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Liste noire des journalistes : Marzouki fait, de nouveau, l’unanimité contre lui

Encore une fois, Moncef Marzouki fait l’unanimité contre lui. Son initiative de publier une liste noire des journalistes tunisiens et étrangers qui auraient collaboré avec Ben Ali, soulève un tollé général .Les angles d’analyse divergent, mais les avis s’accordent à dénoncer ce geste malheureux . Les reproches sont de trois ordres : moral et déontologique , politique et puis pratique .Moralement ou déontologiquement , Marzouki ,qui est le président de tous les Tunisiens , et jusqu’à nouvel ordre candidat à sa propre succession ,n’est pas habilité à approcher ce dossier , qui doit être confié à une instance politiquement neutre , ou relever du processus de la justice transitionnelle .

Politiquement, l’initiative est malvenue en cette situation où les Tunisiens , de par leur état psychologique , stressés par les lenteurs du Dialogue national , et échaudés par les difficultés de la vie quotidienne , n’ont pas d’esprit pour retrouver au menu des urgences un tel dossier à traiter ni avoir à résoudre un problème de cette nature.

Sur le plan pratique, les priorités des journalistes et les médias sont tout autres. Ils se trouvent confrontés à un tas de problèmes d’ordre professionnel parmi lesquels ne figure pas, pour le moment, le dossier de la liste noire .Les journalistes ,qui n’ont eu jusqu’à aujourd’hui leur carte de presse pour l’année qui s’achève (2013) , faute d’accord entre leurs structures représentatives et le gouvernement , sont en train de préparer le prochain congrès de leur syndicat , et contestent de manière régulière les nominations dans les médias du secteur public , en raison de la marginalisation de l’avis des représentants du secteur (syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) , Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) syndicat général de l’information et la culture ) par les autorités .Le décret-loi N° 115 n’est pas encore mis en œuvre et le décret-loi N°116 l’a été de manière formelle . Ce sont là les raisons qui ont provoqué l’étonnement du secteur de se voir imposer un nouvel agenda et des priorités non convaincantes , alors qu’il fait face à des défis beaucoup plus urgents et se débat, sans aucun concours des autorités , pour les relever .D’ailleurs , la réaction du syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) , ne s’est pas fait attendre . Néjiba Hamrouni, présidente du SNJT a rappelé, dans une déclaration, que le syndicat reste attaché au principe du jugement de toute personne dont l’implication avec l’ancien régime est avérée, soulignant que les autorités ont refusé de collaborer avec le syndicat et de répondre à cette revendication. Elle s’est ,en outre, interrogée sur le droit de la présidence de la République à s’accaparer le monopole de documents censés représenter une propriété commune , et ce , en dehors du cadre de la justice transitionnelle, fustigeant, au passage , l’exclusivité accordée par la Présidence à Salah Attia pour relater le contenu de ce livre noir, lequel Salah Attia est connu pour sa complaisance et sa connivence avec la machine propagandiste de l’ancien régime , selon l’expression de Néjiba Hamrouni .

Les journalistes ont affirmé , en privé, et l’ont consigné dans leurs écrits , que cette initiative trouve son explication dans le caractère de plus en plus subjectif et tendu de leurs rapports avec la Présidence , et l’aversion que Moncef Marzouki et ses conseillers ne parviennent pas à contenir , ni même à cacher envers la couverture des médias des activités du Président et de la Présidence . Evidemment Néjiba Hamrouni, présidente du SNJT, par pudeur , n’a pas voulu évoquer ce problème qui n’est pas de nature à aider les journalistes à accomplir leur devoir .

En fait , le président de la République n’admet pas que les journalistes critiquent son action et relèvent ses bévues , et son initiative de publier cette liste noire qu’il a voulu inscrire dans la logique de la défense des acquis de la révolution , n’est, en fait, qu’une manœuvre conçue par ses conseillers pour acheter ou soudoyer des journalistes, selon l’expression de Ayoub Massoudi , ex-conseiller à la communication à la Présidence de la République .

