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Un socle de protection sociale est la meilleure solution pour combler le déficit de la CNRPS, selon Saïd Bilel

Dans une interview à Africanmanager, Said Bilel, Pdg de la CNRPS souligne l’urgence de traiter le dossier de la caisse notamment avec l’aggravation de son déficit. La mise en place d’un socle de protection sociale et de couverture sanitaire et universelle serait l’une des solutions pour remédier à cette situation, a-t-il affirmé. Interview :

Pouvez-vous nous dresser le bilan de la caisse ?

Le bilan est conforme aux attentes, et le déficit de la CNRPS étant structurel, il ne peut être que déficitaire.

Pour 2012, on a terminé l’année avec un déficit de l’ordre de 121 millions de dinars. Pour 2013, les prévisions tablent sur un déficit de l’ordre 204 millions de dinars contre un déficit estimé à 105 millions de dinars, en 2011, et 84 millions de dinars, en 2010.

On constate alors que le déficit est en train de se creuser d’une année à l’autre, et ce, malgré les différentes mesures prises par les pouvoirs publics. Ces sont des mesures simplistes étant donné qu’elles ont touché également l’augmentation de cotisation. A chaque fois où la caisse connaît un déficit, la solution unique s’avère être l’augmentation du taux de cotisation.

Les causes principales de ce déficit ?

C’est un déficit purement structurel sachant que le système de la sécurité sociale est un système par répartition. Les cotisants cotisent pour les retraités. Le nombre des retraités augmente chaque année de 5% contre une évolution timide du nombre des cotisants, dont le taux ne dépasse pas 2,5%. On peut dire alors que le nombre des cotisants est insuffisant pour assurer l’équilibre du régime de retraite.

D’autant plus que les recettes de la caisse sont constituées des cotisations dont 99% proviennent du taux de la retraite et du capital décès. Donc, les ressources proviennent des cotisations et les dépenses proviennent des pensions de retraite. Quand les dépenses dépassent les recettes, ceci aboutirait inéluctablement à un déficit.

A titre indicatif, les recettes de 2012 ont atteint 2174 millions de dinars contre des dépenses de l’ordre de 2195 millions de dinars. Pour 2013, les prévisions tablent sur des recettes de l’ordre de 2259 millions de dinars et les dépenses seraient de l’ordre 2476 millions de dinars.

Les prévisions pour 2014 sont encore plus compliquées. Les recettes seraient estimées à 2502 millions de dinars alors que les dépenses atteindraient 2785 millions de dinars. D’où un déficit de l’ordre de 283 millions de dinars. Et les choses vont se compliquer davantage.

C’est la première cause structurelle qui reste liée également à la disproportion entre les cotisants et les bénéficiaires des pensions.

Les affiliés de la CNRPS sont composés essentiellement des agents travaillant dans la fonction publique, dans les collectivités locales et dans les entreprises publiques. En 2012, le nombre des affiliés a atteint 715254 contre 646033, en 2010.

C’est vrai qu’il y aurait des recrutements dans la fonction publique aux alentours de 40 mille, mais si on décortique ce chiffre, on constate qu’il s’agit de rémunérations de salariés travaillant dans les chantiers et dans le domaine de la sous-traitance. C’est vrai qu’il y a eu du recrutement, mais ceci a touché des individus ayant des bas revenus. Et pourtant, s’il n’y avait pas de recrutements au niveau de cette catégorie, le déficit serait plus grave.

Pour les bénéficiaires des pensions, le nombre a atteint 280222 contre 254698, en 2010, avec un taux d’évolution de 5% et le nombre d’actifs est estimé à 2,6%.

La deuxième cause exogène à la CNRPS est celle relative à l’espérance de vie. C’est un facteur qui distingue déjà les pays développés de ceux émergents. Malgré son importance, ce facteur se répercute sur le régime de retraite. Au niveau de la CNRPS, la période moyenne de la jouissance de la pension est aux alentours de 20 ans. C’est vrai que ce facteur sur le plan démographique est important, mais aussi il a des répercussions sur le régime de retraite.

La troisième cause est celle relative aux salariés qui font valoir leur droit à la retraite tout en bénéficiant de leurs pleins droits. Par le passé, ceux ayant réalisé 30 ans de service forment une minorité. Aujourd’hui, ils ne sont plus que de 30%, et ils partent à la retraite en bénéficiant de leurs droits.

Le dernier facteur reste lié à l’évolution de la pension moyenne grâce à l’augmentation salariale, et ce, dans un contexte marqué par les augmentations salariales. Cette pension a atteint, en 2012, 450 dt alors qu’elle pourrait atteindre 800dt, en 2014.

Quelle serait la stratégie de la caisse ?

La situation de la CNRPS est certes préoccupante, mais elle n’est pas catastrophique comme l’ont indiqué plusieurs médias qui n’ont pas manqué de dire que le risque est grand de voir la caisse dans l’incapacité d’honorer ses engagements ou de payer les pensions.

