AccueilLa UNETunisie : L’Administration, des écuries d’Augias rebelles à toute réforme !

Tunisie : L’Administration, des écuries d’Augias rebelles à toute réforme !

Que l’administration ait un cruel besoin de ne plus être ce qu’elle n’a cessé d’être, c’est l’évidence même. Le diagnostic est unanimement partagé, donnant lieu à autant de plans de réformes que de réflexions plus sérieuses qu’utiles, ayant, pour l’écrasante majorité, pris le chemin des placards, sauf quelques rares unes, des réformettes dont sont saupoudrées des mesures prises çà et là, dictées par des contingences par définition éphémères.

Vendredi, une journée d’étude a été organisée sur « les réformes majeures dans le secteur de la fonction publique ». Encore une autre de la même eau que toutes celles qui l’avaient précédée avant et après la révolution sans se décliner dans une stratégie bien pensée, minutieusement articulée, guidée par une vision en prise directe sur la réalité, et surtout applicable dans une architecture quasi totalement bouleversée depuis 2011. Déjà miné par des maux auxquels on arrivait parfois à remédier bon an mal an, le service public ne fait, depuis, que s’enfoncer dans son petit bonhomme de chemin de décrépitude.

Pléthorique comme jamais, la fonction publique a subitement pris rang de maison d’accueil pour des centaines de milliers d’employés que rien ne les y destine, ni qualifications, ni éthique de travail, encore moins sens de la chose publique. Un sureffectif qui place la Tunisie au « podium » des pays qui comptent le plus de fonctionnaires au monde, dévorant l’essentiel de ce qui rentre dans les caisses de l’Etat et dégradant les prestations que les usagers sont en droit d’attendre de ce dernier. Il n’en fallait pas davantage pour que les bailleurs de fonds internationaux, le Fonds monétaire international en tête, fassent du dégraissage de ce mammouth budgétivore le leitmotiv récurrent de leurs injonctions et la condition incontournable de leurs crédits.

Un composé de tares !

C’est là l’un des éléments constitutifs des écuries d’Augias qui sont celles de l’administration tunisienne fortement mise à mal par un composé d’autres tares, dont l’inventaire est tout aussi dévastateur, notamment un rendement en baisse continue, une détérioration des services rendus aux citoyens, une perte des repères et des valeurs (délitement des responsabilités, non-respect de la hiérarchie, absentéisme, non-respect des horaires administratifs), incapacité à mettre en œuvre les réformes, à piloter ou à réaliser des projets dans les délais convenus et une évidente impuissance face à la corruption et le commerce parallèle.

Cette situation a tout pour démotiver, voire déstabiliser les cadres concernés et à nuire à la bonne marche des services. Elle a pour conséquence directe de les inciter à ne pas assumer, voire à fuir leurs responsabilités. L’illustration la plus courante en est fournie par le traitement des dossiers. L’Institut tunisien des études stratégiques constate à ce propos que le fonctionnaire ne fait plus aucun effort d’interprétation, ne prend pas d’initiative, ne prodigue pas de conseils et ne fait pas de propositions pour résoudre un problème. L’interprétation de la loi ou des textes réglementaires est littérale et faite stricto sensu. La peur d’être taxé de corruption ou de connivence avec le citoyen, ou d’être poursuivi en justice à l’image de son collègue, hante le fonctionnaire. Cet état d’esprit s’est installé depuis le 15 janvier, tient à rappeler l’ITES.

Les salutaires emprunts au privé

Les temps ne sont-ils pas venus d’engager les réformes qui vaillent et qui s’appliquent nonobstant les réactions forcément hostiles qu’elles ont vocation à susciter ? Ceci requiert d’emblée de jeu de l’audace, beaucoup d’audace, car la réforme de l‘administration est de tout point de vue la locomotive de toutes les autres, indispensables et ne souffrant d’aucune procrastination. Outre le problème lancinant du sureffectif, il y a rigoureusement lieu de s’attaquer à la question de l’immixtion du « politique » dans l’administration, à l’incapacité de recruter et de retenir des cadres d’envergure internationale capables de moderniser le secteur public, à la qualité de la relève qui semble mal assurée et à l’inadéquation du statut général des fonctionnaires.

Il sera encore plus indiqué de mettre en place des réformes administratives qui s’inspirent des méthodes de gestion du secteur privé : budget par objectifs, gestion axée sur les résultats, recherche de l’efficacité et de l’économie et non plus seulement respect de la régularité, évaluation des actions et des politiques publiques, volonté de transparence, responsabilisation des fonctionnaires. C’est ce qui est appelé communément le « Nouveau Mangement Public » (NMP). Au-delà des techniques et outils, il s’agit aussi de développer chez les agents publics d’autres valeurs et de susciter dans l’administration publique l’émergence d’une culture du résultat. La modernisation de l’administration publique devra s’inscrire donc désormais dans le champ de la culture et du changement organisationnels dans la mesure où la performance des agents publics va dépendre du niveau de l’arrimage de leurs savoir, savoir-faire et savoir-être aux exigences des méthodes, techniques et des valeurs qui ont fait leurs preuves dans les pays qui se sont dotés de ce NMP qui nie ou en tout cas minimise toute différence de nature entre «secteur public/gestion publique» et «secteur privé/gestion privée».

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