AccueilLa UNE"Prohibendum delere Karthaginem est !" (Il est interdit de détruire Carthage!)

« Prohibendum delere Karthaginem est ! » (Il est interdit de détruire Carthage!)

« Delenda Carthago est », est le mot d’ordre donné par Caton l’Ancien, le sénateur romain, qui a réussi à convaincre le Sénat de déclarer à Carthage, en 149 av. J.-C., une guerre funeste. Caton meurt en 149, trois années avant Carthage qui, bien que détruite et incendiée par l’armée romaine en 146 av. J.-C., a vu son âme perpétuée en ses vestiges qui ont survécu jusqu’à nos jours.

Inscrit, depuis octobre 1979, sur la Liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, le site de Carthage fait aujourd’hui honneur à toute l’Humanité, par le souvenir glorieux de son empire méditerranéen, par sa constitution tant flattée par le grand Aristote et par les exploits de son général Barcide, l’éternel Hannibal. Notre identité à tous, forgée à travers une histoire trois fois millénaire, est enracinée jusqu’aux origines de la fondation phénicienne. Cette prestigieuse cité d’Ellissa est aujourd’hui malmenée, outragée et trahie par ses propres citoyens.

Les faits récents se résument en ce qui suit :

Un nouveau propriétaire, aspirant à la citoyenneté carthaginoise, achète un terrain à la rue Baal Hammon, à Carthage Dermech. N’étant pas conscient de l’honneur qui lui échoit en s’installant au cœur de l’Agora des Magonides, il fait anéantir, au moyen d’une pelle mécanique, en principe interdite à Carthage, les traces de plus de dix siècles d’histoire, causant à la Nation et à l’Humanité des pertes néfastes et irréversibles sur le plan archéologique et historique.

L’Institut National du Patrimoine, recouvrant ses droits, procède à une fouille archéologique, d’une durée de quatre semaines, pour documenter et sauver ce qui est épargné des vestiges doublement saccagés. Une coopération fructueuse entre l’INP et l’Université de Tunis a donné lieu à une découverte d’une importance majeure. Un monument de dimensions imposantes, dont la mise en place remonte au 5ème siècle av. J.-C. est exhumé. Ses restes sont matérialisés par une cour à ciel ouvert, soigneusement bétonnée, qui présente un affaissement médian destiné vraisemblablement à drainer l’eau suivant une pente naturelle dirigée en direction de la mer. Il est longé, du côté sud-est, par un mur construit au moyen de gros blocs équarris, taillés dans la pierre d’El Haouaria, sur une longueur de plusieurs mètres.

La nature du monument n’étant pas encore identifiée, l’équipe qui a mené la fouille rédige un rapport scientifique, dévoilant l’importance de la découverte, et demande la reconduction des travaux pour quelques quatre semaines supplémentaires, à fixer en accord avec le propriétaire du terrain. Celui-ci, malgré le fait qu’il ait signé un engagement pour ne rien entreprendre sans l’accord de l’INP et la présence de ses représentants et en dépit d’un permis, dont il savait bien qu’il était devenu doublement caduc, entre autres raisons, par la force de la récente découverte, entreprend des travaux de constructions et implante ses piliers en plein cœur des prestigieux vestiges. Les restes épargnés par l’ennemi étranger que fut Scipion émilien, se trouvent ainsi bafoués et outragés par un certain citoyen de Carthage. Il faudra peut-être prévoir, sur les titres fonciers, un paragraphe qui consigne le potentiel historique de chaque parcelle de notre ancestral territoire afin de nous épargner des outrages pareils.

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Actions menées, depuis une semaine, suite au scandale

L’INP, représenté par son Directeur Général, entreprend plusieurs actions  pour porter l’affaire devant plusieurs autorités. Au moins trois courriers de dénonciation furent envoyés respectivement au procureur de l’Etat, au Gouverneur de Tunis et au délégué de Carthage, demandant l’intervention immédiate. Des actions ont été aussi entreprises auprès de la brigade municipale, mais comme si de rien n’était. Les travaux de constructions continuent quotidiennement, dans l’impunité et en transgressant, en plein jour, la loi nationale et internationale.

 Les Associations, jusqu’ici représentées par l »Association les Amis de Carthage », le « Club Didon Carthage », « Les Riverains de Carthage » et l’ »Association la Manouba pour les Monuments et la Culture » diffusent, depuis quelques jours, des écrit et des photos dénonçant cette atteinte préméditée, explicite et audible à des vestiges séculaires, héritage de toute l’Humanité, appelant à la rescousse d’un Patrimoine commun en cours d’extermination. Une rencontre tenue le samedi 08/10/2016 avec le délégué de Carthage devrait aboutir incessamment à l’arrêt des travaux. Espérons-le, bien que la construction avance à un rythme soutenu, en ce dimanche-même, et les dégâts se font de plus en plus irrémédiables.

Paradoxe curieux, le Ministère en charge du patrimoine, portant dans sa dénomination même la mention ‘’Sauvegarde du Patrimoine’’, le premier à être saisi de cette affaire, ne prend aucune mesure pour arrêter ce massacre et honorer sa dénomination. Un silence pour le moins étonnant de la part du Ministre, dispensant, en tant que professeur, un cours dans le cadre d’un Mastère en Sciences du Patrimoine, au sein de l’Université de Tunis. Plus étrange est le silence total et l’absence du conseiller culturel du ministre, ex-conservateur du Site et du Musée de Carthage, connaissant bien le dossier dont les détails remontent à son mandat.

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Par ce cri de détresse et face à la lenteur des rouages administratifs, nous exhortons d’abord, les Décideurs de notre pays, à entreprendre les mesures d’extrême urgence que dicte la situation afin d’arrêter massacre qui est en train de causer des pertes irrémédiables. Le monument, objet de l’agression, est d’une importance exceptionnelle sur le plan scientifique ; il est en voie de disparition ; à chaque heure une portion de ses vestiges est anéantie.

Avec la même vigueur, nous nous adressons, aux autorités de tutelle et aux divers commissions ayant participé à la préparation du Plan de Protection et de Mise en Valeur de Carthage (le fameux PPMV qui s’éternise depuis 1992, et dont la délimitation territoriale remonte à 1985) nous les implorons afin qu’ils ratifient le document et le mettent en application dans les meilleurs délais. Il s’agit là du meilleur moyen pour faire face aux convoitises  et à la spéculation foncière attisée par la pression urbaine anarchique.

Des solutions radicales doivent être envisagées enfin, au sein d’une stratégie prévisionniste, pour appliquer la loi, transgressée au quotidien, à travers tout le territoire d’un pays dont le sous-sol recèle un richissime patrimoine archéologique. Ne faut-il pas entreprendre, par exemple, à la mise en place et en toute urgence, d‘une Brigade du Patrimoine, à l’exemple de la Brigade de l’environnement.

Mot de la fin, nous ne pouvons que rendre hommage aux nombreux citoyens de Carthage, qui se reconnaitront, ayant soumis leurs terrains à des recherches archéologiques quelquefois financées de leurs propres initiatives, conscients et fiers, je n’en doute, de résider sur des terrains chargés d’une histoire plusieurs fois millénaire. Ceux-ci sont les citoyens dignes d’hériter le territoire de Carthage, métropole méditerranéenne. Crions tous à très haute voix:  » Prohibendum delere Karthaginem est ! » : « Il est interdit de détruire Carthage ! »

Boutheina Maraoui Telmini

Maître de conférences à la Faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis

Co-responsable de la fouille du terrain en question

 

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