Pourquoi ?

L’Etat est toujours garant. D’ailleurs, la caisse n’a plus des réserves et de liquidités, alors même qu’on est en train de payer les pensions sur les cotisations des affiliés. Et à chaque fois où le besoin de financement se fait sentir, l’Etat intervient pour nous accorder des avances sur les cotisations.

D’ailleurs, en 2013, on a reçu 150 millions de dinars à titre d’avance sur la cotisation. Utile de noter qu’il ne s’agit pas d’un don ou d’une prime, mais, ce sont des avances destinées à permettre à la caisse de combler son déficit éventuel, mensuel, et pour payer les pensions.

Mais l’Etat se trouve aujourd’hui face à une multiplicité des problèmes ?

Je suis tout à fait d’accord avec vous, vu que le contexte économique actuel est fragile, et la situation ne peut pas être gérée de la même façon.

Face à ce constat, la situation au sein de la CNRPS est une priorité. Il est extrêmement urgent, aujourd’hui, de trouver des solutions radicales étant donné qu’elles nécessitent une réforme pour l’ensemble du régime de retraite et du régime de la sécurité sociale.

Plusieurs questions se posent aujourd’hui. Est-ce que le gouvernement qui partira dans quelques jours est en mesure de prendre des décisions d’envergure ? Encore, le prochain gouvernement qui va gouverner pour une courte période, va-t-il ouvrir ce dossier épineux ? J’en doute fort.

Alors ?

Le premier déficit de la CNRPS remonte à 1993. Mais, il y a eu un travail approfondi pour voir les causes de ce déficit et comment faire pour redresser la situation afin de permettre à ce régime de continuer à honorer ses engagements.

Il y a eu toute une stratégie de réforme de la sécurité sociale en 1994. La stratégie était en trois étapes. La première a concerné les mesures immédiates qu’il fallait entreprendre pour redresser la situation. Pour la deuxième étape, on a essayé de vérifier la situation puisqu’on a constaté qu’il y a eu quelques défaillances au niveau de la réglementation alors que la troisième étape a concerné la grande réforme, c’est-à-dire la réforme de l’assurance maladie et celle de la retraite.

On a commencé par reformer l’assurance maladie, puisqu’on a pensé qu’elle va apporter des améliorations pour la population, mais il s’est avéré qu’il s’agit d’une réforme complexe nécessitant 8 ans pour que cette réforme soit compétitive. Juste après, on a attaqué la réforme de la retraite et, juste avant la révolution, on était sur le point de construire cette réforme en entamant des réunions avec les partenaires sociaux, et tout le monde était d’accord sur la réforme de la caisse de la retraite. D’ailleurs, des textes ont été préparés.

Dans pareille situation, quelles seraient les solutions ?

L’Etat doit continuer à accorder des avances pour permettre à la CNRPS à honorer ses engagements. On n’a pas d’autres solutions ; surtout aucune disposition n’a été prévue pour la CNRPS bien qu’on ait proposé une série des mesures pour qu’elles soient stipulées dans cette loi. Mais voilà, rien n’a été fait pour la CNRPS.

Quel serait votre message pour le nouveau chef du gouvernement ?

Il faut œuvrer pour le dialogue. Si le nouveau gouvernement réussit à instaurer un dialogue sur le régime de retraite en coordination avec tous les partenaires sociaux et les partis politiques surtout qu’il y a une urgence, on arrivera à un consensus pour étudier des mesures.

Parmi ces mesures, il y a l’augmentation de l’âge de la retraite qui n’a pas évolué depuis la mise en place de ce régime. Utile de noter que plusieurs pays européens ont révisé à la hausse l’âge de la retraite

Il faut compter aussi avec d’autres sources de financement étant donné que la soule source demeure la cotisation.

Par exemple ?

Dans une étude comparative, la Tunisie est le seul pays où l’Etat n’intervient pas alors que dans plusieurs pays, l’Etat intervient de manière directe en accordant des subventions au régime de la retraite ou indirectement par l’instauration d’une taxe sur la protection sociale.

Une autre solution : revoir tout le système parce que le système actuel par répartition est étroitement lié à l’évolution démographique.

De même, il y a la solution recommandée par le bureau international. A ce titre, on ne devrait plus parler de la sécurité sociale, mais d’un socle de protection sociale et de couverture sanitaire et universelle.

Ce programme comporte trois paliers. Le premier palier vise à assurer un revenu minimum à toutes les couches sociales et une couverture sanitaire minimale qui va être financée par la collectivité et non plus via la cotisation

Le deuxième palier est celui contributif plafonné. On vous garantit votre revenu avec un remboursement de 50%, et le dernier est complémentaire pour ceux qui veulent garantir l’intégralité de leurs salaires ; ils peuvent contacter les assurances pour avoir le complément de leurs pensions.

C’est un système cohérent qui assure la couverture de l’ensemble des couches sociales.

Wiem Thebti

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