AccueilLa UNEEn fait de démocratie, les Tunisiens sont-ils encore preneurs ?

En fait de démocratie, les Tunisiens sont-ils encore preneurs ?

Une question qui taraude le Washington Post : les Tunisiens veulent-ils encore la démocratie dès lors qu’ils soutiennent les mesures prises , le 25 juillet dernier, par leur président  dans le cadre de l’état d’exception , lesquelles semblent compromettre cet objectif [ la démocratie] ?

Des mesures, pourtant temporaires,  que Kais Saied a prolongées indéfiniment, lundi, poussant d’aucuns à s’attendre que le chef de l’Etat tunisien   « tente de suspendre la constitution et de la remplacer par une nouvelle, probablement dotée d’un système présidentiel ». Mais « bien qu’il soit difficile d’évaluer l’opinion publique dans une période de grande incertitude, les mesures prises par Saied semblent bénéficier d’un soutien populaire », concède la quotidien washingtonien, citant, au passage, « certains observateurs ont suggéré que les Tunisiens ont perdu (ou peut-être n’ont jamais eu) d’intérêt pour la démocratie ». Est-ce bien le cas ? se demande le Washington Post.

Se référant à un sondage de l’Afrobarometer qui a interrogé les Tunisiens sou la forme d’une question  qui offre des choix entre la démocratie, le soutien conditionnel à la dictature et l’indifférence, le journal  note que ses résultats montrent que le pourcentage de personnes choisissant la démocratie a baissé de 70 pour cent en 2013 à 45 pour cent début 2018. Mais la préférence pour la démocratie s’est depuis redressée, selon les enquêtes d’Arab Barometer et Afrobarometer, pour atteindre une moyenne de 61 % depuis fin 2018.

Le World Values Survey et Afrobarometer proposent également d’autres questions pour évaluer le soutien aux alternatives autoritaires. Celles-ci dressent un tableau plus sombre. Par exemple, le pourcentage de personnes rejetant le régime des hommes forts a diminué, passant de près de 80 % en 2013 à 39 % en 2020.

Quel est le problème de la démocratie tunisienne ?

Une autre enquête a été menée auprès d’un échantillon national représentatif de 1 200 Tunisiens immédiatement après l’élection de Saied en 2019. Il y a été constaté qu’en moyenne, les Tunisiens percevaient que la transition politique avait apporté de plus grandes libertés politiques en même temps que plus de corruption, un chômage plus élevé, un  carburant plus cher, plus de crimes violents et moins de sécurité personnelle et financière. De nombreux Tunisiens rendent les partis politiques et le  parlement responsables de leurs maux. Ils reprochent aux partis de s’efforcer de présenter des solutions attrayantes aux problèmes économiques, de tenir les promesses préélectorales ou de maintenir la discipline des législateurs.

Ce que les Tunisiens apprécient le plus

L’expérience a enseigné que la majorité des Tunisiens étaient favorables à la démocratie, comme le montre leur volonté de choisir en moyenne des politiciens démocratiques plutôt que des non-démocratiques. Dans l’ensemble, les candidats adoptant des positions non démocratiques ont perdu face à leurs adversaires démocratiques dans environ 60 % des cas.

Mais, à l’instar de la grande majorité des Américains, la plupart des Tunisiens ne sont pas des partisans de la démocratie sur une seule question. Nombre d’entre eux étaient prêts à soutenir des candidats non démocratiques qui étaient plus attrayants à d’autres égards. Par exemple, les candidats non démocratiques décrits comme moins corrompus que leurs adversaires démocratiques ont remporté environ la moitié des voix.  Les Tunisiens sont plus préoccupés par la protection des libertés politiques que par la protection de l’équilibre constitutionnel entre le président et le corps législatif. Les candidats qui ont soutenu la criminalisation de la parole ont été sanctionnés plus souvent que les candidats qui ont poussé le président à s’emparer du pouvoir.

Comme l’écrit la politologue Nancy Bermeo, les analystes rendent souvent injustement les gens ordinaires responsables de l’effondrement de la démocratie. L’hypothèse selon laquelle les gens ordinaires ne peuvent pas gérer les libertés accordées par la démocratie peut sous-tendre une partie de l’analyse de la situation actuelle de la Tunisie, notamment chez ceux qui doutent de la compatibilité de l’islam et de la démocratie. Mais les preuves suggèrent que même si les Tunisiens sont de plus en plus frustrés par les institutions élues, la plupart ne veulent pas d’une dictature.

Bien sûr, certains des partisans de Saied n’ont peut-être jamais voulu de la démocratie, ont conclu qu’il y avait plus d’ennuis qu’il n’en valait la peine, ou ont décidé que d’autres valeurs étaient plus importantes aujourd’hui, souligne le WP. Mais Saied a associé un discours dur à des promesses de protéger les droits fondamentaux et de mettre en place un système plus démocratique. La popularité de Saied pourrait dépendre du respect de ces promesses. S’il a l’intention de le faire, il y a des signes inquiétants. Les organisations de la société civile ont critiqué le recours récent aux assignations à résidence et aux restrictions de voyage sans procédure régulière, la fermeture de la commission anti-corruption, le retour apparent de l’autocensure dans les médias et le refus de Saied de tracer une voie claire et inclusive pour revenir à un gouvernement normal.

Dix ans se sont écoulés depuis le printemps arabe. Pourquoi les gens ont-ils protesté à l’époque et pas maintenant ?, se demande le Washington Post , pour répondre aussitôt : « La question n’est peut-être pas de savoir si les Tunisiens veulent la démocratie, mais s’ils peuvent faire pression sur leur gouvernement pour qu’il accepte des règles qui répondent à la frustration des institutions élues et protègent mieux les libertés que les Tunisiens ont acquises.

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