Massoudi qui a démissionné de son poste à la Présidence depuis mi- 2012, parle d’une volonté de la part de membres du cabinet de Marzouki de manipuler les archives de Ben Ali en la matière. Il assure que sa proposition de confier le dossier à « une partie apolitique » a été carrément rejetée , à l’époque, par le chef du cabinet présidentiel qui a transféré ces archives noires à un autre membre « plus proche » au sein du cabinet, afin d’en faire le « bon usage ». Massoudi a également révélé que le chef du cabinet présidentiel a permis à des médias étrangers comme Al-Jazeera d’utiliser certains documents et de les filmer… Cette attitude laissait déceler une volonté délibérée de bafouer les règles de la déontologie et nuire gravement à l’image de la Présidence et dénotait d’une mentalité opportuniste et machiavélique de personnes qui utilisent ces archives comme une carte politique à jouer et un moyen de pression pour acheter ou soudoyer des journalistes. Massoudi souligne que sa proposition a été jugée de la » pure naïveté politique ».

Cette liste noire , qui ne peut ressortir qu’à des motivations électoralistes , et prend , avec les interférences extérieures , essentiellement qataries , une dimension hautement politique , a son histoire . Elle a été engagée au début par les journalistes eux- mêmes, et ont trouvé une ébauche de solution dans le congrès du SNJT, en mai 2011 . Mais, depuis le 9ème congrès d’Ennahdha, en juillet 2012 , les journalistes ont assisté à une campagne d’intimidation de la part des dirigeants du parti islamiste et des menaces de dévoiler cette liste noire . Ces menaces, prenant le relais du sit-in « I3lam Al-3ar » organisé par Ennahdha pendant des mois devant le siège de la Télévision Tunisienne , étaient accompagnées par la campagne Ekbess, animée par le ministre Lotfi Zitoun en personne . Zitoun a diffusé, en août 2012, une vidéo où il a affirmé que la liste noire des journalistes impliqués avec l’ancien régime de Ben Ali, sera bientôt dévoilée par le gouvernement, regrettant que certains médias représentant une menace pour la révolution et ses acquis, refusent de « s’assainir ». Et d’ajouter : «nous sommes en train de préparer ces listes, avec les preuves y afférentes, que nous mettrons à la disposition du peuple ». Il dresse, dans le Al-Fajr du 24 août 2012 , le profil des journalistes à classer dans la liste noire : ceux qui ont travaillé au sein de l’Agence Tunisienne de Communication Extérieure( ATCE) , ceux qui ont servi l’ancien régime et justifié la mort des martyrs de la révolution, et ceux qui ont collaboré avec la police politique en tant qu’informateurs.

Lotfi Zitoun promet que la liste sera longue et inclura des journalistes de renom prétendument «révolutionnaires» ou «indépendants» après le 14 janvier.

Evoquant l’opportunité de la divulgation de la liste noire , le ministre de l’Enseignement Supérieur, Moncef Ben Salem, prend son collègue Zitoun presque à contrepied, le 17 septembre 2012, au cours d’une rencontre avec la communauté tunisienne en Autriche , précisant que le gouvernement refuse jusqu’ici de la rendre publique.

Excédé , paraît-il , par ces déclarations intempestives , Samir Dilou fait dire à son chargé de l’information Chakib Derouich, le 24 octobre 2012 que la liste noire des journalistes sera du ressort d’une instance publique indépendante dans le cadre du processus de justice transitionnelle. « Cette instance sera élue par l’ANC, et jugera de l’intérêt ou non de publier ladite liste ». Sa décision sera à « 1000/100 souveraine », a-t-il martelé.

Cette liste noire , dont la parenté change au gré des vicissitudes politiques ,a été lancée par le secteur dans le but de l’assainir et de le mettre à niveau , a passé entre d’autres mains intérieures et extérieures , et a l’air de devenir un enjeu de haute politique nationale , et peut-être même régionale et internationale .

Aboussaoud Hmidi

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