AccueilLa UNETunisie : Un certain 7 novembre 1987….

Tunisie : Un certain 7 novembre 1987….

Le 7 novembre 1987, ce ne fut pas pour les Tunisiens un jour comme les autres. Ils se sont réveillés sur un nouveau président qui en a délogé un autre et un régime qui en fera pire qu’icelui tout en lui empruntant ses institutions, son fonds de commerce et une partie de ses attributs. Un anniversaire dont on ne trouve que de rares et furtives évocations dans la presse de ce mardi et même sur les réseaux sociaux. Il est vrai que la grande masse du peuple, les jeunes, n’en a qu’une lointaine souvenance, parfait synonyme d’indifférence.

Pourtant, en ce jour-là, à l’aube, le premier ministre d’alors, Zine el-Abidine Ben Ali, a mis en exécution ce qui sera baptisé par la suite un « coup d’Etat médical » destituant le président de la République en place, Habib Bourguiba, pour sénilité. Une proclamation lue par le désormais homme fort du pays sur les ondes de la Radio nationale, promettait monts et merveilles au peuple tunisien, pas totalement surpris au regard des multiples accès de confusion politiques et d’autres ordres dont le locataire de Carthage se signalait à une opinion publique, tantôt médusée, tantôt indolente. Démocratie responsable, souveraineté du peuple, ni présidence à vie, ni succession automatique, une vie politique évoluée fondée sur le pluralisme, bannissement de toute iniquité et injustice…bref le catéchisme parfait d’un président qui en renverse un autre.

Tourner casaque !

Il n’a fallu que quelques mois pour que toutes ces professions soient balayées pour rejoindre le vide-grenier des grandes bonnes résolutions. Place désormais à un exercice du pouvoir, d’abord cosmétiquement républicain, puis au fil des jours franchement solitaire. La politique est ainsi réduite à des sentences arbitraires où le pouvoir se fait absolu et illimité avec son corollaire d’opposition muselée, de conspirateurs fictifs jetés en prison, de presse bâillonnée et aux ordres, de libertés individuelles étouffées, de corruption tolérée voire institutionnalisée pour les clans affidés au maître de céans. Dans cette configuration, s’incrustent cependant quelques performances économiques, de significatives réalisations d’infrastructures, dans les régions du littoral beaucoup plus qu’ailleurs, et surtout une sécurité régentée d’une main de fer qui rejaillit peu ou prou sur la tranquillité de la population.

23 ans durant, tel fut le lot du peuple tunisien, période au crépuscule de laquelle l’exercice du pouvoir est devenu une source d’insupportables tourments pour les Tunisiens, non seulement en termes de libertés et de droits mais singulièrement de chômage qui frappait de plein fouet les jeunes, surtout les diplômés d’entre eux où qu’ils puissent se trouver, plus dramatiquement encore ceux des régions de l’intérieur. Il n’y avait pas alors loin du Capitole à la roche Tarpéienne. Le décor était suffisamment planté pour un soulèvement, et il eut lieu vite, très vite avec la Révolution du 14 janvier 2011, donnant le coup d’envoi quelques semaines plus tard au « Printemps arabe ».

Une révolution tyrannicide

A la vérité, il loge dans tout pouvoir les conditions de sa propre limitation, et plus encore dès lors qu’il s’agit spécifiquement de tyrannie et de pouvoir absolu. Celui de Ben Ali répondait à cette logique et ne pouvait pas tôt ou tard y échapper. En accumulant les turpitudes qui étaient les siennes, en ayant partie liée avec les corrompus, en traitant par-dessus la jambe des masses de Tunisiens, ce pouvoir allait tout droit vers sa fin. La révolution a rempli sa fonction tyrannicide mais a ouvert une boîte de Pandore où l’autorité de l’Etat laisse encore des plumes, avec une frénésie d’agitation sociale, une économie continuellement à l’étiage, des gouvernements où l’improvisation le dispute au populisme le plus souvent démagogique avec une Troïka qui ne savait pas y aller mais qui y abondait, puis avec d’autres successeurs issus des élections de 2014, si ankylosés et otages d’une classe politique acquise plus à l’exercice du pouvoir qu’à l’intérêt bien compris des Tunisiens qu’ils gèrent la chose publique au jour le jour, en l’absence d’une vision claire et convenue et au travers de dispositifs dictés par l’urgence sans prise sur l’avenir.

Le désenchantement n’en est plus que vif chez nombre de Tunisiens et même des politiciens, comme en témoignage ce post de Leila Chettaoui qui se demande « si le 8 novembre 1987 est une réalité ou de l’imagination ? 7 ans après la glorieuse Révolution ? ».

Platon disait dans sa République : « Comme dit le proverbe, le peuple, en voulant éviter la fumée, est tombé dans le feu ». Beaucoup de nostalgiques de l’ancien régime s’en réclament. Les Tunisiens jouissent d’une liberté et d’une démocratie naissante et en tirent un véritable motif de fierté. Mais il se trouve parmi eux des citoyens qui estiment que Platon n’avait pas tout à fait tort. Hélas !

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