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Tunisie : La troïka tiendra-t-elle le choc des Salafistes et de la Chariâ?

Ceux qui ont toujours cru que la ligne de politique générale (sociale, économique et politique intérieure) d’Ennahdha, montre déjà assez clairement ses limites, viennent de recevoir un appui de taille. Cette déclaration de Mustapha Ben Jaafar, rapportée, samedi, par le quotidien Al Maghreb, en administre la preuve. «Devant la situation difficile que vit le pays, les dirigeants sont maintenant prêts à toutes les éventualités, y compris la participation de quelques experts dans le gouvernement». Dite par un des membres de la troïka, l’annonce de cette «situation difficile», prend la nette apparence d’une évidence qui devra nécessairement entraîner des changements, au risque d’imploser le gouvernement Jbali, sans besoin de recourir à un quelconque complot.

La situation difficile, on en retrouve, malheureusement les traces, dans différents endroits de la situation et conjoncture, notamment internes, de la Tunisie d’après le 22 décembre 2011, date de la présentation à la Constituante par Hamadi Jbali de son gouvernement, huit jours après sa désignation au poste de chef de Gouvernement par Moncef Marzouki.

– Situation économique.

Trois mois presque après le verrouillage de tous les postes- clés du gouvernement entre les mains d’Ennahdha, l’économie tunisienne ne tournait toujours pas rond. La balance commerciale est toujours déficitaire, le déficit courant s’élargit, les IDE clopinent et les investisseurs voient d’un mauvais œil la hausse des coûts de production dans la Tunisie révolutionnaire, les ressources se raréfient, les prix sont à la hausse et l’inflation est galopante. L’investisseur local a peur et les politiques ne lui font pas confiance. La production bat de l’aile, fortement chahutée par l’escalade des grèves et la floraison des sit-in. Pas de création de richesses, pas de création d’emplois.

Dire le contraire de tout ceci pourrait certes faire plaisir à Ennahdha, parti et gouvernement, mais ne serait pas du nationalisme. Même s’il n’est pas de celui que prône à tout bout de champ Rached Ghannouchi.

– Paix sociale et sécurité.

La Tunisie est certes désormais loin, en matière de sécurité, de l’état de l’année 2011. On est loin du ministère de l’Intérieur bardé de fils de fer. On est loin des évasions successives de prison et de la recrudescence des braquages et autres. Les forces de l’ordre en Tunisie reprennent progressivement les choses en main, les coups de filets se suivent et les arrestations se multiplient. La menace salafiste armée reste cependant à l’ordre du jour. L’affirmation du ministre, à l’arrestation du groupe de Bir Ali Ben Khalifa, que le but était d’entreposer des armes et la situation libyenne qui ne se clarifie pas encore, n’auguraient de rien de bon pour une sécurisation totale du pays. D’un autre côté, la paix sociale bat toujours de l’aile. Grèves et sit-in sont toujours de rigueur et les coupures des routes aussi.

– La question, le problème, salafiste.

Les choses semblent cependant prendre un autre tournant, lorsqu’aux deux difficultés majeures (économie et sécurité), étaient venues s’ajouter la question des Salafistes. Cette question avait éclaté au grand jour, par le cas de la Faculté des lettres de La Manouba. Sa tutelle, un ministère dirigé par un Nahdhaoui, réussit à transformer un débat administratif en un grand débat d’idées et ensuite en un véritable conflit idéologique entre laïques et religieux. A l’image des positions, indécises, contradictoires et illogiques du ministre Moncef Ben Salem, celles de son parti Ennahdha à tous ses étages, refusaient de trancher pour ou contre le phénomène salafiste et continuaient de privilégier la voie d’un dialogue que les Salafistes refusent. La bulle salafiste gonfle et enfle, lorsqu’intervinrent les premiers débats de la nouvelle Constitution sur la place de la Chariâ dans cette Constitution. Le refus de tout dialogue se fit ainsi clairement voir. A Tunis, devant la Constituante, les hordes de barbus scandaient leur refus de la démocratie et de la Constitution. A Sfax, et sans que personne ne le remarque, un barbu monte sur le toit de Radio Sfax, brandissant la bannière des Salafistes sur le front de l’immeuble où devait se trouver le drapeau. (On n’a pas vu franchement si ce dernier a été descendu ou s’il n’était déjà pas là). Devant le siège de Radio Sfax, Imams et barbus demandaient que, seule la Chariâ soit la source des lois.

