Suite au rejet de la requête d’un groupe d’avocats qui a porté plainte à l’effet de contester la légitimité de la commission d’enquête sur les affaires de corruption et de malversation, plainte déposée le 28 février, nous avons contacté Abdelfattah Amor, professeur émérite à la faculté des sciences juridiques de Tunis et président de la commission, pour nous donner plus de détails sur les travaux de la commission. Interview :
1. En quoi consistent la vocation et la composition de la commission ?
La commission d’enquête sur les affaires de corruption et de malversation est une commission nationale indépendante ; elle se compose de deux instances, l’instance technique qui regroupe les experts dans le domaine financier, immobilier, douane, fiscale… et l’instance générale qui se compose d’un nombre de représentants, d’organisations concernées par la corruption et la malversation, cette instance examine les travaux de la commission technique et la confection d’un système anti-corruption.
Ces instances travaillent suivant les principes de transparence, de motivation, de responsabilité individuelle. Les dossiers proviennent des citoyens, des administrations, des entreprises.
2. Quels sont les champs d’intervention de la commission ?
Tous ce qui est en rapport avec la corruption et la malversation. Les secteurs d’intervention sont notamment le secteur bancaire puisque, au fond, il y a des opérations qui méritent l’investigation, le secteur de la bourse, puisque il y’a des opération qui parfois permettent de manière déloyale de parvenir à des gains suspects, la douane, il y a beaucoup de choses à vérifier mais pratiquement tous les secteurs. Cependant, il ne faut pas généraliser, ce n’est pas un secteur dans sa totalité qui est concerné, se sont des situations ou des cas qu’on trouve pratiquement dans chaque secteur, quelques personnes sont concernées, même le président de la République lui-même. On trouve des responsabilités à tous les niveaux.
Pour les difficultés de la tâche de la commission, on tente d’y faire face dans un contexte qui n’est pas toujours sain ; nous travaillons sereinement et nous faisons en sorte que les dossiers soient bien documentés et nous travaillons avec objectivité. Et puis, la justice va jouer son rôle.
3. Pouvez-vous nous parler de méthodes et d’outils de travail ?
Nous disposons des moyens qui sont assez importants d’investigation de recherche, nous avons une polytechnique d’inspecteurs qui procèdent d’abord à un examen des dossiers sous l’autorité d’un membre de l’instance technique, et lorsque cet examen se produit, le dossier sera transmis à la sous instance technique qui s’engage de bien étudier ce dossier et prendre la décision.
4. Y–a-t-il un budget consacré pour les travaux de la commission ?
Nous n’avons pas de budget, nos dépenses sont prises en charge par le Premier ministère. Jusque-là, nous n’avons pas à nous plaindre beaucoup, les inspecteurs financiers, administratifs fiscaux sont actuellement sollicités. Partout, il ya un bon climat de travail et de confort.Nous n’avons pas d’obstacles.
5-Qu’elles sont vos réponses aux allégations d’un groupe d’avocats concernant la structure de la commission ? Certains disent que vous êtes « le joker » des droits de l’homme de Ben Ali ?
Ce genre de comportement ne m’étonne pas dans une période propre révolutionnaire. Ce sont des initiatives pour toucher à la stabilisation. Je dis d’abord aux gens qu’ils y aient l’honnêteté de lire d’abord et qu’ils aient le courage de comprendre lorsque ils lisent et qu(ils aient le courage d’avancer des preuves lorsqu’ils accusent.
La commission ne s’est pas laissé impressionner par ce genre de manœuvres que nous avons traitées par les voies judiciaires avec beaucoup de patience, mais nous regrettons simplement ce que ce type d’initiative de déstabilisation porte gravement atteinte à des victimes pour les décourager pour qu’elles avaient peur de confier leurs dossiers à un moment où il y’a une confusion, alors que la commission existe encore. La commission ne s’est jamais arrêtée, elle poursuit sa mission.
S’agissant du membre de la commission, personne n’a échappé aux accusations venant de toutes parts. Au nom de qui ? Qui est autorisé aujourd’hui à parler au nom du peuple ? Il faut revenir à la loi.
Mes collègues ont été irrités par tout ce qui a été écrit, et j’ai refusé de les laisser publier les documents qu’ils m’avaient adressés dans ce sens.
Abdelfattah Amor, Joker de Ben Ali ! , quel mépris qu’on a pour les gens ? Quelle ignorance ? Je suis très mal à l’aise de parler au nom de moi-même, mais les faits et les personnes ne sont pas mieux habilités que moi pour parler, mais puisque vous avez évoqué la question. Abdelfattah Amor n’est pas né de la dernière pluie, il n’a jamais été un homme sous influence, il a été toujours indépendant et libre.
En 1993, à titre strictement personnel en tant qu’expert, j’ai été élu par la commission des droits de l’homme où s’est constitué le conseil des droits de l’homme. j’étais élu à titre d’expert, à titre personnel en 1993 avant la conférence de Vienne pour être chargé des problèmes de liberté de conviction, de religion. Dans ce cadre-là, j’ai présenté 37 rapports à la commission et à l’assemblée générale. J’ai fais organiser l’unique conférence internationale sur la liberté de religion et de conviction qui s’est tenue à Madrid en 2001.
En d’autres termes, j’ai eu la chance d’être connu dans les milieux diplomatiques, les Etats qui ont apprécié le travail que j’ai fait, la Tunisie n’avait rien à avoir là dedans, et j’étais habilité à parler et à traiter de tous les cas sauf de la Tunisie, c’est une règle élémentaire que certains prétendus juristes de notre temps ne connaissent même pas.
J’avais aussi la chance d’attirer l’attention des Nations Unies, il y’a le comité des droit de l’homme des Nations Unies, ce comité est chargé de veiller au respect du pacte des droits civiques et politiques, je n’étais élu pas pour mes beaux yeux, mais parce que j’avais des chances sérieuses d’être élu parce que j’étais connu…Mon parcours est assez long, il est très riche d’expérience et de recherche.
Ceux qui ne lisent pas mon long parcours prennent la peine de lire les documents qui sont publics s’agissant de mes interventions sur la liberté de la presse, la liberté de réunion…
Evidement, je ne parle pas de la Tunisie mais mes positions étaient radicalement opposées à la pratique des droits de l’homme dans mon pays.
Donc arrêter d’avoir la mauvaise foi, la mauvaise foi, on l’a trouve chez plusieurs personnes, il faut que les gens de mauvaise foi savent au moins gérer leur mauvaise foi.
6. Quels sont les résultats actuels des travaux de la commission ?
On a reçu maintenant 6000 dossiers, dont notamment plus de 1000 dossiers ont été traités. Il est à noter que nous avons des dossiers qui sont très graves, et nous comptons sur la justice pour qu’elle entame sa tâche.
Nadia Ben Tamnsourt