AccueilLa UNETunis : Les enjeux d’une élection pas comme l’autre

Tunis : Les enjeux d’une élection pas comme l’autre

Le peuple a voté. Il a fait son choix pour les cinq prochaines années. Les résultats partiels et préliminaires avancés par Sigma Conseil indiquent que Nidaa Tounes a remporté les élections législatives avec 37% des suffrages. Le mouvement Ennahdha, lui, est crédité de d’un taux de 26%. En 3ème position, on trouve le Front populaire avec 5,4%, suivi de l’UPL (4,8%) et en 5ème position Afak Tounes avec 2,8% des suffrages.

Les mêmes résultats créditent Nidaa Tounes de 81 sièges au prochain parlement sur les 199 alloués à la Tunisie à l’exception des tunisiens de l’étranger. Quant au mouvement Ennahdha, il aurait 56 sièges, le Front populaire 16 sièges, l’UPL 13 sièges et Afak 8 sièges.

On devra attendre, cependant, les résultats définitifs du décompte manuel de l’ISIE et ceux des recours des zéro-virgule et de ceux qui déposeront plainte pour différentes raisons inhérentes au processus électoral.

Le scrutin a non seulement eu lieu, mais il a marqué de manière solennelle la fin de la 3ème période de transition. C’est ce qui intéresse, pour le moment aussi, tous ceux qui ont applaudi ladite révolution du jasmin. Mais il ne faut pas se tromper. Ni l’Europe ni les Amériques, ne seront intéressées par ce qui sort des urnes. Ils ne feront que se féliciter de l’issue de cette démocratie naissante et se contentent de lui décerner une bonne note, même s’il lui arrive ce qui est déjà arrivé, il y a des dizaines d’années en Algérie. Les enjeux de cette seconde élection, «libre et transparente», depuis la fuite de Ben Ali, sont pourtant énormes. Une élection, totalement différente de celle d’octobre 2011, en ce sens qu’elle a vocation à être une élection de gouvernance et qu’elle mettra, en principe fin, et de façon définitive, à la période transitoire qui dure depuis la chute du régime de Ben Ali.

1. La Tunisie, un exemple, «pour le meilleur et pour le pire».

Depuis qu’elle a quitté le pouvoir, sous la pression de la société civile tunisienne notamment, Ennahdha a adopté un profil bas, mis en sourdine ses véritables desseins politiciens, oublié pour quelques temps son grand projet d’islamisation de la société tunisienne, écourté les barbes de ses partisans et juste mis de la poudre, sur les fronts de ses irréductibles et dans les yeux de ses prospects. Au cas où Ennahdha aurait remporté la majorité des sièges au prochain Parlement, il y a fort à parier que le signal aurait été trop fort, au reste de la confrérie des Frères Musulmans, aux Salafistes et au reste de la nébuleuse islamiste en Tunisie, mais aussi en Libye et en Algérie au moins, pour qu’ils ne le retiennent pas et n’en profitent pas, à court ou à long terme. Ennahdha de nouveau au pouvoir en Tunisie, aurait signifié la renaissance et la résurgence de l’islam politique. Ses dérives, comme la Tunisie en a vécu les prémices pendant 3 ans, auraient remonté alors en surface. A quelques miles marins, l’Occident aurait connu alors ce que signifie «avoir un nœud au ventre» !

2. La bataille des présidentielles sera plus acharnée.

La prochaine bataille des présidentielles sera plus dure et plus acharnée. En effet, la bipolarité de fait de la scène politique tunisienne devrait mettre une terrible pression sur le perdant dans les législatives et aiguiser les appétits du reste des groupes parlementaires pour un siège, celui du chef de l’Etat, qui deviendra plus symbolique d’un équilibre vital des forces. Il n’est pas alors exclu, dans la logique même de cette symbolique, que l’un ou l’autre des deux principaux partis changent de position quant à la nécessité ou non d’avoir un candidat pour Carthage ou non. Ennahdha pourrait donner des consignes de vote contre le candidat de Nida Tounes, et ce dernier pourrait retirer se contentant de la conquête du Bardo. Les alliances attendues et les prochaines consignes de vote, détermineront les présidentielles de décembre 2014, en fonction des résultats des législatives d’octobre.

