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« Un programme d’encadrement des PME est indispensable afin de stopper l’hémorragie » estime Moez Joudi

Moez Joudi, président de l’Association Tunisienne de Gouvernance (ATG) et expert économique et financier, dresse le bilan de la situation économique et propose des solutions. Egalement, il insiste sur l’importance d’ouvrir une enquête sur les tenants et les aboutissants de la gestion de la confiscation.

Comment évaluez-vous la situation économique en Tunisie ?

La situation économique passe aujourd’hui par une période difficile qui nécessite une réaction conséquente et une mise en œuvre d’un plan de sauvetage de l’économie nationale. En effet, ce qui est préoccupant aujourd’hui, c’est que les fondamentaux sont bien touchés ! Quand vous avez une balance commerciale chroniquement déficitaire (plus de 6 milliards de dinars de déficit), quand vous avez un déficit de la balance des paiements courants qui a atteint les 7 % du PIB, quand vous avez un déficit budgétaire de plus de 6,6 % et quand vous avez un taux d’inflation qui a dépassé les 5 % sur toute l’année, nous ne pouvons que nous préoccuper par rapport à ce cumul de déficits fortement handicapant pour la bonne marche de l’économie nationale !! En même temps, le taux de croissance et même s’il atteint les 3 % en 2012, il ne sera en aucun cas assez suffisant pour palier aux dysfonctionnements et combler les déficits ! Il ne sera pas suffisant non plus pour résorber une partie du chômage ! En 2012, il n’y aura qu’une petite récupération des emplois perdus en 2011 !! Il y a urgence donc, et ce qui m’inquiète le plus, c’est le manque de réactivité de la part de l’actuel gouvernement outre la situation politique et sécuritaire encore tendue, ce qui ne favorise pas une relance consolidée.

Encore des défaillances à afficher surtout au niveau du rendement du gouvernement, fortement critiqué par l’ensemble des analystes et observateurs ?

Le gouvernement actuel manque terriblement de compétences mais surtout d’expérience, de recul et de vision ! Il n’arrive pas à bien diagnostiquer la situation ni à inspirer confiance au niveau national et international, il ne rassure pas et ne propose pas ! Nous avons l’impression que tout est géré avec des considérations politiques et suivant des intérêts exigus, et cette démarche est vraiment nuisible et handicapante pour la bonne marche du pays!

En tant qu’expert en économie, que faut-il faire pour y faire face et surtout regagner la confiance des investisseurs encore réticents à investir. Je vous souligne que 600 investisseurs ont quitté le pays ces derniers temps vu les événements économiques difficiles ?

Les solutions sont politiques avant d’être économiques ! Tout d’abord, il nous faut plus de visibilité pour la prochaine période ! Une feuille de route claire et nette doit être officialisée afin de dissiper l’ambigüité et rassurer les opérateurs ! La situation sécuritaire doit être fiabilisée et consolidée ! Stabilité et sécurité sont à la base de tout développement économique ! Ensuite, un remaniement profond de ce gouvernement doit avoir lieu, avec un recentrage de la composition et son orientation vers plus de compétences et de qualifications. Il faut des signaux forts à ce niveau afin de rassurer nos partenaires ! Et c’est après qu’on pourrait travailler sur un plan de sauvetage qui doit associer l’ensemble des parties prenantes et des partenaires sociaux qui doivent pouvoir se concerter pour mieux adhérer à ce plan ! Les axes prioritaires de ce plan peuvent être la résorption des déficits et une politique budgétaire de stop and go qui alternera rigueur et relance ! Un programme d’encadrement des PME est indispensable également afin de stopper l’hémorragie et de sauver ces moteurs de l’économie nationale ! Des réformes structurelles doivent être engagées, et d’une manière urgente ! Elles toucheront l’investissement, la fiscalité, les marchés publics et le secteur bancaire. Une réforme profonde du système de l’enseignement supérieur et de la formation est aussi indispensable afin d’arrêter de produire des chômeurs dans ce pays ! En parallèle, une réflexion profonde doit être engagée pour aboutir à une refonte du modèle du développement économique de la Tunisie ! Dans ce cadre, je préconise le modèle SOTEM (Solaire Technologie Médical), basé sur une logique d’avantages comparatifs et de concentration des investissements dans des secteurs porteurs à forte valeur ajoutée !

Au sujet de la confiscation, la Tunisie a estimé à 13 milliards de dollars les avoirs et biens confisqués à la famille de l’ancien président, Zine El Abidine Ben Ali, et à son parti, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). L’estimation des biens confisqués concerne de l’immobilier, des sociétés, des voitures et des titres fonciers saisis. Qu’en pensez-vous ?

Ce dossier a été géré d’une manière aberrante ! Trop d’irresponsabilités, de conflits d’intérêts, de non-sens et d’impertinence ! Une enquête doit s’ouvrir sur les tenants et les aboutissants de la gestion de ce dossier qui est calamiteuse à tous les niveaux, à mon avis, et je pèse mes mots !

Beaucoup de polémiques touchent également le sujet des biens confisqués et certains reprochent l’absence de la transparence au niveau de traitement de ce sujet. Pouvez-vous nous donner d’éclaircissements ?

Absence totale et flagrante d’un minimum syndical en termes de transparence : Juste un exemple illustratif pour être dans le concret : Quand le Commissaire aux comptes d’une grande entreprise expropriée se trouve lui-même en charge de l’évaluation de cette même entreprise, on ne peut que se poser des questions sur la fiabilité et la transparence des procédures régissant ces affaires ? Les règles élémentaires ne sont pas suivies notamment dans les appels d’offres et dans le travail d’évaluation ! Je déplore aussi qu’une personnalité assez connue et assez réputée du monde des affaires en Tunisie, soit chargée d’assumer en même temps plusieurs responsabilités divergentes dans ce dossier de nature à induire des conflits d’intérêts flagrants qui altèrent toute la confiance et la sérénité nécessaires à ce genre de missions !

Wiem Thebti

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