AccueilLa UNETunisie-Protection des corps armés : Une loi sous pression !

Tunisie-Protection des corps armés : Une loi sous pression !

Par-delà la vive émotion qu’elle a suscitée partout en Tunisie, l’attaque terroriste au couteau qui a fait un martyr et un blessé parmi les forces de sécurité intérieure, repose avec une urgence toute inédite la question de la protection des corps armés. Pour être plus précis, il s’agit de renforcer les moyens dont ces derniers sont dotés, c’est à dire les prérogatives de puissance publique qui permettent à l’Etat d’assurer la sécurité de son territoire, la sécurité de ses citoyens, ainsi que l’application des lois et règlements.

Les policiers, les gardes nationaux, les militaires ainsi que les douaniers, ont constamment revendiqué et plus fermement encore depuis 2011 la révision des textes régissant les atteintes dont ils sont victimes, plus particulièrement la loi n° 82-70 du 6 août 1982, portant statut général des forces de sécurité intérieure. Ils jugent insuffisantes les dispositions qui les fondent à se défendre contre les attaques dont ils sont l’objet pendant l’exercice de leurs fonctions et en dehors du service. Ils n’ont jamais été entendus ou si peu jusqu’à l’élaboration du projet de loi n° 25/2015 relatif à la répression des atteintes contre les forces armées. Un texte comme jeté dans les placards de l’Assemblée des représentants du peuple qui hésitait, peut-être plus que de raison, à s’en saisir pour en faire une loi opposable et contraignante.

Seulement, la Représentation nationale donne la très nette impression qu’elle est tiraillée entre le marteau des revendications des forces de sécurité et l’enclume des atteintes et des violations des droits individuels qu’autorisent les dispositions du projet de loi, surtout l’article 18 qui dispose que « l’agent des forces armées est exonéré de toute responsabilité pénale s’il cause, dans le cadre de sa lutte contre une des atteintes prévue par les articles 13, 14 et 16 de la présente loi, des blessures à l’auteur de l’infraction ou son décès, si sa réaction était nécessaire pour atteindre l’objectif légitime demandé pour protéger les vies et les biens, si le danger ne pouvait être autrement écarté si la réaction était proportionnelle ».

Mais, soumise à de très fortes pressions, l’ARP vient de décider à travers son bureau, de présenter une demande urgente pour l’examen, par la commission de la législation générale, dudit projet de loi. Ce sera au début de la semaine prochaine quitte à changer son ordre du jour pour lui « accorder toute l’attention nécessaire ». Tout en se défendant de céder à la pression des syndicats sécuritaires, le bureau de l’ARP, affirmant que le Parlement est seul habilité à estimer l’importance des projets de loi, précise que sa décision de s’empresser est consécutive à la rencontre qui a eu lieu la veille entre le président de la République et de chef du gouvernement.

Ce serait donc de son plein gré que l’ARP s’est résolue à s’atteler si rapidement à cette loi polémique. C’est passer sous silence la menace agitée par les syndicats de retirer la protection que la police assure aux députés qui en bénéficient à ce jour. Un signe qui ne trompe pas sur la détermination de l’appareil de la sûreté à faire aboutir ses revendications en mettant les bouchées doubles et en mobilisant tous les moyens pour arracher l’adoption de ce texte dans ses dispositions essentielles.

Un exercice d’équilibriste

A la vérité, l’exercice ne sera pas aisé au regard de la levée de boucliers que le projet de loi en question a soulevée et soulèvera encore chez les défenseurs des droits de l’homme qui crient à l’impunité et affirment que le texte décharge les forces de sécurité de toute poursuite judiciaire pour utilisation de force entraînant la mort létale, comme l’estime entre autres Amnesty International. Dans leur catalogue de griefs, les organisations de défense des droits de l’homme mettent aussi en avant le fait que le projet de loi est «  contraire aux normes internationales car il autorise les forces de sécurité à recourir à la force pour protéger les biens publics même si cela mettrait en danger la vie des citoyens ». Ils accusent, au demeurant, le gouvernement de « manque de volonté politique pour définir la responsabilité des services de sécurité dans les abus commis » et d’aller à l’encontre de la Constitution qui garantit le droit à la vie, la liberté d’expression et l’accès à l’information.Une allusion claire à l’incrimination de tout dénigrement (légitime ou non) des forces de sécurité et visant à nuire à l’ordre public, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et d’une amende de 10.000 dinars, et surtout à la divulgation ou la publication de secrets de sécurité nationale, passibles d’une peine allant jusqu’à 10 ans de prison et une amende de 50.000 dinars.

De toute évidence, il sera très difficile pour les députés d’arbitrer entre deux exigences fondamentales, celle de protéger comme le stipule le projet de loi, les forces de sécurité, et celle d’immuniser les citoyens contre les violations « légales » qu’encourent leurs droits. Il est vrai cependant que les syndicats ont placé la barre très haut en revendiquant ce qui pourrait être assimilé à des « privilèges » d’utilisation de la force publique sans s’exposer à la moindre poursuite judiciaire. Il est tout aussi vrai que les franches accusations alignées par la société civile, tout en ressortissant au pur droit, seraient en partie d’autant moins fondées qu’elles privent les corps armés des instruments qu’ils jugent indispensables pour vaquer à leurs missions.

 

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