On pourrait naïvement croire, bien sûr, comme pour le cas du sit-in devant la TV Watanya, que ces milliers de personnes n’avaient aucune appartenance politique et n’étaient mûs par aucun agenda de ce type. Il n’en sera pas moins vrai que ces deux manifestations ont été conçues comme un moyen de pression en faveur d’un Etat, non laïque et complètement religieux où la Chariâ fera tourner, seule, tous les rouages de l’Etat, de la société, de la culture, de l’économie, du sport, des loisirs et pourquoi pas des relations des couples, le double langage étant désormais une politique consacrée chez le parti au pouvoir en Tunisie.

– Marzouki et Ben Jaafar d’une seule voix : la laïcité est une ligne rouge.

N’ayant jamais pris clairement ses distances avec les Salafistes, Ennahdha reste, qu’elle le veuille ou non, soupçonnée jusqu’à ce qu’elle donne la preuve du contraire, d’être derrière la pression populaire en faveur de l’islamisation complète de la Tunisie.

Jusqu’à présent, malgré les critiques et les erreurs de communication commises à ne plus en finir par plus d’un membre du gouvernement Jbali, la troïka a pu résister et présenter encore une façade unie. Les trois pouvoirs en place avaient jusque-là su et surtout pu, dépasser les positions et les déclarations des uns et des autres des têtes pensantes de la troïka et rester unis, même devant de grands choix, économiques et sociaux, indécis, toujours des non-dits du gouvernement.

Ce n’est que face au danger salafiste que la façade unie se fissure réellement. En effet, face aux positions indécises d’Ennahdha et son gouvernement qui ne dit mot à ce propos, présidence de la République comme présidence de la Constituante disaient clairement non au courant salafiste et à l’islamisation de la Tunisie

Alors que les dirigeants d’Ennahdha minimisaient à l’envie l’affaire de la profanation du drapeau tunisien et traitent même le profanateur de fou, Mustapha Ben Jaafar déclare que «nous somme avec la liberté d’opinion, l’avis et l’avis contraire, mais la tolérance et l’indulgence ont des limites». Il est plus net et tranchant vis-à-vis de la question de la laïcité de l’Etat, lorsqu’il affirme que son parti ne sera jamais d’accord sur l’introduction de la Chariâ dans la Constitution. Des sources proches de Ben Jaafar au sein d’Ettakattol précisent pour Al Maghrib que «cette question est une ligne rouge » et que la coalition avec Ennahdha pourrait se défaire si Ennahdha insiste pour introduire la Chariâ en tant que source principale des lois dans la Constitution.

Moncef Marzouki, le laïque qui pactise avec les islamistes d’Ennahdha, retrouve quand même ses réflexes de laïque pour affirmer que «il ne sera toléré à quiconque d’imposer ses opinions par la violence, de traiter autrui de mécréant et de porter atteinte à tout citoyen tunisien pour ses choix idéologiques ou politiques quels qu’ils soient». La position du président de la République tunisienne, à propos de la Chariâ ne sont certes pas aussi tranchantes que celles du Président de la Constituante. On retiendra quand même cette conversation de Marzouki avec le ministre-président de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Rudy Demotte.

«Nous sommes dans une phase intermédiaire, compliquée », a expliqué Moncef Marzouki à l’issue de la rencontre avec Rudy Demotte. «Cependant, je peux vous assurer qu’il existe un consensus au sein des partis de la majorité sur le fait que nous préférerions que la charia ne figure pas dans la constitution. Ce texte doit être basé sur la Déclaration universelle des droits de l’homme », a ajouté le président tunisien». Ira-t-il jusqu’au divorce avec Ennahdha ? Il ne le dit pas encore. La troïka n’en est pas moins actuellement sérieusement menacée.

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