AccueilLa UNETunisie : L’art de se mouvoir entre les gouttes !

Tunisie : L’art de se mouvoir entre les gouttes !

Il y a plus de 220 ans, Mirabeau disait : « le meilleur moyen de faire avorter la révolution, c’est de trop demander ». Depuis, bien des révolutions ont changé la face du monde, mais  peu celle de révolutionnaires qui, dans leur ensemble, demeurent habités par les mêmes réflexes  et acquis à de logiques similaires ou voisines.

La Révolution de 14 janvier ressortit-elle à la même lignée ? Rien n’interdit de le penser du moins dans l’usage qui en est fait après coup et au vu de cette effusion de revendications qui touche toutes les catégories socioprofessionnelles, se déploie dans toutes les régions et s’exprime sur toutes les fréquences. Ceci alors qu’il est unanimement compris et bien compris que les chances de voir ce cahier de doléances aboutir flirtent avec l’epsilon. D’abord, parce que le gouvernement  transitoire qui en est saisi est  vraiment et en tous points épisodique, et ensuite et surtout, parce ce que les moyens dont il disposerait pour y répondre sont d’autant plus dérisoires et même nuls  qu’il a hérité d’une gestion calamiteuse et de l’économie et des deniers publics et que, de surcroît, la reprise n’est pas dans l’ordre des probabilités immédiates.

C’est vraisemblablement pourquoi  cette fièvre revendicative semble être tombée dans maints endroits sans pour autant épuiser le grand nombre, comme en témoignent les sit-in  dont les institutions publiques et nombre d’entreprises privées continuent d’être le théâtre, soit pour déloger une direction, soit pour réclamer « une amélioration des conditions matérielles et morales ».

De toute évidence, il en coûte à la communauté nationale de devoir avoir affaire à de tels accès « désordonnés » de la gestion de la res publica (chose publique)avec son cortège d’arrêts de travail, de blocages de production et surtout de délocalisations d’investissement qui, in fine ,ne manqueront pas de s’en suivre, sans parler des investisseurs locaux lesquels , au surplus, échaudés par ce qui vient de se produire, ne devraient pas être prompts à mettre de nouveau la main à la poche pour redémarrer la machine économique.

Sur le registre des politiques, pendant ce temps, la situation ne semble guère plus reluisante. D’autant moins que, un mois et une semaine après l’avènement de la Révolution, très peu d’acquis peuvent être mis au crédit du gouvernement d’union nationale, hormis peut-être l’élaboration et la promulgation, au pied levé, il est vrai, de la loi sur l’amnistie générale. Pour le reste, ce gouvernement ne fait que s’échiner à avoir voix au chapitre, déférant , à son corps défendant, à tout ce qui vient de la rue sous la forme de contestations de décisions et de nominations où l’autorité dispensatrice n’a pas l’air d’être avertie ou bien inspirée, un gouvernement vouée aux gémonies et dont la démission vient de nouveau   d’être réclamée par plus de 3000 personnes rassemblées, Place de la Kasbah.

On comprend dès lors pourquoi l’échiquier politique se trouve régulièrement comme pétrifié par les réactions que ses actes pourraient susciter auprès des citoyens qui ne se font pas faute , en retour, de dire tout haut ce qu’ils en pensent à l’avenant. Si bien qu’à quelques petites semaines de l’échéance fixée par la constitution pour l’élection de la future direction politique du pays,  rien ou quasiment ne semble avoir été mis en place pour que la transition s’effectue sans accrocs ni secousses. Sous cet angle et sous bien d’autres et avec lui l’ensemble du personnel politique, le gouvernement semble acculé à se mouvoir entre les gouttes, certes de peur de se mouiller, mais encore pour ne pas s’attirer les foudres des uns et des autres.

A la vérité, aucune figure n’a l’heur d’émerger du lot, ni de trouver grâce aux yeux des futurs électeurs, encore moins de signaler par un projet politique  si sommaire soit-il. Pour le citoyen lamba, l’échiquier politique est peuplé  d’illustres inconnus peu susceptibles d’avoir ses faveurs. Et  même les deux figures politiques  qui semblent pour l’heure  postuler davantage que d’autres à la magistrature suprême  ne sont pas visiblement logées à meilleure enseigne , soit par ce qu’elles sont absorbées par des tâches  gouvernementales, soit par ce qu’elles ne sont pas encore prêtes à affronter leurs électeurs. Au final, c’est encore une chance qui est en train de se perdre pour l’exercice démocratique tant et si puissamment recherché, et plus singulièrement pour l’acte d’élire si longtemps travesti  et grossièrement contrefait. Si bien que  l’on ne serait pas en peine de trouver de circonstance cette citation d’un homme politique français qui a constaté qu’ « il n’y a pas eu d’élections libres en Tunisie depuis Hannibal ».
Pour autant, l’urne sera-telle réhabilitée en 2011, en Tunisie ? Tout en sachant que rien ne sera et ne pourra être comme avant , il est à craindre que , faute d’élus potentiels vraiment éligibles, la consultation électorale  soit un exercice dont l’issue et l’épilogue ne seront pas aussi cruciaux et porteurs d’espoir que les enjeux et le sacrifice consenti.

Mohamed Lahmar
 

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