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Tunis : L’Etat a-t-il vocation à être moins jacobin et moins centralisé ?

Depuis la nuit des temps, l’Etat tunisien a toujours été jacobin et centralisé. Circonstance aggravante : il n’a jamais cherché, sauf  peut-être rarement et sous la contrainte,  à remettre en question ce dogme, et s’il lui était arrivé de le faire, l’exercice et la pratique n’ont jamais  suivi. Ce dogme, on peut le résumer par cette boutade : « ce qui est bon pour Tunis est bon pour la Tunisie ».

C’est là que logeait et loge encore  tout le problème du pouvoir en Tunisie. Et il a fallu qu’éclate la Révolution du 14 janvier pour que soit engagée une réflexion, il est vrai embryonnaire, sur la nécessaire décentralisation qui doit toucher toute l’architecture de l’Etat. D’autant qu’il a été évident que la Révolution prenait, dans une large part, racine dans les criantes disparités entre les régions dont celles de l’intérieur reléguées au funeste statut de « laissées pour compte » pour ne pas dire laissées à l’abandon, sauf s’il s’agissait de faire régner l’ordre, auquel  cas, tout remonte au sommet. On y retrouve  des gouverneurs qui, cultivant déjà la solide vocation de tout régenter en tant que représentants de l’Etat dans leurs régions respectives, en réfèrent automatiquement à l’Etat sans tenir compte des particularismes des régions, avec les conséquences que l’on peut imaginer.

Autant dire qu’en Tunisie, tout remontait à Tunis, même les  décisions les plus anodines. Et il a été heureux que les Constituants aient pensé à mettre fin à ce défaut de subsidiarité en édictant une loi fondamentale où la  décentralisation est adoptée comme le fondement d’une nouvelle organisation spatiale des pouvoirs et d’une nouvelle forme de l’Etat. Les Constituants ont voulu montrer l’importance qu’ils accordent à cette question en la qualifiant de pouvoir (chapitre 7 : Le Pouvoir Local), au même titre que les pouvoirs conventionnels (législatif, exécutif et judiciaire).

Il s’agit pour  l’Etat  de transférer certains de ses pouvoirs et prérogatives (compétences) à des collectivités locales autonomes. Ainsi les défis de gouvernance locale seront des défis de coordination, de transfert de compétences et de budgets associés. Les trois dimensions de la décentralisation concernent ainsi : la dimension politique relative au transfert des pouvoirs de décision, la dimension administrative qui concerne le transfert de la responsabilité de planification, de financement et de gestion liée à certaines fonctions de l’Etat, et enfin la dimension financière relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales.

Dans une intéressante étude, l’IACE  en est arrivé à la conclusion qu’ « un  équilibre convenable entre centralisation et décentralisation peut assurer un fonctionnement efficace entre gouvernement central et gouvernement local. Idéalement un modèle où l’on retrouve une  intervention déterminante de l’État qui décentralise certaines fonctions, mais retient à son niveau, le rôle stratégique, le rôle politique et le rôle de supervision, une  concertation entre les pouvoirs public, privé et coopératif par l’approche participative faisant intervenir toutes les parties prenantes, et  surtout une fibre de nationalisme et de solidarité ou l’intérêt public prime sur l’intérêt privé ».

Décentralisation et développement

Plus important encore, dans l’esprit de cette nouvelle constitution, la question de la décentralisation est fortement liée à la notion du développement. Selon la plupart des sociologues et analystes économiques et politiques, les causes de la Révolution Tunisienne sont fondamentalement liées aux inégalités régionales. Dans cette logique, la décentralisation est avancée comme un ensemble de mécanismes qui sera amené, à moyen et à long terme, à assurer le développement des régions en retard de développement.

Outre le volet des investissements publics, le développement local et régional est la capacité des territoires à créer, attirer et pérenniser des entreprises. Sous cet angle, les collectivités locales (notamment les communes), ne devraient plus se contenter de fournir des services municipaux aux citoyens. Divers services non municipaux sont à mettre en œuvre afin de créer un environnement d’affaire prospère et un cadre de vie de qualité.

Les dispositions de la nouvelle constitution et les lois sur la décentralisation ouvrent en effet la voie vers le développement local. Cependant, la décentralisation au niveau des collectivités locales ne peut être effective en Tunisie sans les décrets d’application des lois de décentralisation, la vision stratégique locale et le respect des dispositions du nouveau Contrat Social, estime l’IACE.

Le processus de gouvernance locale et de décentralisation sera donc graduel et il importe d’insister sur l’importance des programmes d’appui à la gouvernance participative pour assister le gouvernement à renforcer la capacité de gestion locale. La formation des élus locaux est donc un impératif de même que l’implication de toutes les parties prenantes dans la gestion des collectivités locales.

En effet, en permettant aux autorités régionales ou locales d’élire leurs représentants, de collecter leurs propres recettes et de prendre des décisions en matière d’investissements, la décentralisation en Tunisie va bien au-delà de la simple déconcentration ou de la délégation d’autorité du gouvernement central.

L’approche tunisienne vise à stimuler l’emploi au niveau local, promouvoir l’équilibre entre les régions, permettre les synergies et surtout instaurer une politique sociale qui permet la participation des citoyens et l’obligation de rendre compte au niveau local.

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