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Le combat d’arrière-garde de Rached Ghannouchi

L’interview que Rached Ghannouchi a accordée à Radio Monte Carlo (RMC) diffusée, mardi 31 décembre 2013 , révèle , au-delà de ce qui est dit explicitement , qu’Ennahdha est en mauvaise posture . Les conditions qui ont porté l’islam politique au pouvoir dans plusieurs pays arabes sont en train de changer de fond en comble. Bachar Al-Assad et le Baâth résistent et redeviennent un interlocuteur incontournable; la capture des chefs terroristes en Libye et les fuites sur une probable intervention occidentale dans ce pays pour rétablir l’ordre montrent qu’une reprise en main est à l’horizon. Les scandales qui éclaboussent Rajab Tayeb Ordoghan, en Turquie, laissent présager que ce qui était présenté par les islamistes comme un modèle à suivre devient un contre-modèle à éviter. Tels sont les trois foyers qui donnaient son énergie à ce qui est convenu d’appeler le printemps arabe: le schéma turc constituait l’idéal à suivre , la Libye procurait la force de frappe : armes ,légions combattantes et espace de recrutement et d’entraînement, et la Syrie était le terrain où devraient fusionner les islamistes de tous bords dans un baptême de feu qui donnera à l’islam politique sunnite sa légitimité et à la région la couleur uniforme qu’elle a perdue, depuis les années 1920. Or, ces trois foyers sont en voie d’extinction l’un après l’autre , avant que ne soit réalisé ce rêve séculaire , et la tendance s’est déjà renversée, ces derniers mois, en Egypte , depuis juillet ,et en Tunisie, à petits pas ,ces dernières semaines .

Rached Ghannouchi , d’habitude friand d’analyses et de spéculations stratégiques , n’a pas trouvé grand-chose à dire en guise de réponse à la question de la journaliste qui a évoqué cette nouvelle donne . Pour l’Egypte, il s’agit d’un coup d’Etat militaire qui a écrasé la démocratie naissante, et la révolution et la démocratie finiront par avoir raison de la contre-révolution, dans ce pays. Il déplore, au passage , la duplicité de l’Occident qui a affiché, durant les premiers mois , son soutien au printemps arabe à vocation démocratique , mais qui a en même temps applaudi le coup d’Etat militaire en Egypte.

Rached Ghannouchi traite les derniers développements en Turquie entachés de scandales financiers, avec le même prisme réducteur utilisé pour l’Egypte . Mais, cette fois, ce n’est pas la contre-révolution interne ou la complicité des Etats occidentaux qui sont mis à l’index , mais les lobbies internationaux et surtout sioniste qui s’acharnent contre ce modèle de succès islamiste . En fait, la Turquie est un pays doté d’un système politique pluraliste et démocratique et d’un modèle de développement plus efficace que celui qui prévaut en Europe-même , dit-il ; pourtant , ils s’acharnent contre son gouvernement , en raison de ses positions dans le dossier syrien .

Lorsqu’il aborde la situation en Tunisie , Rached Ghannouchi ne cache pas que son parti a évité le pire . Il ne reconnaît qu’implicitement que ce qui s’est passé en Egypte risquait de se reproduire en Tunisie , mais finit par avouer qu’Ennahdha a fait des concessions pour éviter le scénario égyptien .

Faisant valoir ces concessions , il a assuré qu’il s’agit là d’une première dans les annales politiques , affirmant qu’aucun parti ayant la légitimité électorale , et détenant la majorité au parlement , n’a remis de plein gré le pouvoir , n’étant nullement contesté par la rue , ni menacé par un coup d’Etat ou par une quelconque contre- révolution . Il a développé sa thèse, devenue classique, que son parti a quitté le gouvernement mais pas le pouvoir , du fait qu’il a toujours la majorité à l’ANC qui est la source de toute légitimité , laquelle ANC restera active jusqu’à l’élection d’une prochaine instance représentative.

Faisant référence aux derniers sondages sur les intentions de vote, il a affiché son optimisme quant à l’avenir politique de son parti. Il rappelle que ces sondages créditent déjà Ennahdha du 1/3 des voix de l’électorat , l’opposition est créditée du deuxième 1/3 et l’autre 1/3 est toujours hésitant , donc théoriquement récupérable.

Les islamistes , forts de leur légitimité électorale et de leur position confortable pour les scrutins à venir , doivent leur statut hégémonique , également, à leurs alliances : la troïka est toujours opérationnelle , et elle peut s’élargir aux prochaines élections pour intégrer d’autres formations politiques , annonce Ghannouchi .Parallèlement , Ennahdha est associé avec d’autres partis dans l’Alliance de la Défense de la Démocratie , et le CPR , allié indéfectible, est associé lui aussi à une autre alliance politique.

L’Occident , qui est vilipendé pour ses positions en Egypte , est cité positivement pour ses positions tunisiennes , car il encourage toujours le modèle démocratique instauré , et ne cesse d’œuvrer à son succès , et Rached Ghannouchi ne voit pas de revirement dans l’attitude internationale à propos de l’islam politique en Tunisie( et même dans le monde ) , et souligne que son parti est parvenu à allier Démocratie et Islam , et a démontré dans les faits que les deux peuvent faire bon ménage.

Cette interview donne une idée sur le sentiment de Rached Ghannouchi plus que sur ses idées, somme toute connues et prévisibles. Le sentiment d’amertume contenue de l’illustre chantre de l’Islam politique, transparaît de bout en bout de l’interview, du fait qu’il voit le projet islamiste s’effilocher , et les alliés d’hier se retourner contre lui , mais il garde , tout de même, jalousement, son carré tunisien et le mène haut la main , dans l’espoir de voir la tendance se renverser de nouveau .

Aboussaoud Hmidi

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