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Tunisie : Les jeunes entre la tentation du départ et l’espérance bafouée !

Frustrée, ostracisée, laissée-pour-compte et surtout interdite d’espoir, la jeunesse tunisienne est tout cela à la fois. Six ans après une révolution dont ils n’ont vu que dalle, les jeunes du pays rongent leur frein dans l’attente de jours meilleurs qui ne viennent pas, sans doute pas avant longtemps au risque de s’essayer à des exercices aux contours douteux et aux fins fatales. C’est que pour eux, les jours s’égrènent à la cadence d’une spirale où tout est dépeuplé dans une Nation qu’ils ressentent comme une usine à frustrations associées à un mal-être endémique.

Formant les deux-tiers d’une population qui aurait pu en compter davantage n’eût-été la relativement salutaire politique de contrôle des naissances lancée dès l’aube de l’Indépendance, les jeunes de ce début de siècle auraient été logés à moins mauvaise enseigne si leurs gouvernants de naguère et d’aujourd’hui avaient mieux compris leurs attentes et saisi à leur juste valeur leurs aspirations. Qu’il se soit agi d’éducation, de formation, d’emploi, ou de culture, la culture dans toutes ses acceptions, les politiques mises en place ont fait lamentablement fausse route, car mal pensées et tout aussi impétueusement conduites. Faute de stratégies lucidement articulées et de vision même moyennement sagace, le cours des choses s’est misérablement travesti, miné en cela par une architecture politique fondée sur un exercice solitaire du pouvoir d’autant moins nécessaire qu’il étranglait les libertés dont les jeunes avaient avidement soif, et abîmait leurs chances de prospérer et de devenir ce qu’ils ambitionnaient d’être.

Parce que l’enseignement qui leur était dispensé à tous les étages était anachronique, sans partie liée avec l’air du temps, déconnecté du marché de l’emploi et ponctué de « réformes » aussi nombreuses qu’inutiles, il n’a fait que gonfler les légions des chômeurs, sans qualifications adéquates pour des postes qui cherchaient preneurs, alors que la fonction publique, constamment sursaturée mais prise d’assaut, épuisait et épuise encore les caisses de l’Etat sans livrer les prestations dont les usagers ont besoin. Le secteur privé, faute d’investissement, n’était pas mieux loti pour offrir du travail avec une croissance régulièrement déclinante pour flirter avec la valeur nulle et s’y installer à perpétuelle demeure. Résultat des courses : un chômage scotché au taux de 16% ou presque sans perspective de redressement avec des gouvernements peu enclins et incapables de faire bouger les lignes et une classe politique occupée à faire autre chose que ce qui lui dicte son mandat.

L’espérance bafouée

Autant dire que tous les ingrédients sont là pour nourrir cette vaste et virulente frustration qui habite chaque jour encore plus une jeunesse aux abois, sans perspective ni option sur l’avenir, bref une jeunesse programmée pour se révolter comme elle l’a montré un certain 14 janvier 2011 sans pour autant voir le bout du tunnel, ni une ténue lueur d’espoir que les choses allaient réellement changer. Il n’en fallait pas davantage pour que nos jeunes cèdent aux sirènes du terrorisme, des déviations de toutes sortes, et pour les plus sages d’entre eux à la tentation du départ.

Une étude réalisée par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) révèle que « sur un échantillon de 1168 jeunes tunisiens, 45.2% âgés entre 18 et 34 ans disent vouloir émigrer vers l’Europe ». Elle démontre qu’environ 25% des jeunes ont pensé à émigrer au lendemain de la révolution et que 30% pensaient déjà à quitter le pays auparavant. Déjà, 35 mille jeunes tunisiens ont émigré clandestinement vers l’Europe depuis 2011, un chiffre beaucoup supérieur à celui avancé par le gouvernement qui parle de 20 mille personnes. Il s’agit pour l’essentiel de jeunes et d’étudiants, non chômeurs, issus de quartiers marginalisés et victimes d’exclusion économique et sociale. Plus de 1500 personnes, dont mille Tunisiens, ont trouvé la mort en tentant de franchir illégalement les frontières maritimes italiennes.

A l’origine de ce flux migratoire, la détérioration des conditions de vie, la menace terroriste, la multiplication des mouvements de manifestation -notamment dans les régions intérieures- l’absence de solutions, le départ de plusieurs investisseurs étrangers, le recul du secteur touristique et l’impossibilité d’améliorer les conditions de travail dans le secteur agricole.

Un diagnostic accablant qui illustre toute la désespérance bafouée d’une jeunesse livrée à elle-même, dans l’indifférence presque totale de ceux qui ont vocation de la prendre en charge, de lui fixer un cap d’avenir et de lui donner l’espoir, si mince soit-il, que les lendemains seront moins mauvais.

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