AccueilLa UNETunisie : Plus haute est la barre, plus dure sera la chute

Tunisie : Plus haute est la barre, plus dure sera la chute

« Nous devons dire la vérité au peuple et je suis là pour le faire ». Tout cela avec le verbe haut, un ton ferme et tonique. Le discours du quadra qui était venu, ce vendredi 26 août, solliciter le vote de confiance des parlementaires était plein d’emphase, bourré d’énergie. Une allocution dans laquelle transparait la force de la jeunesse – il n’a que 40 ans, le plus jeune chef de gouvernement de l’histoire la Tunisie -, une donne qui lui sera sans doute d’un précieux secours pour extirper la Tunisie de ses nombreuses difficultés. Comme on pouvait s’y attendre, et comme on l’avait prédit ici même hier, Chahed n’a pas lésiné sur les moyens pour secouer la représentation nationale, et à travers eux tous les citoyens, qui ont parfois tendance à perdre de vue les problèmes économiques et financiers aigus du pays.

Celui qui aspire à être le septième chef de gouvernement depuis le départ de Ben Ali – en 2011 -, a commencé par démolir en règle le maigre bilan économique de ses six prédécesseurs. Une Croissance molle (à peine 1,5 % cette année) ; une dette publique qui a explosé, jusqu’à doubler en cinq ans ; une masse salariale dans la fonction publique qui dévore 13,4 milliards de dinars du budget de l’État ; à peu près 112 000 recrutements dans le public depuis 2011 (plus de 600 000 fonctionnaires), des caisses sociales dont les indicateurs ont viré au rouge ; une production du phosphate, grand pourvoyeurs de devises étrangères, qui ne tourne qu’à 60 % de ses capacités…

Il a également décoché des flèches en direction de la société civile, qui a sa part de responsabilité dans le naufrage du pays. Il a dénoncé les comportements irresponsables qui ont fait des routes un cimetière et de la Tunisie une énorme décharge à ciel ouvert. « La liberté, ce n’est pas griller le feu rouge ou jeter des saletés dans la rue », a-t-il lâché. Il a aussi asséné qu’on ne doit pas avoir de la liberté une conception galvaudée qui sera interprétée par, par exemple, le fait de ne pas « payer ses factures d’électricité ou d’eau ». Le discours de Chahed, notamment son argument massue sur une politique d’austérité qui mettrait sur les carreaux des milliers de fonctionnaires, a tellement fait sensation que ça lui a valu une standing ovation de la part des députés. Il est vrai que dans un pays où l’écrasante majorité des jeunes aspirent à être un clou planté sur un mur (un fonctionnaire), ce genre de propos ne peut que faire mouche. Mais en l’occurrence une standing ovation dans ces lieux – au Parlement – ne peut avoir valeur de test, et encore moins de chèque en blanc pour Chahed. Son prédécesseur, Habib Essid, avait soulevé le même enthousiasme. On sait le sort qui lui a été réservé. Pour le nouveau chef du gouvernement, l’essentiel est ailleurs.

Quid de la thérapie de choc ?

Chahed a eu la majorité qu’il voulait, forte, écrasante : 167 voix en faveur de son gouvernement, 22 contre et 5 abstentions. Reste maintenant à dérouler son programme. Et ce ne sera pas une mince affaire au regard des nombreux chantiers qui l’attendent et de la difficulté à remettre les citoyens au travail, écueil sur lequel ses nombreux prédécesseurs depuis la Révolution se sont cassé les dents. Quand Chahed lâche « Nous avons fait une révolution, nous avons rédigé une Constitution, nous avons reçu le prix Nobel de la paix, mais cinq ans après la révolution, notre pays vit une crise qui menace d’étouffer les rêves de la jeunesse qui a perdu espoir », on ne peut lui dire que chiche. Le diagnostic du docteur est sans appel, impeccable, avec ces accents de vérité qui ont fait défaut à Essid pour secouer les citoyens et les entrainer avec lui dans sa dynamique réformatrice. Cela lui a été fatal. Reste maintenant à savoir si Chahed pourra transformer l’essai, après avoir réussi avec brio ses premiers pas d’homme d’Etat… ou d’homme providentiel, devrait-on dire.

Des moyens pour lutter contre le terrorisme, l’endettement, la corruption, de sa thérapie de choc pour guérir le malade, Chahed n’a pas dit grand chose. Ou très peu. Vous me direz que ce n’était pas le but ce vendredi sous la coupole du Bardo, et qu’il y a le discours de politique générale, prochainement, pour ça. En effet le chef du gouvernement avait mis ses combats pour en découdre avec la représentation nationale, la bousculer, notamment ceux qui s’étaient jurés intérieurement de le canarder copieusement après qu’il a refusé, au dernier moment, de revoir la copie de son gouvernement. Chahed était venu recueillir l’adhésion des parlementaires, une adhésion forte pour impulser les réformes douloureuses qui nous pendent au nez. C’est chose faite. Nous attendons de voir ce qu’il va en faire. En attendant, deux choses sont sûres : Il n’a pas une seule seconde à perdre et pas droit à l’erreur, évidemment. Les citoyens, les observateurs et la scène politique seront d’autant plus intraitables avec lui qu’il a mis la barre très haut avec une allocution de haute facture.

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