Le Chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed, a décidé la semaine dernière une réduction de 30% des primes et avantages accordés aux membres du gouvernement, soit la somme de mille dinars par mois. «Ce prélèvement sera effectué sur la valeur du montant mensuel brut de la prime d’exécution et de la prime globale », précisait un communiqué du gouvernement. Chahed a également décidé une réduction de 20% du quota de carburant accordé à chaque membre du gouvernement, selon le même communiqué. Notons qu’au début, cela devait faire l’objet d’une annonce officielle par le chef du gouvernement lui-même, selon ce qui nous avait été alors précisé de source officielle.
Il est vrai aussi que le chef du gouvernement aurait aussi pu décider de réduire encore plus le parc des grosses cylindrées mises à la disposition des ministres et leurs familles, aligner lui-même son propre salaire sur ceux de ses ministres, appeler le chef de l’Etat à aligner son salaire sur celui de son chef du gouvernement une fois aligné, ramener les salaires des PDG d’entreprises publiques au niveau d’avant la dernière augmentation, appeler toutes les instances financées par le budget à serrer la ceinture et mettre tout cela dans un fonds d’appui aux chômeurs, nouveaux créateurs de petites entreprises. Nombre des derniers augmentés parmi les PDG publics ont déjà vécu avec moins que cela sans en être morts et au moins un de ses ministres aurait même pu donner tout son salaire et y ajouter même un peu de sa fortune personnelle, sans qu’il en soit appauvri.
- Une bonne initiative, mais une mauvaise communication
Cette réduction, approuvée par l’ensemble des ministres et secrétaires d’Etat, traduit surtout l’élan de solidarité du gouvernement d’Union nationale. Selon certaines sources, cela équivaudrait à 1000 DT par mois. Multiplié par 41 (membres du gouvernement) et encore multiplié par 12 (mois de l’année) ça donnerait 492 000 DT par an. Cela est fort symbolique et même dérisoire, disent déjà certains … «X Perts».
Rappelons d’abord que nombre des ministres de Youssef Chahed ont déjà fait le sacrifice d’autres carrières où les salaires n’ont rien à voir avec les 5 ou 6 mille DT des ministres, qui équivaudraient à 2 ou 3 mille euros. Il vrai que pour certains d’entre eux, la compensation du manque à gagner matériel immédiat pourrait être assurée par l’accès au «Pouvoir», à la notoriété et tout ce que cela peut rapporter, dans l’immédiat ou dans le futur.
Cela ne réduit cependant, presque en rien, la symbolique du sacrifice fait par les 41 ministres et SE du gouvernement Chahed. A ce niveau, il s’agissait en effet, d’abord, de donner l’exemple. Un exemple qui pourrait faire, si besoin et quand besoin est, que le Tunisien lambda ne puisse pas refuser le sacrifice qu’on lui demanderait sous prétexte que ce gouvernement devrait d’abord commencer par lui-même. C’est cela, à notre avis, le sens profond d’un tel geste, puisse-t-il être aussi dérisoire que les 50 mille DT par an décidés par Youssef Chahed et accepté par ses ministres.
Ce geste, à notre sens, pèche cependant par manque d’une communication à la hauteur de la symbolique dont il se voulait ; une communication populaire qui aurait pu l’inscrire dans les rendez-vous historiques du nouveau chef du gouvernement avec la population à travers un grand meeting populaire qui expliquerait les tenants et les aboutissants d’un tel geste, ou lors d’une grande réunion avec les organisations nationales et la société civile. C’est ce déficit de communication qui explique les premières réactions négatives, comme celles des «X Perts ». Les choses restent pourtant rattrapables.
- Et si l’UGTT, l’Utica et la société civile prenaient la suite ?
Imaginons en effet que chacun de nos vaillants fonctionnaires accepte une baisse exceptionnelle et de solidarité, de 100 DT par mois de son salaire. Voyez cette petite opération de multiplication : 650 000 fonctionnaires × 100 DT = 65 MDT. Sur une année, cela donnerait 780 MDT. Presqu’autant que la prochaine sortie sur le marché international.
Imaginons ce qu’on pourrait avoir comme résultat, si l’on y ajoutait le nombre des employés du secteur privé dans le même élan de solidarité qui avait permis il y a quelques années de créer la BTS et de financer les milliers de petits projets par le biais du défunt «26/26», ce fonds qui avait subi au moins 3 enquêtes et contrôles sans jamais révéler une quelconque défaillance !
Et si l’UGTT acceptait, dans le même sens que la symbolique entamée par le chef du gouvernement et suivie par les ouvriers des deux secteurs, de reporter les augmentations salariales promises par Essid et d’annoncer une trêve de salaire et de grèves. Cela ferait plus de 1,6 milliards DT que le gouvernement n’aurait pas à prendre en crédit du FMI pour combler le déficit budgétaire ou payer les salaires. Cela ferait aussi, une ou 2 années, de paix sociale.
Et si chacun de nous acceptait de diminuer sa consommation en pain compensé, en carburant compensé et autres produits de consommation tout aussi compensés. Imaginons alors les centaines, voire les milliers de millions DT d’épargne que pourrait faire le budget de l’Etat. Un élan de solidarité de tous les Tunisiens, avec et pour eux-mêmes. Chahed a fait le premier pas. Un pas, nous dit son porte-parole Iyed Dahmani, qui devrait être suivi par d’autres mesures.
Qui parmi les politiciens qui sont contre l’endettement, les apôtres de l’indépendance de la décision, ceux qui craignent Dieu et ceux qui défendent les nécessiteux suivra le regard du 7ème chef de gouvernement et fera écho à la symbolique de ce premier geste d’austérité ? Il est permis de rêver, même débout, pourquoi pas. Un proverbe tunisien disait que «il n’y a que vos propres yeux pour vous pleurer et vos propres ongles pour vous lamenter»
