AccueilLa UNEViolence en Tunisie : L’insoutenable duplicité d’Ennahdha

Violence en Tunisie : L’insoutenable duplicité d’Ennahdha

Le dossier de la violence a occupé dans la Tunisie postrévolutionnaire une place de choix. Avant les élections d’octobre 2011, suite aux faiblesses des institutions de l’Etat, et dans le climat de confusion qui a prévalu, la violence a été utilisée largement par plusieurs formations politiques, et beaucoup de Tunisiens pour agir sur le cours des évènements. Les trois sit-ins de la Kasbah , les affrontements de Metlaoui ,Jbeniana ,Siliana ,le Kef ,Jendouba , et bien d’autres évènements ont donné la preuve que la classe politique n’a pas opté définitivement pour les élections comme mode de choix des nouvelles équipes dirigeantes ,dans le cadre de la démocratie basée sur l’alternance .

Rétrospectivement , ces développements attestent que la violence n’a pas servi uniquement à modifier le rapport des forces conjoncturel entre les partenaires politiques ( évènements de Siliana, en 2011, pour faire passer l’article 15, dans sa mouture initiale et Kasbah 3 en vue d’imposer les vues d’Ennahdha pour la période transitoire ) , mais l’usage de la violence a été maintenu par toutes les parties ,durant la période transitoire, comme une option dans le but de changer les règles du jeu politique.

L’opinion publique, divisée en deux pôles distincts (islamiste et démocrate) a été bien préparée pour permettre, aux uns et aux autres de transiger avec la violence exercée. Ceci a ôté tout fondement à l’unanimité et à la vocation systématique qui devaient caractériser toute opposition à la violence.

La porte était, donc, ouverte aux explications et aux justifications des agissements des deux clans, entachés de violence.

Après les élections, la donne politique change: la légitimité devient l’élément le plus important. Elle n’est pas uniquement affermie par les institutions de l’Etat dont se dote le parti islamiste , et la règle de la majorité qui lui permet d’avoir la haute main sur la gestion des institutions démocratiques , mais aussi par un leitmotiv qui donne l’occasion au parti islamiste de faire valoir la conformité entre son identité propre comme parti majoritaire ,et celle de la société dont il est issu .

Cette situation nous met en face d’un malentendu historique : les opposants ont vu dans la victoire d’Ennahdha une situation réversible due à un simple incident de parcours résultant d’un mauvais concours de circonstances , qui peut être dépassé , alors qu’Ennahdha voit dans son accession au pouvoir l’aboutissement d’une chevauchée ,rendue possible par des sacrifices infinis ,et par l’échec du projet d’occidentalisation du pays amorcé par Bourguiba et achevé par Ben Ali .

De ce fait, l’échec de l’exercice d’Ennahdha, et son isolement politique, sont perçus différemment selon que l’on appartient à ce camp ou à l’autre. L’establishment voit dans tout effort d’amplifier ou d’exploiter ses échecs, une adhésion à un complot aux ramifications internes, régionales et internationales pour priver l’islam de sa primauté en Tunisie et ressusciter l’ordre d’avant le 14 janvier. L’opposition y voit la fin d’un choix contre nature fait par un peuple étourdi par les bouleversements de la révolution, et l’aboutissement d’une expérience infructueuse qui a mené au désastre .

Dans cette opposition aussi radicale que systématique, tout était permis. Et la violence, qui ne devrait pas avoir de place dans la Tunisie postrévolutionnaire , pourrait être intégrée dans les stratégies respectives pour acquérir le pouvoir ou s’y maintenir.

Il faut reconnaître ,tout de même , qu’Ennahdha a montré, au moins depuis juillet 2011, une assiduité pour l’entretien et l’usage de la violence : déjà le 15 Juillet 2011 , en déclenchant Kasbah 3 ,Ennahdha a utilisé ,parallèlement aux salafistes, sortis tout droit de leur statut d’apprentis , les survivances des ligues de protection de la révolution (LPR) ,abandonnées ,de manière pas toujours claire, par la gauche radicale .

Avec l’émergence de la mouvance Nidâa Tounès, de janvier à juin 2012, on assiste tour à tour aux menaces de Habib Bousarsar contre Béji Caïd Essebsi (le 25 mars ), aux évènements d’El-Abdellia (le 10 juin 2012),et à l’autorisation aux LPR d’exister comme association autonome (JORT du 14 juin 2012 ) .

La violence qui était pratiquée depuis la révolution par des amateurs (la gauche radicale), prend un caractère institutionnel : on a désormais des associations et des groupes aguerris (les salafistes ) qui s’en réclament sans rougir . Les moyens de contrainte, armes inclues ne manquent pas.

Pour se maintenir, Ennahdha s’emploie à exagérer ses sacrifices , montre que les réalisations de la Tunisie indépendante ne sont que menées infructueuses pour occidentaliser le pays ,et prendre pour cadre théorique la défense des acquis de la révolution ,et la rupture avec l’ancien système , et pourquoi pas , annoncer l’instauration d’un système politique islamiste . Ces thèses cimenteraient les rangs de la mouvance LPR-salafisme ,et mettraient Ennahdha à l’abri de toute connivence directe avec la violence .

Parallèlement, le parti islamiste œuvre à éliminer les adversaires politiques qui peuvent introduire un équilibre dans la vie publique, notamment Nidâa Tounès .

C’est, dans ce cadre, que s’inscrivent les dernières manœuvres pour faire signer à Ennahdha une charte contre la violence, tout comme les précédentes tentatives pour l’associer à l’initiative de dialogue lancée par l’UGTT . Le parti islamiste se pose toujours la même question : toute initiative est de nature à m’imposer des contraintes, et profiterait à des formations politiques qui n’ont pas la représentativité qui est la mienne. Pourquoi subir de telles contraintes et faire de telles concessions à des courants politiques qui veulent affaiblir ma marche vers mon emprise sur les rouages de l’Etat pour une longue période.

Pour les forces démocratiques et de gauche, l’adhésion au dialogue initié par l’UGTT, et à la charte contre la violence sont des garanties minima pour le bon déroulement des prochaines élections et l’instauration de l’alternance, mais Ennahdha a l’air de rétorquer : l’alternance veut dire me déposséder du pouvoir ; pour les élections, un seul tour suffit, le scrutin était transparent, et il est déjà loin derrière nous.

Aboussaoud Hmidi

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