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Les errements et à-peu-près diplomatiques de Kais Saied

La première grande incursion du président Kais Saied dans les affaires internationales semble s’être retournée contre lui, sa stratégie diplomatique ayant été remise en cause par le limogeage du représentant permanent de la Tunisie auprès de l’ONU et du Conseil de sécurité. Saied, un spécialiste de Droit constitutionnel de 61 ans sans expérience politique préalable, a été élu à la magistrature suprême de la Tunisie le 13 octobre dernier. Il s’est drapé dans un drapeau palestinien le soir de son élection et a refusé une « normalisation » des liens avec l’État juif, répétant des positions fortement anti-Israël. C’est en ces termes que sont commentés les premiers pas diplomatiques du chef de l’Etat tunisien dans un article de l’AFP repris par The North African Journal.

Mais dans un revirement soudain, la Tunisie a mis fin aux fonctions de son représentant à l’ONU, Moncef Baati, l’accusant de ne pas avoir consulté le ministère des Affaires étrangères et d’autres pays arabes sur une condamnation ferme de la politique controversée de Washington.

« La manière dont le licenciement a été effectué soulève de nombreuses questions autour de la stratégie diplomatique de la présidence » et de la question de savoir si le geste a été bien réfléchi, a déclaré le commentateur politique Youssef Cherif, cité par la même publication.

Selon des sources diplomatiques, Baati est allé plus loin que ce que Saied avait souhaité dans sa critique du plan du président américain Donald Trump, dévoilé le 28 janvier et considéré comme favorisant fortement Israël. Dans la semaine précédant le limogeage de Baati, Saied avait qualifié la proposition de Trump d' »injustice du siècle et de haute trahison » lors d’une interview diffusée sur la télévision nationale. Les Tunisiens sont descendus dans la rue pour protester contre ce plan dans la capitale Tunis et dans la ville de Sfax, à l’est du pays.

L’affaire Baati a suscité des inquiétudes sur le sens de la diplomatie de Saied et a envoyé des signaux mitigés sur son approche du conflit israélo-palestinien, alors que la Tunisie occupe le siège de membre non permanent de deux ans au Conseil de sécurité de l’ONU depuis en janvier, où elle est le seul État arabe représenté.

Le « dérapage diplomatique »

En début de semaine, les Palestiniens ont renoncé à leur demande de vote au Conseil de sécurité sur le plan de paix au Moyen-Orient qui, espéraient-ils, verrait la proposition américaine rejetée. Les Etats-Unis avaient exercé une « très forte pression » sur les autres pays membres du Conseil, y compris des menaces de représailles économiques, pour qu’ils ne soutiennent pas la demande des Palestiniens, selon un diplomate, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat. Les médias ont également fait état de la révocation de Baati sous la pression des États-Unis, mais la présidence a nié avoir cédé à la moindre contrainte, accusant plutôt son ambassadeur de chercher à « ternir l’image de la Tunisie et de son président ». Les diplomates et les observateurs ont partagé leurs appréhensions quant à la stratégie diplomatique du président, en particulier à un moment où la Tunisie doit également faire face au conflit en Libye voisine.

Ezzedine Zayani, ancien ambassadeur, a déclaré que cette affaire « sape la crédibilité » de tous les efforts diplomatiques du pays. La presse arabophone locale a souligné que « la question soulève des inquiétudes quant à un éventuel dérapage de la diplomatie tunisienne ». Le rôle de la présidence tunisienne se concentre sur la sécurité et la diplomatie, mais Saied semble éviter les sommets internationaux depuis son entrée en fonction. Il a décliné une invitation « tardive » à une réunion sur la crise libyenne à Berlin en janvier et a déclaré être malade lors d’un sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba le week-end dernier. Sa seule visite officielle à l’étranger a été en Algérie, son pays voisin.

Un vide encore plus béant !

Baati a été nommé peu de temps avant l’arrivée au pouvoir de Saied par un exécutif qui avait favorisé une diplomatie assez conciliante sur la question israélo-palestinienne.

Son rappel rapide a fait qu’il a manqué un briefing à huis clos du Conseil de sécurité par l’architecte du plan américain, le conseiller Trump et beau-fils Jared Kushner. Il a été remplacé quelques jours plus tard par son adjoint, Tarek el Adab.

Le commentateur Cherif a fait remarquer que si Saied aurait certainement subi des pressions pour limoger Baati, cette décision était conforme à la politique du président de changer les fonctionnaires de la précédente présidence. Saied n’a toujours pas nommé de successeur à part entière à l’ancien ministre des affaires étrangères Khemaies Jhinaoui, qu’il a renvoyé peu de temps après son élection. « La Tunisie n’a pas de nouveau gouvernement, pas de ministre des Affaires étrangères. S’ils commencent à licencier des ambassadeurs clés, cela ajoute au vide », a déclaré Cherif.

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