AccueilLa UNESaïed donne des «exclusivités» sur les arrestations, et d'autres «informations» en pêle-mêle

Saïed donne des «exclusivités» sur les arrestations, et d’autres «informations» en pêle-mêle

Son ministre de l’Intérieur, censé être l’homme-orchestre dans toute la dernière opération sécuritaire, n’était pas à son accueil, lorsque le chef de tout l’Etat était allé hier soir 14 février 2023 en visite au siège du MI. Elle avait l’air d’une visite-surprise, mais pouvait être l’opportunité de remercier les cadres de l’Intérieur à la suite de la rafle nocturne opérée contre un nombre de personnalités politiques et un journaliste propriétaire d’une radio privée, et répondre à cette polémique. Et on pourrait peut-être comprendre cette absence de Taoufik Charfeddine, puisqu’on sait qu’il  réside  à Sousse, et y rentrerait chaque soir, comme on peut le remarquer en autoroute.

Toutefois, il n’y était pas non plus le 31 janvier 2023, lorsque Saïed était allé à la caserne d’El Aouina, sermonner, de jour, la Garde Nationale dont la tutelle est le MI, et renvoyer un certain nombre de cadres, pas plus qu’il n’était présent lors du bain de foule à Bab El fellah le jour de la Saint Valentin.

En fait, Taoufik Charfeddine est absent de l’actualité du chef de tout l’Etat, depuis le 26 janvier 2023, trois jours avant leur dernière rencontre en présence du DG de la sécurité Mourad Saidane. Le tout, lorsqu’il était venu lui remettre le rapport sur le terrorisme et le crime organisé, alors qu’il ne se passait presque pas une semaine sans qu’il n’accorde audience à Charfeddine.

  • Des « terroristes » et « comploteurs contre l’Etat », selon Saïed dans les bottes de juge

La dernière visite nocturne du chef de tout l’Etat au siège du ministère de l’Intérieur intervenait après toute la polémique née de l’arrestation de deux politiciens, d’un homme d’affaires et d’un dirigeant de société de média.

Au MI, Saïed en a, en tout cas profité, pour répondre à cette polémique à plusieurs volets, notamment judiciaire, et sécuritaire. Le chef de tout l’Etat tunisien prend le taureau par les cornes, dès l’entrée du MI, et prononce presque le verdict. « Je vous remercie pour le grand travail que vous faites, car ceux-là qui ont été arrêtés, sont des terroristes [Ndlr : Saïed parlait au pluriel, comme on peut l’écouter dans la déclaration, à la 35ème seconde de la vidéo présidentielle] ». Le chef de tout l’Etat n’excluait manifestement personne des gardés à vue, et la liste s’allongerait.

Saïed marque ensuite le pas par un petit silence après l’accusation, directe et sans ambages, comme pour la souligner devant des hauts cadres qui écoutaient, bras croisés et religieusement, ce que disait le  chef, pour ajouter que « ils doivent être jugés, selon la loi (…) car ils veulent frapper l’Etat tunisien ». Devant le DG de la sûreté nationale, il précise, mettant tous les personnes placées en détention dans le même sac, que « les accusations, sont le complot contre la sécurité, intérieure et extérieure, de l’Etat», disait Saïed sous l’œil torve du DG de la sécurité Saidane.

  • Ils « fomentaient un assassinat », affirmait le chef de tout l’Etat, mécontent du Parquet

Tout de go, et dans un déni verbal de la présomption d’innocence, crûment et sans prendre soin  d’adapter son langage à la circonstance d’une arrestation de suspects  qui n’étaient pas encore passés devant le juge d’instruction auquel  revient la charge de la détermination du chef d’accusation, le chef de tout l’Etat tunisien place toutes les personnes arrêtées le 11 février et les jours suivants, sous le coup de la loi organique relative au terrorisme. Il qualifie ainsi, souverainement, les faits reprochés, et détermine tous les tenants et aboutissants, présents et à venir, du dossier en son entier, dont même la durée de détention qui n’est pas analogue à celle appliquée pour d’autres crimes.

