Tunisie : Une banque où le seul salaire du DGA est égal à tout le bénéfice. Ça existe !

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Le Directeur Général de la Banque Tuniso-Libyenne, Zouhaier Ouakaa, vient de lancer une invitation aux médias tunisiens pour couvrir l’inauguration en grande pompe du nouveau siège de la banque, au Centre Urbain Nord qui, dit son communié, «sera rehaussée par la présence de plusieurs personnalités politiques et économiques». Et la même source d’ajouter que «ce nouvel espace s’élevant dans un bâtiment moderne, impulse une véritable culture de marque orientée client et renforce le réseau de la banque par un 15ème point de vente». On vous laisse admirer le lien fait par la direction entre le bâtiment et la culture de marque ! Il est vrai que c’est désormais dans le luxe d’un nouveau siège flambant neuf, en marbre et sur plusieurs étages, d’un coût de quelque 30 MDT, que le DG et son DGA siègeront désormais !

Pour la petite histoire, la BTL, créée en 1984 en tant que banque de développement, est devenue à partir du 20 octobre 2005 une banque universelle, «offrant ainsi tous les produits et services proposés par les banques commerciales tunisiennes, tout en capitalisant sur sa grande expérience acquise en matière de financement du commerce extérieur, en dinar tunisien et en devises», selon le texte de l’invitation. Le même texte affirme que «la BTL a entrepris avec succès durant ces dernières années un plan de développement stratégique qui lui permet aujourd’hui de se positionner en tant que banque commerciale à dimension régionale, au service des opérateurs tunisiens aussi bien sur le marché local qu’à l’international». Jetons donc un œil sur le bilan de la banque.

  • Un tout petit bénéfice d’une moyenne 37,5 mille DT … par agence et un RN en yoyo

En fait, à la fin de l’exercice 2016 de cette banque mixte, le résultat net était juste de 562.123 DT, ou la moitié d’un petit (pour une banque digne de ce nom) million DT. Avec la quinzaine de points de vente ou d’agences de cette banque, cela reviendrait à un résultat net ou bénéfice, par agence, de juste 37.474,86 DT … par an ! En poussant le raisonnement par l’absurde un peu plus loin, on trouvera que le bénéfice quotidien, par agence, est juste de … mille deux cent quarante-neuf dinars !

Notons aussi que ce résultat de 2016 a été divisé par quatre par rapport aux 2.225.962 DT de l’exercice 2015. A la fin 2016, selon ses états financiers qui ont été publiés sur le site du CMF, le résultat d’exploitation baissait déjà et passait de 38,058 MDT en 2015, à 37,922 MDT en 2016. Automatiquement, le PNB passait de 25,084 MDT en 2015, 22,598 MDT en 2016. Cela donnait un résultat d’exploitation de 0,677 MDT en 2016, après les 2,249 MDT, une année auparavant. L’année 2016 aussi, la banque doublait, dans le négatif, les flux de trésorerie issus de ses activités d’investissement. Ces derniers passaient ainsi de -7,379 MDT en 2015, à -14,942 MDT en 2016. Autant dire que les investissements de la BTL étaient toutes perdantes.

Cela ne va pas plaire à ses dirigeants qui nous en voudront d’avoir fait semblable lecture des résultats qui les rendraient si fiers, jusqu’à ameuter la presse locale pour célébrer les nouveaux bureaux mais, en fait, la banque tuniso-libyenne a toujours eu de petits résultats qui évoluaient en yoyo. La BTL était déjà déficitaire en 2003, de 48,628 MDT. Déficitaire aussi de 3,068 MDT en 2004. Ses bilans n’affichaient aucun résultat pour les années 2005, 2006, 2006, 2007 et 2008 (un tiret dans la case RN du bilan, comme pour dire «rien à déclarer). En 2009, la banque renoue avec les bénéfices, mais avec juste 0,148 MDT. Ce bénéfice remonte à 3,115 MDT en 2010. Il remonte encore à 4,674 MDT en 2011, pour replonger, en 2012, dans le déficit à 2,613 MDT. Elle aggrave son déficit à 5,888 MDT en 2013, fait ensuite avec un bénéfice de 6,052 MDT en 2014, pour le ramener à 2,225 MDT en 2015 et le diminuer encore plus en 2016.

