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La méthode Coué et l’humour noir de Béji Caïed Essebssi pour gouverner jusqu’à juillet.

L’Etat tunisien, bien que transitoire, se tourne enfin vers le monde économique. Ce vendredi 8 avril 2011 a marqué la tenue de la première réunion publique du gouvernement tunisien avec les hommes d’affaires. Six ministres étaient là avec Béji  Caïed Essebssi dans un fort signal d’appui, au siège de l’IACE (Institut Arabe des Chefs d’Entreprise).

On y remarquera quand même la persistance des veilles habitudes d’une cohorte de policiers de toutes sortes investissant la zone et escortant le long cortège de limousines et les difficultés de trouver une place de parking alentour. Tout cela, fort heureusement atténué par la sympathie que semble dégager le Premier ministre, même si ceux qui l’ont fortement applaudi, ce vendredi, étaient ceux-là même qui avaient applaudi son prédécesseur d’une manière tout aussi nourrie,  les effusions de rires en moins. Et c’est là «la méthode Coué» de Béji Caïed Essebssi  qui arrive, avec son humour noir de «vieux de la vieille» et de «routard de la politique» tunisienne, à faire passer la pilule du tableau noir qu’il va dépeindre de la situation sociopolitique, une demi-heure durant, mais sous les applaudissements et les éclats de rire d’un très large parterre d’hommes d’affaires, jeunes et moins jeunes.

Du dicton populaire, à la Sourate des abeilles, Caïed Essebssi peaufine son style de gouvernement.

Après avoir fait un léger crochet empreint de sérieux sur le programme économique, de soutien aux entreprises et de soutien à l’investissement dans les régions, Béji Caïed Essebsi reprend son petit sourire ironique au coin des lèvres et son petit air de «celui à qui on ne la fera pas», pour parler de ce qui l’entoure et de ce qu’il vit dans son poste de Premier ministre. De petites phrases distillées comme autant de clins d’œil à ceux qui l’ont critiqué. 

Il commence par ce qui se passe dans le Haut Comité de protection des acquis de la Révolution pour dire, pince sans rire, que «ils sont devenus nombreux, ceux qui veulent maintenant protéger la Révolution », allusion indirecte mais non dite à tous ceux qui prennent en marche le train de la Révolution. Et il cite, avec un impressionnant sens de la repartie et de la réplique, ce dicton tunisien qui disait que désormais «les soupirants se bousculent au portillon».

Caïed Essebssi n’oubliera pas, en station débout à la tribune devant des chefs d’entreprise, d’évoquer la «dégage-mania » envers ce qu’on appelle les  «symboles » de l’ancien régime et qualifiant  ce terme d’ineptie. «Si l’on veut chercher des symboles, il y en a 3 millions en Tunisie », dit-il encore avec un air narquois, avant d’emprunter l’image au jeu des échecs, pour terminer : «ils étaient tous des pions ».

Il évoquera ensuite cette autre mode du sit-in en disant que «je n’ai jamais vu autant de caprices et d’adeptes de la fine bouche» de la part et chez les Tunisiens. Il est vrai que le Tunisien manifeste désormais pour un oui ou pour un non et n’hésite par à faire sit-in même pour des revendications purement personnelles. Certainement encore sous le «charme » de sa dernière entrevue avec la «Cavaliere » Berlusconi, Caïed Essebssi  prend l’exemple de ce dernier sit-in concernant l’immigration clandestine. «Nos enfants émigrent clandestinement, dans l’illégalité, meurent en mer et on vient manifester me demandant de récupérer leurs corps, comme si je devrais aller les y repêcher  moi-même à la nage», dit-il, manifestement irrité politiquement par cette question. Y passe ensuite l’exemple de ceux qui ont été expulsés de Libye qui font sit-in demandant de l’aide [et pas n’importe quoi, des milliers de dinars et des logements] et caillassent son cortège au passage, et de cette autre manifestation, suivie de saccages, à Menzel Tmime suite à l’immolation par le feu d’un citoyen  après  un différend familial. Le sujet est certes grave, mais toute la salle préfère en rire, certainement dans un geste d’expiation des tourments refoulés dans le tourbillon de la Révolution. Les exemples se suivent à la tribune comme autant d’anecdotes  débitées sur la situation ubuesque que vit actuellement la Tunisie, comme cette nouvelle fronde des islamistes qui désertent les  mosquées pour faire leurs prières dans les grandes artères des grandes villes. «Nouveauté », commente Béji Caïed Essebssi, toujours pince sans rire, «il suffit d’une barbe pour être musulman et prier dans les rues après avoir descendu l’Imam de son prèchoir et y mettre un autre. Et si on intervient, on crie au retour aux pratiques de l’ancien régime », dit-il dans une indignation, à peine cachée par son sourire, mais applaudi par l’assistance, de ces nouvelles pratiques. Il en profite alors pour évoquer la nouvelle décision du ministère de l’Intérieur d’interdire la prière sur la voie publique. Et dans une critique, à peine acerbe et moqueuse, de ces nouvelles pratiques frondeuses des islamistes tunisiens,  il ajoute dans l’éclat de rires applaudi de la salle que «ils prient sur le terre-plein de l’Avenue Habib Bourguiba et ne se soucient même pas de savoir si cette rue a déjà fait ses ablutions».

«Cela doit cesser, qu’on puisse travailler sérieusement, et la majorité silencieuse doit bouger».

On s’apercevra par la suite que le Premier ministre ne parlait pas «à la-va-comme-je-te-pousse». C’était, en effet, ne pas comprendre la méthode Coué de Caïed Essebssi et la finalité de tous les jeux de mots dont il a ponctué son discours de bon père de famille, allant jusqu’à opposer à ces musulmans de l’après Ben Ali, de mémoire cité, un long verset du Coran de la Sourate Innahl (les abeilles), prônant notamment la non violence. Il leur démontrait ainsi que, lui aussi, il connaît les principes de l’islam et le vrai sens de ses injonctions et que ce qui se fait, de leur part ou par d’autres, est une mauvaise plaisanterie qui doit maintenant cesser. «On ne peut pas ainsi nous concentrer et travailler sérieusement. Tout cela doit cesser », clame-t-il, reprenant au passage son air grave et sérieux d’homme politique, responsable et conscient du poids de ses responsabilités. «Sinon, ce qui reste d’entreprises étrangères  va fermer et ce qui reste de la saison touristique sera perdu », termine-t-il ainsi son sermon. Plus sérieux encore, le Premier ministre annonce que «le gouvernement est décidé à bien accomplir son devoir, mais qu’il  n’est pas le seul responsable [en cas de non réussite], lançant lui aussi un vibrant appel à la majorité, «silencieuse, mais point en gel » dit-il. Il faut qu’elle bouge.

En attendant ,et même ce n’est peut-être que visiblement, rien n’est fait pour apporter la tranquillité et la sérénité à l’économie, pour faire régner l‘ordre et rétablir l’autorité de l’Etat. D’aucuns n’hésitent pas à dire que tout ce cirque est toléré pour donner à ceux qui le veulent, de quoi s’occuper et pour laisser le gouvernement travailler, en dehors des pressions des fomenteurs de troubles. Wait and See !

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