Sans doute pourrait-on comprendre les ressorts de cette précipitation présidentielle d’en finir avec cette affaire, lorsqu’on apprend, de sa propre bouche qu’il s’agissait d’un « flagrant délit [Ndlr : Ecoutez la minute 5’28 »]», sans aucun autre détail sur l’identité des personnes prises en flag. « « Il complote contre la sûreté de l’Etat et se prépare à l’assassinat, et l’autre vous dit qu’on ira le voir demain matin (Ecouter à la minute 18’10 secondes de la même vidéo).  En cas de flagrant délit,  les forces de sécurité sont censées intervenir et saisir le Parquet, et non se limiter à attendre la fin du Week-end et le lundi pour donner l’ordre » Il n’en reste pas moins vrai que cette démarché prend le contrepied et viole même les règles en vigueur régissant de semblables affaires.

En bref donc, et selon Kais Saïed, ceux qui ont été arrêtés sont des terroristes pris en flagrant délit, et qui complotaient pour commettre un assassinat. Est-ce vrai tout cela ? C’est le chef de l’Exécutif qui le dit. Les avocats de toutes les personnes détenues disent autre chose et parlent de « dossiers vides » et de « simples rencontres, et réunions » sans aucun lien avec ce que dit Saïed.

  • Un « passage du coq à l’âne »

« Quelqu’un [Ndlr : On ne sait de qui parlait le chef de tout l’Etat], aurait admis avoir fait déposer 70 ou 80 M€ par voie de contrebande, au Luxembourg, et aurait bénéficié d’une cassation sans renvoi, ou cassation partielle sur une partie du jugement à la cour soumis »

Il évoque, ensuite, une affaire de corruption à Ben Arous, « l’affaire de la Cifad [Ndlr : écrit comme entendu et prononcé], la Pharmacie Centrale. L’affaire est là, et le Parquet devrait bouger ». Il passe ensuite du coq à l’âne, des Constitutions, celle de 2022 et celle d’avant, à « celui qui interdit de faire la prière dans la mosquée sans l’ordre du conseil municipal », en passant par une « maison confisquée, et on ira la visiter à Radès, achetée par l’une des personnes arrêtées, à travers une autre personne, et dont le numéro du compteur de la Sonede, est sis à Menzel Bouzelfa. Et l’autre, qui dissimulait plus 6000  dossiers dans des affaires de terrorisme. Pourquoi il n’a pas été poursuivi pénalement ? Où est la justice ? » se demandait-il. Et c’est ensuite « l’un qui volait une boîte de confiserie (Chamia), est détenu, et l’autre qui voulait tuer le président de la République, on verra lundi prochain (…). J’étais à Bab-El-Fella et Bab-Mnara. Les gens n’avaient pas de quoi manger. En même temps, on le verra dans certains restaurants dîner à coup de millions ». Qui sont tous ces gens, et quels crimes avaient-ils commis ?

Il passe ensuite, avec une aisance déconcertante d’absence de détails, et pleine d’allusions, au cas « d’une fille médecin spécialisée, Bac + 11, payée à 1.800 DT, et l’autre, les 1800 DT, il les dépense en une soirée dans des restaurants ou des hôtels 5 étoiles où ils tiennent congrès, avec les centaines de millions venant de l’étranger ». Passeront aussi, dans cette allocution présidentielle de plus de 18 minutes, toute en moues de dédain, les affaires plus sérieuses, des ouvriers des chantiers et des employés sous régime SIVP (Stage d’initiation à la vie professionnelle).

Qui est qui dans tout ce qu’évoquait pêle-mêle hier soir le chef de tout l’Etat tunisien ? Qui accusait-il et qui mettait-il en garde ? Personne ne le sait, sauf peut-être les cadres sécuritaires présents devant lui, murés dans le silence dans ce qui semble être le bureau du ministre !

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