AccueilLa UNEGestion des ressources naturelles en Tunisie : Etat des lieux et solutions

Gestion des ressources naturelles en Tunisie : Etat des lieux et solutions

La crise qui frappe à présent le secteur des ressources naturelles (hydrocarbures et phosphate) en Tunisie est le résultat d’une politique et d’une gestion appliquées durant les 50 dernières années. Le grand problème de la Tunisie n’est pas dans la découverte et l’extraction des ressources naturelles mais dans leur commercialisation et surtout dans la conversion des revenus en développement durable équitablement réparti. Il est toujours admis que les actions correctives sont possibles, même arrivant assez tard. Le premier pas serait le respect de la chaine de la décision de la charte des ressources naturelles. Les normes de la transparence, de la bonne gouvernance et la responsabilité doivent être respectées, de l’étape d’attribution des licences au suivi du développement, jusqu’à la gestion des dépenses et des revenues dans le developement durable du pays. Il est capital de mener des actions pour la bonne gestion de ces ressources, tout en admettant qu’elles sont épuisables. Une partie des revenus des richesses naturelles doit être bien investie dans d’autres projets économiques car la planification doit viser l’après pétrole, gaz et phosphate.

La Tunisie pionnière de l’exploitation des ressources naturelles :

L’exploitation minière des phosphates est plus que centenaire en Tunisie (première découverte faite en 1885). La Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG) opère depuis 1976 et a le monopole d’extraction et de valorisation du phosphate en divers engrais minéraux par le Groupe Chimique Tunisien (GCT). L’Etat tunisien a choisi de garder l’exclusivité de la gestion des ressources de phosphates par le biais de la compagnie nationale (CPG), qui est une pionnière à l’échelle internationale. D’autres pays offrent des concessions minières aux compagnies privées locales ou internationales et récoltent des redevances et des taxes, en vertu des contrats signés.

Les premières découvertes de pétrole datent des années 60. Par contre l’Etat tunisien a choisi de signer des contrats avec des multi nationales pour développer les premiers champs découverts (El Borma au Sud et Douleb au centre). Que ce soit avec des contrats d’association ou de partage, l’Etat tunisien est partenaire avec les opérateurs par le biais de la compagnie nationale ETAP et collecte des redevances et des taxes, conformément aux conventions signées.

Description de la chaine de la décision de la charte des ressources naturelles :

Les pays dotés en ressources naturelles non renouvelables jouissent d’intéressantes opportunités, mais ont aussi à relever des défis majeurs. Correctement utilisées, ces ressources peuvent conduire à une prospérité accrue pour les générations actuelles et à venir ; mal utilisées ou gaspillées, elles peuvent entraîner une instabilité économique, des conflits sociaux et des dégâts environnementaux de longue durée. La Charte des ressources naturelles offre aux gouvernements, aux sociétés et à la communauté internationale des options de politique et des conseils pratiques sur la manière la plus opportune de gérer la richesse liée aux ressources naturelles. Dans une autre lecture, la chaine de la décision de la charte des ressources naturelles se résume en deux phases :

  1. Une première phase qui consiste à découvrir des ressources naturelles, les extraire et les commercialiser (les convertir en revenu).
  2. Une deuxième phase qui consiste à convertir les revenus en développement durable. Cette phase se passait généralement mal pour deux raisons :
  • La difficulté de gérer des revenus volatiles (les cours variables) et qui ne sont pas durables (réserves limités et non renouvelables)
  • La difficulté de convertir ces revenus en  actifs qui sont aussi productifs durablement.

Situation de la Tunisie :

Après un demi-siècle d’exploitation des ressources naturelles, la Tunisie a eu du mal à créer un développement économique durable aux environs des zones d’extraction (bassin minier ou au Sahara du sud). Les seuls générateurs d’emplois dans ces régions restent les mines de phosphates et les champs pétroliers. Désormais les mines et les champs pétroliers sont incapables d’absorber le flux de chômeurs, d’où les troubles sociaux qui se sont déclenchés après 2011. Le problème existait avant 2011 mais les citoyens n’osaient pas protester vu l’oppression qui régnait (exemple les événements de Gafsa en 2008). Les revenus générés par le pétrole, gaz et phosphates depuis l’indépendance ont été mal répartis et le développement durable (tourisme, agriculture et industrie) s’est concentré principalement sur les zones côtières. Les régions du Sud et du bassin minier au centre sont à ce jour en attente d’infrastructure et de grands projets économiques générateurs d’emplois, d’où les frustrations sociales qui entravent les opérations d’extraction des ressources naturelles.