3. Nidaa ou Ennahdha, pas de gouvernement avant 2015, une année qui sera très difficile.

Que Nida rafle, comme le montrent deux estimations de sortie des urnes, la grande partie des sièges de la prochaine Assemblée du peuple, Ennahdha fera tout pour lui rendre la vie difficile, à commencer par l’incontournable période de constitution du gouvernement. Ce n’est pas pour rien que l’actuel gouvernement, sait et le dit, qu’il ne quittera pas La Kasbah avant février 2015 au moins si ce n’est plus. Cette période de mercantilisme politique ne saurait aussi démarrer, avant l’annonce officielle des résultats finaux de l’élection présidentielle, prévue en deux tours.

4. Ennahdha ou Nida, pas de Président, avant 2015, en cas de second tour !

Ces deux retards, celui de la constitution du prochain gouvernement et celui de l’investiture du prochain président de la République, impacteront sans aucun doute l’économie de la Tunisie. A fin octobre 2014, le pays n’a pas encore de budget, adopté et promulgué pour la prochaine année. La loi de Finances 2015, qui devrait en principe être présentée après le budget de l’Etat, l’a précédé et devra attendre le prochain parlement pour la discuter, l’adopter, la voter article par article pour devoir ensuite être promulguée par un président qui ne sera pas élu, en cas de second tour, avant le mois de janvier 2015. Or, le principal enjeu de cette élection est de remettre le pays au travail et de faire redémarrer sa machine économique. Avec un parlement mosaïque et un Chef d’Etat qui n’aura pas le soutien de toute la classe politique même en cas de soutien populaire majeur, comme il est attendu de voir de la part de la majorité des observateurs, ne sera d’aucun secours et ne fera que ralentir le rythme de la gestion de la Tunisie par les prochains gouvernants et asseoir l’autorité de l’Etat pour pouvoir gouverner le pays.

5. Un niveau plus élevé des aspirations populaires et des demandes syndicales.

Ce cinquième enjeu, majeur, des législatives est d’asseoir en Tunisie une gouvernance, capable de faire face aux défis notamment sociaux. Pendant quatre année, à tort ou à raison, une population tunisienne qui ne tient plus sa langue et qui n’a plus peur de presque rien a bridé ses attentes, ses aspirations et ses revendications de toutes sortes, dans une conjoncture où tout augmente et sa prise de conscience des faiblesses des gouvernants aussi. La bride était le fait que tous les gouvernements étaient de transition. Avec les élections de 2014, la transition sera officiellement terminée. Pas les attentes, de part et d’autre du peuple. Ouvriers, patrons, comme l’administration ou le simple citoyen, vont vouloir désormais mettre sur table toutes leurs demandes et exiger leur concrétisation immédiate. De tout ce beau monde, la centrale syndicale sera le plus grand danger pour le prochain gouvernement. En face, celui-ci aura une situation financière beaucoup plus difficile que celle de 2014 ou même 2013. Il sait pourtant que tous l’attendent au tournant et tous demandent qu’il mette la main dans les poches de l’Etat.

6. La nécessaire réconciliation nationale.

Reste le défi majeur et absolu de cette élection pas comme l’autre. Un défi qui n’a été à l’ordre du jour d’aucun parti politique et même d’aucune liste. Il ne fait en effet aucun doute que tous ces défis ne sauraient être relevés sans la cohésion nationale. Une cohésion nécessaire, qui nécessite une réconciliation nationale. Une réconciliation qui requiert une adhésion de tous les partis politiques à l’idée de tourner définitivement la page du passé, d’enterrer les rancœurs contre le régime d’une seule personne et qu’on étend à toute une partie de la population qui n’y avait pas toujours adhéré de bon cœur. Il faudra alors faire taire toutes les voix de ceux qui crient à la contre-révolution à tout bout de champ et à chaque fois que leurs projets et leurs intérêts sont contrariés. Il faudra libérer les énergies, toutes sans aucune exclusive, libérer les hommes d’affaires et rendre une équitable justice, arrêter toutes les tracasseries judiciaires et administratives et engager la Tunisie dans le cercle vertueux de la reconstruction. Sortir le pays du cercle vicieux destructif qui a ramené le pays plus de 20 ans en arrière, cela demande du courage et une juste application des lois sans en remettre une couche par de nouvelles lois, soi-disant révolutionnaires.

Khaled Boumiza

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