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Tunisie-Remaniement : « Plus ça change, plus c’est la même chose » !

Les Tunisiens sont délivrés, ils ont enfin eu le gouvernement que tout le monde, certes, n’attendait pas, mais qui a le mérite de mettre fin à un long, très long intermède, sous le joug duquel l’essentiel de l’activité de cette branche de l’Exécutif a été sinon frappée de paralysie du moins nettement ralentie. Youssef Chahed a beau faire comme si de rien n’était et fonctionner sur le mode « business as usual » mais les pressions étaient si fortes, plus est, de toute part, qu’il ne pouvait pas ne pas y céder, se bornant, en de très rares occasions, mais avec une remarquable constance, a signifier  que le remaniement est de son ressort exclusif et qu’il ne sera opéré qu’au terme d’une évaluation minutieuse et complète des prestations de ses ministres, autrement dit pesée au trébuchet.

Et ce n’est que ce mercredi 6 septembre que la fumée blanche est sortie du palais de la Kasbah avec un gouvernement de 42 membres (28 ministres de différents rangs et 15 secrétaires d’Etat), soit presqu’autant que son prédécesseur. Un attelage toujours aussi pléthorique où l’on n’est guère dans le bas de la fourchette, qui produit la nette impression qu’il a été composé plus à satisfaire les exigences des partis, les plus prépondérants d’entre eux, qu’à répondre aux multiples et graves défis politiques, économiques et sociaux du moment, pour autant qu’il soit saupoudré de quelques figures indépendantes et technocrates.

Combien de temps tiendra le gouvernement ?

Mais la question qu’il y a rigoureusement lieu de se poser est de savoir quelle sera l’étendue de la  longévité de ce gouvernement issu d’un vaste remaniement. S’installera-t-il dans la durée et tiendra-t-il le coup plus longtemps que ses précédents dès lors que sa composition ressortit à la même logique ? Pour l’heure, on ne peut jurer que de peu de choses. Le gouvernement Chahed 2 traversera sans doute l’épreuve des élections municipales, si jamais il leur arrivait de se tenir, et bouclera le budget de l’Etat et la loi des finances 2018, si extraordinairement douloureuses et peut-être irrecevables soient les mesures que cette dernière édictera. Pour la suite, personne ne pourra se hasarder à un pronostic ni même à une conjecture tant seraient différentes la donne et la configuration politique, économique et sociale du pays dès les aurores de l’exercice prochain, dans la foulée de qui s’en dégagera.

Autre appréhension, les nouveaux ministres sont-ils assez outillés pour convenir à leur poste. Généralement, il est loisible de juger sur pièce rapidement de ce qu’ils sont capables de faire et surtout de ne pas faire. La grande interrogation sera celle de la capacité de ces ministres à affronter les enjeux politiques et d’autres ordres de leurs ministères, sachant que nombre d’entre eux sont coutumiers de l’exercice gouvernemental que ce soit sous l’ancien régime où après la Révolution, donc blanchis sous le harnais mais qui n’ont pas fait long feu. A l’évidence, la compétence ne suffit pas, et il faudra bien davantage pour engager les réformes nécessaires à l’amélioration de la situation politique et économique du pays. Il n’en demeure pas moins que la compétence devrait être la jauge minimum de tout gouvernement.

Les accents jupitériens de Chahed

Tout en semblant quelque part faire sien ce critère, Youssef Chahed a été sans doute plus rigoureux et même intraitable s’agissant du sens de la morale et de l’obligation pour ses ministres de se comporter correctement, ne laissant nulle marge pour des soupçons qui pourraient peser sur eux. Des accents jupitériens qui ont vocation à l’immuniser ainsi que son équipe contre toute velléité de doute sur la probité et l’intégrité de ceux qu’il a mis si longtemps à choisir, alors qu’il se prépare à affronter  la fosse aux lions de l’Assemblée des représentants du peuple, réputée pour ne pas s’en laisser conter en la matière.

Manifestement, la composition de ce gouvernement Chahed 2 porte l’empreinte de son document fondateur, celui de Carthage, et plus encore des desiderata de ses deux principaux signataires, Nidaâ tounès et Ennahdha. Youssef Chahed était dans la totale impossibilité de s’en affranchir au point d’en devenir l’otage. Il n’en aura pas moins réussi la prouesse de concilier entre les sommations de l’un et les injonctions de l’autre en confectionnant un gouvernement où la coloration partisane l’emporte sur l’impératif d’efficacité. Le parti de Ghannouchi a accepté de se contenter de ses trois ministres déjà en place dans le précédent cabinet sans rien changer à sa part de soupe, en attendant peut-être l’issue des prochaines élections municipales. Nidaâ, lui, n’a ni à pavoiser ni à s’attrister de voir son contingent de ministres demeurer en place en changeant ce qu’il faut changer, même si son insistant lobbying pour mériter de son statut de premier vainqueur des élections législatives demeure de l’ordre de la vue de l’esprit.

Toutefois, on ne peut se dispenser de prévoir que les influences conjuguées de Nidaâ et d’Ennahdha sur le chef du gouvernement ne devraient pas fléchir ni même s’atténuer, car l’un et l’autre, qui tiennent sous leur coupe un Parlement qui leur obéit au doigt et à l’œil, et en tant que tel, cultive une capacité de nuisance dont l’Exécutif a fait les frais par le passé, et ne cessera pas de s’en ressentir à l’avenir. Car enfin le système politique et les pratiques dérivées n’ont pas changé d’un iota, façonnant les gouvernements suivant à sa logique. Parler dès lors d’un gouvernement réellement nouveau serait quelque part incongru. Et comme le disait l’écrivain et journaliste français du XIX ème siècle, déjà, Alphonse Karr, à chaque formation de gouvernement, « plus ça change, plus c’est la même chose » !

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