Sacrée et consacrée par l’Occident comme étant l’unique démocratie du monde arabe, la Tunisie oublie depuis bientôt huit ans, que sans une économie bancable, la démocratie reste aussi inutile qu’une bague dans le doigt d’un va-nu-pieds. La même Tunisie oublie encore, depuis 2011, que démocratie sans stabilité, n’est que leurre de pouvoir, règne de la médiocrité , lobbycratie et même «corruptocratie».

Cela s’appelle «l’éléphant dans la chambre», ou le sujet dont tout le monde est conscient, mais dont personne ne veut parler. A quelques jours de la réunion des signataires du document de Carthage, sous la menace renouvelée de l’UGTT, d’en sortir, il est espéré que ceux qui s’apprêtent à sceller l’avenir de tout un pays se décideront à parler de cet éléphant, avant qu’il ne fasse du pays un magasin de porcelaine.

Personne n’en parle ni ne veut en parler, mais les 3 piliers de la croissance que tout un pays cherche et dont l’absence ou le peu de présence, peut décider du départ du chef du gouvernement, la croissance étant le générateur de toutes les autres actions de développement, comme l’emploi, l’amélioration du pouvoir d’achat, l’amélioration de la santé du Dinar devant l’Euro et le Dollar, ainsi que de tous les autres radios de l’économie. Ces trois piliers, sans lesquels il est impossible, sinon très difficile, de réaliser une croissance, porteuse de développement, sont :

  • Stabilité sécuritaire.
  • Stabilité sociale
  • Stabilité politique

Il n’est un secret pour personne que le dernier gouvernement en place a réussi à apporter une certaine stabilité sécuritaire. Elle est fragile et nécessite une veille de tous les instants, mais elle est là depuis 2016. Le retour du tourisme reste le meilleur témoin sur cette réussite. Il faut juste rappeler que, théoriquement, on ne change pas une équipe, ou même un ou deux ministres, qui gagnent. Le faire, c’est réintroduire l’instabilité dans un département qui, à l’image du pays, l’autorité et la gouvernance restent d’abord une question d’hommes avant d’être une question de structures.

Côté social, c’est plus l’instabilité que la stabilité et ce depuis 2011. Une instabilité qui empêche toujours, selon le dernier communiqué de l’INS sur les niches de croissance, les secteurs du phosphate et des carburants de réaliser la valeur ajoutée qui était la leur avant 2011.

Et bien que les ressources de l’Etat aient été déjà largement épuisées par les hausses salariales qui n’ont apporté que plus d’inflation, et que ses caisses se tarissent à vue d’œil, les mouvements sociaux, soutenus par tous les partis politiques et toutes les organisations syndicales, ne s’arrêtent toujours pas. En mars 2018, selon le rapport de l’observatoire social tunisien, et à ne considérer que les mouvements de protestation spontanée, ce sont 87 mouvements de nature économique, 133 de nature sociale, 83 de nature politique, 90 dans l’éducation, 198 de nature administrative, 32 de nature sanitaire et 78 de nature sécuritaire, pour ne parler que de cela.

Tous, des mouvements qui ne participent guère à la stabilité sociale nécessaire à l’attrait des investisseurs, locaux et internationaux. Cela, même si tous ces mouvements pourraient aussi être lus comme un bon signe de santé démocratique. Des mouvements aussi, qui sont toujours, à tort ou à raison, soutenus par le principal syndicat ouvrier qui en fait, volontairement ou involontairement, un moyen de maintenir élevée la pression sur un gouvernement qui ne vaut, pour l’UGTT, que par ce qu’il donne, en augmentations et autres privilèges.

L’instabilité est aussi, depuis plus de sept ans, la caractéristique principale de la scène politique tunisienne. Ce sont ainsi 3 chefs d’Etat, 7 gouvernements et leurs chefs, avec une moyenne d’un nouveau tous les 18 mois, et deux assemblées de représentants du peuple. Des assemblées où le tourisme politique a consacré l’instabilité dans les rangs des députés. Instabilité aussi dans les rangs du principal parti du pouvoir qu’est Nidaa Toues qui s’étaient divisé en au moins 4 petites formations. Cela sans compter Ennahdha qui a enfanté Hizb Ettahrir.

Mais le plus dangereux dans cette instabilité restera celui qui secoue toujours La Kasbah où presque personne n’a réussi à gouverner comme il le veut ou comme il se doit et où très peu ont réussi à appliquer les réformes que tout le monde connaît et tout le monde empêche de se mettre en place. Le dernier des coups de pioche qu’on enfonce, depuis 2014 au moins, dans les murs de La Kasbah, est celui qu’assomment depuis quelques les signataires du «Document de Carthage 2.0».

Une instabilité qui, quel que soit le choix de la personnalité, impacte et impactera la capacité de tout chef du gouvernement à mettre à exécution toute feuille de route dont on le charge. Une instabilité aussi, qui rendra difficile à tout chef de gouvernement de se faire obéir par une Administration qui voit changer presque chaque année sa hiérarchie. Une instabilité encore, qui déstabilisera toute négociation avec les bailleurs de fonds et retardera, sinon mettra en danger, les chances d’un rebondissement rapide de la situation économique et financière. Une instabilité enfin, qui risque fort d’emporter les prémices de la reprise qui commencent à se dessiner et qui pourraient se confirmer. «L’inflexion de la courbe du chômage est le vrai marqueur de l’embellie perceptible de l’économie tunisienne (+2.5% de taux croissance au 1er trimestre 2018 en termes de glissement annuel) », disait le statisticien Hassen Zargouni. C’est l’instabilité qui casser tout cela.

Khaled Boumiza

1 COMMENTAIRE

  1. Que chacun de nous aie pitié de notre Tunisie, qui n’a besoins que de fidèles enfants prêts aux sacrifices pour la faire sortir indemne d’une situation non ordinaire.
    Journalistes, politiciens, hommes de finances et de travail Intellectuel ou manuels sont appelés à bannir la haine et à coopérer pour combattre les maux sociaux qui s’appellent indifférence et corruption.
    Le Tunisien qui aime son pays souffre de l’amertume des informations qu’il reçoit et des frustrations qu’ils lui provoquent.
    Le sommet de la pyramide politique et financière peut être partie à l’image de sa base et a les mêmes odeurs, à savoir : égoïsme, irrespect de l’autre et des lois (divines ou humaines), désordre en famille et en public, banditisme lorsqu’il détient un quelconque pouvoir ou une force d’action, ingratitude, corruption pour les plus indignes et irresponsables, lâcheté pour les plus démunis de personnalité, etc.
    Surement, la Tunisie a de bons et voire de très bons patriotes capables de fermer ses douloureuses plaies reçues de partout (de l’extérieur et de l’intérieur) et de voir l’avenir avec un réel optimisme, out en étant désintéressé du pouvoir politique et des finances empruntées

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