Sud Tunisien : 

Un programme de responsabilité sociale des entreprises (RSE) Tataouine signé en 2015 entre le ministère de l’industrie, de l’énergie et des mines, l’ETAP et trois sociétés pétrolières offre 164 microcrédits et finance 90 microprojets au profit des jeunes de Tataouine avec un budget total de 11.6 MD sur 3 ans. De tels programme sont louables mais la région du sud a besoin de grands projets qui nécessiteront beaucoup de main d’œuvre et qui garantiront la prospérité, même après le pétrole et le gaz. Pourquoi pas des projets d’agriculture et d’élevage sur ces vastes terres  qui ont d’importantes ressources d’eau souterraine. La création à proximité de coopératives de conservation des produits alimentaires boostera l’export. De tels projets permettront de diversifier l’économie et donneront à la population d’autres centres d’intérêt que les ressources d’hydrocarbures déjà limitées.

Bassin Minier :

La Compagnie Nationale des Phosphates de Gafsa (CPG) assure l’extraction et la valorisation du phosphate. La productivité de la CPG est malheureusement en déclin depuis 2011 malgré l’augmentation de son effectif. La mauvaise performance est expliquée par les arrêts dus aux sit-in des demandeurs d’emploi. Le dilemme est que la CPG ne peut pas employer tous les chômeurs de la région et qu’elle est incapable d’assurer une production de phosphate suffisante pour générer un bénéfice après soustraction des dépenses, y compris les salaires des employés en parti en chômage technique. La situation présente de la CPG est une descente vers la faillite ! Mis à part les appels de détresse lancés par les hauts responsables de la CPG, les décideurs du secteur du phosphate doivent avoir une compréhension de la situation catastrophique et surtout avoir une vision sur les manières de s’en sortir. Il faut peut-être revoir les choix de l’Etat tunisien. Pourquoi ne pas envisager de créer des PPP ou même de donner des concessions à des compagnies privées (exemple le projet de phosphate de Sra Ouertane dans la région du Kef) ?

En fait la création de la CPG, entreprise d’État engagée dans le domaine des phosphates, était un élément clé de la stratégie nationale de mise en valeur des richesses minérales du pays car elle permet de capter les rentes au profit de l’État. De plus les compagnies nationales de ce genre sont supposées faciliter le transfert de technologies et de pratiques d’affaires à des entreprises locales et influencer les décisions opérationnelles, par exemple en soutenant l’établissement de liens entre le secteur extractif et d’autres industries à l’intérieur du pays. Il apparait avantageux de créer une entreprise nationale pour qu’elle se charge de fonctions opérationnelles (exploration, travaux de développement, activités de production, en agissant seule), si le pays bénéficie de capacités suffisantes et d’une bonne gouvernance. Cependant, si l’une ou l’autre de ces qualités manque, les entreprises nationales, du fait de leur inefficacité ou de l’intérêt personnel de leurs dirigeants, peuvent limiter les revenus de l’État ou même les drainer. De plus, engager les capitaux de l’État dans une entreprise nationale entraîne des coûts d’opportunité, au détriment d’autres objectifs nationaux tels que la diversification économique. Lorsqu’une entreprise nationale n’est pas en mesure de déployer un capital-risque et un savoir-faire suffisants pour certains rôles, les autorités doivent songer à faire appel à des entreprises extractives étrangères, qui sont confrontées à des pressions de la part de leurs actionnaires et/ou de leurs concurrents. Si le gouvernement ambitionne de renforcer les capacités nationales, la conclusion de partenariats avec des entreprises privées étrangères ou nationales peut être une solution.

Solutions :

Quelles sont les décisions politiques clés que le gouvernement peut adopter pour réussir à convertir des ressources naturelles en revenus, en opportunités économiques et en développement durable?

  • L’entreprise nationale (CPG) doit, à tout le moins, être astreinte aux mêmes normes de divulgation qu’une entreprise privée. Elle doit tenir une comptabilité publique en accord avec les normes internationales, être soumise à des audits indépendants et à une restructuration.
  • Etudier des participations privées dans le secteur du phosphate dans le cadre de contrats d’association.
  • La vente de pétrole par les entreprises nationales pour le compte de l’État est un domaine particulièrement important pour la transparence. La divulgation doit porter sur la quantité de pétrole reçue par l’entreprise, ainsi que le prix, la qualité et le volume de ce pétrole, et la date à laquelle il a été vendu.
  • L’arrêt de la production par les sit-in ne doit plus être toléré.
  • Optimiser la production des richesses naturelles et consacrer un pourcentage des revenus pour la création de projets de développement durable (tourisme, agriculture et industrie) à proximité des zones d’extraction.
  • Relancer l’exploration des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels afin de générer de nouvelles découvertes. Résoudre les problèmes actuels des opérateurs (exemple de Petrofac à Kerkennah) est primordial pour pouvoir attirer de nouveaux investisseurs. La publication du code des HC révisé serait un message positif pour les investisseurs.
  • Planifier la phase après phosphate et après pétrole par la mise en œuvre de l’exploitation des énergies renouvelables.

Wided Ben Driss

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