Tunisie : Ennahdha accuse les médias et les traite de «fausses prudes » et de «débauchés»

On n’utilisera pas le proverbe tunisien, fort connu dans ces circonstances, qui parle de pierre et de filles de joie. On citera seulement celui qui dit «chassez le naturel, il revient au galop».

Le parti islamiste tunisien, qui avait inauguré l’ère de la Troïka par des campagnes sulfureuses contre les médias tunisiens, remet le couvert. Ennahdha ayant eu recours à un grand cabinet de communication anglais à coups de millions de dinars pour ré-imaginer sa stratégie de communication, on aurait pu croire que les attaques contre la presse tunisienne n’étaient plus qu’un mauvais souvenir. Que nenni, et cette fois-ci, c’est même avec de gros mots que son journal s’en prend aux journalistes tunisien qui sont de nouveau traités de «médias de la honte».

Ce vendredi 11 mars 2016, «Al Fajr», journal attitré d’Ennahdha titrait dans sa page 8 : «De Gafsa à Ben Guerdane et aux médias de la honte… un plan Kadhafi». L’auteur y fustige d’abord «les attaques incessantes» de ce qu’il appelle «les médias de la honte» contre la Troïka et Ennahdha, confessant qu’ils «ont joué un rôle primordial dans sa sortie du pouvoir». On avait pourtant cru, comme le disait son Cheikh, que c’était un choix délibéré de ce parti islamiste tunisien !

L’auteur de l’article paru sur les colonnes d’Al Fajr, journal d’Ennahdha qui n’a pas pris la peine de signaler que ce qui y est écrit n’engage que son auteur faisant ainsi sien  son contenu, se met à défendre la chaîne de TV Al Jazeera. «Elle était ouverte à tous les opposants, alors que vous léchiez les bottes des Trabelsi», dit-il dans une attaque, d’une violence inouïe, contre tous les médias de la place. Ces derniers avaient auparavant attaqué la journaliste d’Al Jazeera qui s’en était prise  aux soldats qui s’étaient pris un «selfie» avec les corps des terroristes tués. Une erreur pour laquelle le DG de la chaîne qatarie s’était excusée et promis des sanctions contre la journaliste de la chaîne.

Et l’auteur du même article de s’en prendre aux «médias de la honte» par des mots plus orduriers, indécents et même lascifs et pornographiques. «Nous prenons plaisir à leur [ndlr : les médias de la honte]  rappeler leur débauche (…) comme prenaient plaisir les hommes de la Sunna et la Jamaâ, à évoquer les scandales des fausses prudes», écrivait-il encore.

Ainsi écrit et sous le pluriel indéfini, les médias tunisiens sont-ils honteusement comparés à des «débauchées» (plus explicitement des putes) et des «salopes» qui diraient oui des yeux et non de la bouche. La calomnie dans ce qu’il y a de plus répréhensible ! !

Cette nouvelle attaque contre la presse et les médias tunisiens intervenait à l’occasion des derniers évènements tragiques de Ben Guerdane. Différents journalistes, avaient, à l’occasion, rappelé les positions d’Ennahdha, lorsqu’elle régnait dans la Troïka, prenant la défense, directe ou indirecte, des anciens salafistes dont un grand nombre avait rejoint le maquis des terroristes religieux. Des positions, celle d’un parti islamiste qui n’en s’en était jamais excusé, qui font toujours peur à toute la société civile tunisienne.

Nous ne savons pas si le syndicat des journalistes tunisiens va se constituer  partie civile et porter plainte contre Al Fajr et son «journaliste». On ne sait pas non plus si la HAICA, le gendarme des médias en Tunisie, va fermer ce journal pour usage de termes obscènes  contre les médias tunisiens qu’il avait auparavant sanctionnés pour moins que cela. On ignore aussi si le Parquet, qui avait jeté  prestement en prison un journaliste pour avoir  publié la photo d’un footballeur  en compagnie de sa petite amie, se montrera aussi preste à condamner cette utilisation éhontée de mots pornographiques sur les colonnes d’un média écrit et public !

 Khaled Boumiza