Le bilan de la BTL que nous livrons ici aux connaisseurs, fait aussi état, en 2016, de 28,175 MDT en dépôts de clients qui étaient négatifs de -23,046 MDT, une année auparavant ! Le flux de trésorerie issu de l’exploitation était de 24,560 MDT, après avoir été négatif de -21,267 MDT en 2015 ! Le flux de trésorerie, issu de l’activité d’investissement était négatif de presque -15 MDT, après avoir été négatif de -7,379 MDT. La BTL finit aussi l’année 2016 avec une liquidité positive de plus de +20 MDT, une liquidité multipliée par 10 par rapport en une seule année, dans une banque qui ne réalise pourtant qu’un petit bénéfice d’épicier du coin et toujours en yoyo !

  • La direction reçoit le double du bénef de l’année, en salaires !

Il y a cependant lieu de noter que les charges annuelles de l’équipe de direction (PDG 134.935 DT +DGA 545.777 DT hors voiture de fonction, ou le triple de la rémunération du PDG qui est Tunisien + Membres du conseil 335.750 DT) représentent pour toute l’année 2016 une somme totale de 1.016.462 DT. Force est ainsi de remarquer que les seules rémunérations ou charges de l’équipe de direction de cette petite banque représentaient presque deux fois le total des bénéfices !

La part de l’Etat tunisien sur ses 100 MDT de capital, devenus 30 MDT seulement en 2004 pour résorber les pertes, puis augmentés à 100 MDT en 2013, n’est que 281 petits mille DT.

Juste pour le Benchmark, la Banque mixte Tunisie- Emirats étant déjà à la vente, nous nous arrêterons à l’exemple la Stusid, une autre banque mixte tuniso-saoudienne, où ce sont 197.937 DT en rémunérations pour toute la direction, en face d’un résultat net positif de 5,339 MDT.

Sûre d’elle-même et de l’effet de cette nouvelle bâtisse, la direction de la Banque tuniso-libyenne affirme avoir «ainsi développé une grande expertise en matière d’accompagnement des exportateurs et des importateurs tunisiens en relation d’affaires avec la Libye, mais également avec le reste du monde. Son ADN reste naturellement le financement du commerce extérieur avec la Libye». Elle admet enfin que «au vu du contexte politique actuel, cette dernière n’est pas en condition de générer assez de revenus». Elle voudrait pourtant s’engager, avec ce genre de bénéfices, dans une «nouvelle politique d’extension continuelle de son activité, qui se concrétisera par l’ouverture de 6 à 7 agences par an. La banque prévoit également l’ouverture en 2018 d’un nouveau siège à Tripoli, et ce pour être plus proche des opérateurs tunisiens désireux de s’implanter en Libye». Peut-être le pourrait-elle, grâce aux 13 MDT de salaires pour les 260 employés.

L’invitation à la presse termine en indiquant que «The Sky is the limit (Traduisez, le ciel est la limite) est la devise guidant son nouveau Directeur Général, insufflant, pour le moins qu’on puisse, un nouvel élan à cette institution. Affaire à suivre…».

Peut-être qu’il parlait des rémunérations des dirigeants de la banque. Peut-être aussi, parce que cette banque semble plutôt marcher sur la tête et que ses limites s’orienteraient ainsi vers la terre et non vers le ciel. C’est pourtant une banque où l’Etat tunisien est actionnaire et où il met l’argent du contribuable !

1 COMMENTAIRE

  1. cela est une évidence que de dire que tous les Tunisiens au pouvoir ( à quelque niveau soient ils) se grugent et en profitent un maximum sur le dos de leurs partenaires étrangers surtout lorsqu’ils sont arabes car ils se croient plus intelligents que leurs associés….Résultats : Oh combien de sociétés et partenaires étrangers (arabes et moyens orientaux) se sont retirés avec leurs investissements pour aller ailleurs…!! Qui sont les seuls bénéficiaires ?? Ces soit disant PDG pistonnés par d’autres politiques et cela au DETRIMENT DE LA TUNISIE ET DES TUNISIENS…

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