AccueilLa UNETunisie - Mehdi Jomaa : «Badil» ou Bad deal ?

Tunisie – Mehdi Jomaa : «Badil» ou Bad deal ?

Irrévocablement infecté par le virus de la politique, l’ancien chef du gouvernement tunisien Mehdi Jomaa finit par franchir le Rubicon et lancer son propre parti politique. Il sera ainsi, au moins, le 209ème parti politique de la Tunisie de l’après-révolution.
«A la Macron», ce serait ainsi un parti ni de droite, ni de gauche, mais au centre. En politique, «le centre est le terme générique utilisé pour désigner les courants ou partis politiques modérés qui se situent dans une position intermédiaire entre la gauche et la droite, entre le progressisme et le conservatisme. Ils sont favorables à un changement progressif et modéré des structures sociales», pouvait-on lire dans un des Dicos sur la toile. Issu du monde de l’entreprise, Mehdi Jomaa serait plutôt catalogué de droite. En 1978, l’ancien chef d’Etat français François Mitterrand disait que «le centre [est une] variété molle de la droite». Une citation qui collerait ainsi mieux au nouveau parti de Mehdi Jomaa.

⦁ Qui est ce nouveau centriste Mehdi Jomaa ?
De son programme qu’il devait présenter à sa dernière conférence de presse du 30 mars 2017, on ne sait pour l’instant que le fait qu’il aurait pour «objectif de mettre en place des politiques publiques concrètes et de préparer les jeunes compétences à la vie politique». Un peu plutôt, en février dernier, il déclarait à l’agence de presse officielle Tap que son projet politique sera «fondé sur une approche populaire et participative, avec une vision claire pour le pays». A lire cette déclaration, on aurait plus l’impression d’un nouveau parti plutôt de gauche que dans le centre. On ne sait pas s’il a, entre février et mars, changé son fusil d’épaule, ou s’il tient simplement à se placer dans un «No man’s Land» qui lui éviterait toute étiquette politique, la Droite étant déjà représentée par Ennahdha et la Gauche par le Front Populaire.
Ce qui reste sûr, c’est que ce parti, où l’on retrouve un grand nombre d’anciens ministres du gouvernement Jomaa, ne réussit pas encore à apporter la rupture qui pourrait en faire le nouveau-né de la politique tunisienne, vers lequel se tourneraient toutes les têtes, déçues par l’issue du vote utile qui a créé Nidaa Tounes ou qui refusent la «Gauche Bobo» représentée par Hamma Hammami et ses «Rifak» du Front Populaire.

⦁ Que lui reprocherait-on ?
Au leader de ce nouveau parti, il sera toujours reproché le fait qu’il est issu du pouvoir d’une Troïka qui n’a jamais eu bonne presse, d’autant plus que son bilan a été plutôt catastrophique. Une période caractérisée par une domination d’Ennahdha, une mouvance politique dont il aurait été proche dans son ancienne vie d’étudiant. Et c’est cet ancien lien organique de jeunesse qui ferait penser, non sans peur, qu’il ne serait qu’une alternative à un retour d’Ennahdha au pouvoir. Un retour, par ailleurs, que les sages du parti islamiste mettent pour l’instant en veilleuse, son image étant toujours écornée par les dérapages de certains de ses partisans ou proches et qui fait craindre le pire à toute la société civile tunisienne, encore sous le choc des années de braise du règne d’Ennahdha.

Une période aussi, celle du gouvernement Jomaa, où le seul fait d’arme de l’ancien chef du gouvernement aura été le bref bras de fer qu’il a eu avec la puissante centrale syndicale ouvrière UGTT. Un fait d’arme que n’oubliera pas l’ancien SG de l’UGTT, Houcine Abbassi, dès son départ de la centrale syndicale. Mais surtout un capital-confiance né de cette confrontation avec une UGTT devenue tête de Turc de la sphère économique et de l’intelligentsia tunisiennes, que Jomaa détruira lui-même à la mi-février 2017 en allant donner des gages de paix au nouveau SG de l’UGTT, Noureddine Taboubi. Ce faisant, Mehdi Jomaa perd ses lauriers de «Superman» face au syndicat ouvrier. Une organisation que grand nombre de Tunisiens accusent désormais d’être la cause de la détérioration de la situation économique du pays.

⦁ Badil ou Bad Deal ?
En Tunisie, l’Histoire a démontré que c’est le positionnement anti-Nahdha qui a porté Nidaa Tounes et son Leader Béji Caïed Essebssi (BCE) au pinacle du pouvoir. Elle a aussi démontré que c’est l’entente BCE-Rached Ghannouchi qui a cassé l’image Nidaa Tounes aux yeux de la population. La conclusion à tirer de cela est que la seule fenêtre de tir possible, pour tout parti politique désireux de remporter des élections, est un positionnement anti-Nahdha.
Il faudra donc au parti «Badil» (Alternative) et à son leader, dont l’image est désormais quelque peu encornée et floutée par ce positionnement au centre, qu’il donne au plus vite des éclaircissements quant à sa position à l’égard de Nahdha et de l’islam politique. Il est aussi appelé à donner des gages de véritable homme d’Etat à tous ceux qui s’estiment floués par des résultats d’urnes qui n’ont pas été traduits dans la réalité de l’exercice du pouvoir, et les rassurer sur sa réelle volonté d’appliquer le programme sur la base duquel il pourrait être élu, et non de gouverner sur la base d’un quelconque consensus, jusque-là impossible à trouver entre plus de 200 partis et idéologies. Il lui faudra, enfin, décliner clairement sa position sur les enjeux sociaux et le rôle des organisations et traduire tout cela dans des programmes économiques clairs, nets et précis pour relancer l’économie, installer la paix sociale et réconcilier la société tunisienne. Sans tout cela, le «Badil» pourrait n’être qu’un «Bad Deal» !

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -