mal réprimée. L’affaire de l’extradition de l’ex-premier ministre libyen, Al Baghdadi Mahmoudi, a fini par le convaincre que les temps étaient venus de contrattaquer, histoire de décréter qu’il est là et de dire au locataire de la Kasbah que la coupe est pleine et que le pire était peut-être à venir. Une mise en scène comme le soutiennent nombre de ses détracteurs, ou un authentique coup de sang ? Le président si provisoire de la République a choisi de ronger son frein, se morfondant dans ses tourments, en attendant que se résorbe la tempête. Au reste, il s’est offert-ou plus précisément, on lui offert- l’opportunité de redorer son blason en limogeant Mustapha Kamel Nabli de son poste de gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, une décision qui s’apparente plus à un baroud d’honneur qu’à une vraie décision présidentielle à laquelle il doit être déféré sans tergiversation aucune. Le fait est , cependant, que Mustapha Kamel Nabli est toujours gouverneur de la BCT, en attendant, il est vrai, que l’assemblée nationale constituante tranche la question en dernier ressort.

Si la genèse de ce bras de fer doit être reconstituée, c’est essentiellement pour mettre en relief la façon dont le président provisoire de la République l’a géré, et surtout l’amateurisme dont il a fait montre dans l’exercice de ses hautes fonctions présidentielles et encore l’étendue du tort qu’il régulièrement fait au statut qui est celui de chef de l’Etat. Des décisions, vite suivies de contre-décisions, des gestes intempestifs, des initiatives qui tordent le cou aux us diplomatiques et protocolaires autant qu’aux traditions républicaines, comme son déplacement à l’ambassade à l’ambassade d’Algérie pour participer à la cérémonie organisée à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie. On pourrait en égrener d’autres, mais ce qui a été relaté suffit à la démonstration.

Sans doute, on pourrait comprendre qu’à défaut de prérogatives réelles, Marzouki se rabatte sur des activités périphériques, pour montrer, si besoin est, qu’il est le président de la République. Mais, il doit se convaincre et se rappeler constamment et sans la moindre omission qu’il est le président de TOUS les Tunisiens et qu’à ce titre, il est sommé d’agir en tant que tel, en s’exonérant de tout ce qui peut entacher la magistrature suprême, et surtout, de toute velléité électorale, sachant que, à défaut d’étirer son mandat de président provisoire de la République au-delà de la fin de celui de l’ANC, il est manifestement habité par l’ambition de devenir LE président en bonne et due forme de la Tunisie.

Mohamed Lahmar

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