Pour sa première élection à l’enseigne de la démocratie et de la transparence, la Tunisie est visiblement en train de tenir le pari que son peuple a pris sur lui de gagner. Après des balbutiements qu’il faut mettre sur le compte de l’inexpérience et des aléas qui s’attachent à toute « aventure » électorale surtout pour des électeurs qui ont pris l’habitude de regarder le scrutin comme un exercice téléguidé et ne prêtant guère à conséquence, l’impression générale qui se dégage jusqu’ici du processus engagé est que le résultat du vote devrait être celui que tout le monde, Tunisiens et observateurs étrangers, appellent de leur vœux.
Le dispositif mis en place pour que cela soit ainsi cultive le mérite de s’adosser à une volonté clairement affirmée et peu contredite de rompre définitivement avec les mascarades électorales d’antan et d’engager le pays sur la voie idoine d’un vrai pluralisme où chacun exprimera, loin des contraintes, les convictions qui sont les siennes et opèrera le choix qu’il tient pour le meilleur pour le pays.
Au demeurant, et nonobstant les accès de précipitation et d’inexpérience politique de ceux qui sont en train de solliciter les voix des électeurs, il y a logé dans la nouvelle architecture de gouvernance du pays, un réel et indiscutable souci de donner de la Tunisie l’ image d’une nation qui a hâte de tourner définitivement la page de la dictature pour s’investir de plain-pied dans la planète démocratique.
Et c’est à cette aune que sera jugée l’issue du scrutin. D’autant que s’il est donné à l’urne d’être enfin réhabilitée, cela ne sera pas sans conséquences pour les expériences démocratiques qui sont en train d’avoir lieu alentour, nommément dans maints pays du monde arabe.
Techniquement, tout semble sereinement se mettre en place. A un point tel que le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), s’est autorisé, sans doute à juste titre, à se féliciter de « la bonne préparation de la campagne électorale et de la parfaite coordination entre les différentes parties concernées afin de garantir tous les moyens logistiques nécessaires pour la réussite de ces élections ». Et il est à cet égard rassurant et essentiel que les dispositifs électoraux soient placés sous la protection de l’armée nationale, comme c’est le cas pour les urnes, les sceaux et les isoloirs qui sont d’ores et déjà disponibles et seront acheminés vers les bureaux de vote dans les prochains jours, alors que les bulletins de vote sont actuellement en cours d’impression. Ceci en plus du recrutement de 810 observateurs avec la possibilité d’augmenter ce nombre, outre la mise en place d’une unité de suivi et de contrôle du rendement des médias.
S’y ajoute l’entrée en service immédiatement d’un nouveau système qui prévoit l’envoi instantané des rapports des observateurs pour les vérifier, s’assurer de la transparence des élections et garantir la sécurité du processus électoral. Abondant dans le même sens, l’ISIE se propose de lancer, dans les prochains jours, une campagne de sensibilisation placée sous le slogan «la Tunisie vote», alors que plusieurs publications dont des guides des procédures, des guides des électeurs, des dépliants et des affiches seront distribués pour sensibiliser les citoyens quant à l’importance du vote.
L’arsenal juridique mis en place n’est pas en reste. Il entendu par là le décret-loi organisant la campagne électorale, et qui interdit la propagande dans les lieux de culte et de travail ainsi que la distribution des programmes électoraux par les agents des autorités publiques, tout comme il prohibe l’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination.
Autant dire que le décor est planté pour un scrutin net et sans bavure pour peu que la sécurité soit totalement sous contrôle, même si l’ISIE se félicite de « l’amélioration de la situation sécuritaire dans le pays, illustrée notamment à travers l’arrêt des grèves et des sit-ins ».
En sera-t-il ainsi jusqu’au 21 octobre à minuit, soit 24 heures avant le jour du scrutin prévu pour le 23 octobre ? Sous bénéfice d’inventaire, rien n’interdit de penser que les Tunisiens ne sont pas incapables d’apporter la démonstration qu’ils seront dignes de semblable rendez-vous avec l’histoire et que les 10937 candidats en lice répartis sur 1424 listes à travers les 27 circonscriptions électorales du pays le seront pareillement.