AccueilCe que je croisDe l'extrême urgence de la mise en place des recommandations du FMI,...

De l’extrême urgence de la mise en place des recommandations du FMI, parle Mohamed Ali Daouas

AM*

Ces derniers temps, certains médias ont rapporté que la Tunisie est au bord de l’effondrement financier et le gouverneur de la banque centrale lui-même a déclaré que le système financier tunisien est confronté à plusieurs risques importants : risque de confiance et de liquidité en dinars et en devises. Qu’en est-il du risque d’effondrement du système selon mon humble point de vue ?

Les gouvernements élus depuis la révolution ont bénéficié de multiples facilités du FMI sans mettre en application les réformes recommandées chaque fois par ce dernier. Mais, lorsqu’il a conditionné le déblocage de la dernière facilité à l’amorce de ces réformes tant de fois reportées, sous prétexte que la Tunisie est souveraine et n’acceptera pas que des conditions lui soient dictées par une quelconque partie étrangère, ces conditions ont été rejetées et le financement a été refusé ainsi que plusieurs autres qui lui sont liés. De même, plusieurs promesses d’investissement obtenues lors du sommet du TICAD n’ont pas été tenues parce que leur réalisation dépendait de l’issue des négociations avec le FMI. L’Etat a bénéficié d’emprunt extérieurs très limités auprès de certaines sources, telles que l’AFREXIMBAK, autrefois évitables à cause de la cherté de leurs conditions. En l’absence de mobilisation de ressources extérieures suffisantes, le système financier s’est trouvé asséché en liquidités et son rythme d’activité n’a cessé de baisser. La pandémie du COVID et le contexte international (guerre de l’Ukraine, inflation et conflit du moyen orient) ont encore complexifié la situation de l’économie et par ricochet celle des banques. 

–                      

–          Les limites des mesures adoptées pour contourner ces conditions

Il est vrai que le montant de la facilité promise par le FMI est dérisoire mais on sait tous comment ces conditions sont établies. C’est le résultat de multiples réunions entre les hauts responsables de nos ministères économiques et les experts du Fonds. Parfois, ces conditions sont tellement urgentes et utiles aux yeux de nos responsables qu’elles sont même soufflées par ces derniers aux représentants du Fonds. Un haut représentant du FMI n’a –t-il pas déclaré que le Fonds n’a rien imposé à la Tunisie et que toutes ces conditions ont été suggérées par les responsables tunisiens.

Il est vrai également que le refus de ces conditions ne nous a pas permis de bénéficier de cette assistance du Fonds mais de compter sur nous-mêmes. Nous avons eu la chance d’avoir connu au cours de cette année une bonne saison touristique et une générosité sans faille de la part de nos émigrés qui n’ont pas cessé de transférer une bonne partie de leurs revenus. Mais, nous ne pourrons pas compter indéfiniment sur nous-mêmes d’autant plus que les transferts de notre diaspora et particulièrement les recettes touristiques sont très sensibles à la situation politique et sociale du pays. Nos ressources propres sont limitées et ne suffisent même pas au financement du budget de fonctionnement de l’Etat. Le déficit budgétaire ne cesse-t-il pas de se creuser d’année en année malgré la quasi absence de budget pour l’équipement. Notre pays est encore en voie de développement (s’il n’est pas en voie de sous-développement vu la baisse continue du revenu par tête d’habitant et l’augmentation du taux de pauvreté depuis 2011). La Tunisie a encore besoin d’investissements et de création de richesse et d’emploi mais le gouvernement est de plus en plus dépendant des banques locales pour subvenir à ses besoins de financement de plus en plus importants (24 milliards de dinars selon Fitch). Notre épargne nationale est par contre en baisse à cause de la pandémie et d’une inflation inhabituellement élevée, d’où, des pressions sans précédent sur la liquidité des banques.  

–          De la nécessité de mettre en place ces conditions

Indépendamment de l’obtention ou non de cette facilité, avons-nous intérêt à mettre en application ces fameuses conditions ? Je pense que nous n’avons pas le choix et ça sera tant mieux si leur mise en application sera accompagnée par l’obtention de la facilité du FMI et d’autres. La masse salariale du secteur public a continué à augmenter. La charge de la compensation n’a été que quelque peu maitrisée par les différentes et interminables sortes pénuries de produits essentiels (pain, riz, sucre, huile, etc.) dont l’effet sur le moral et la confiance des citoyens est dévastateur.  Quant aux entreprises publiques, sous prétexte qu’elles constituent une ligne rouge, pour certains de nos politiciens et notre syndicat) vivotent toujours. Certaines d’entre-elles n’arrivent même plus à payer leurs salariés et pour le faire elles s’endettent auprès des banques avec la garantie de l’Etat.

Au lieu de régler tous ces problèmes et arrêter l’hémorragie en amorçant l’assainissement des entreprises publiques, la mise en place d’un programme sur plusieurs années de réduction de la charge de compensation et des effectifs du secteur public, l’Etat se déploie à trouver les financements nécessaires. C’est comme si au lieu de procéder à l’euthanasie du malade chroniquement mort qui nécessite de la raison et de l’audace, on cherche à trouver le financement pour le maintenir sous sérum, ce qui prolonge sans résultat ses souffrances et celles de sa famille. En effet, la charge budgétaire ne fait qu’augmenter et le gouvernement n’arrête pas de hausser les impôts en portant le taux de pression fiscale à plus de 25% (l’un des taux les plus élevés dans le monde) et de recourir à l’endettement intérieur, particulièrement bancaire, aussi bien en dinars qu’en devises.  Le taux de la pression fiscale est d’autant plus lourd que la base des soumis à l’impôt est de plus en plus limitée vu l’importance grandissante de l’économie informelle. Quant au financement du Trésor par les banques, il peut être à l’origine d’un effet d’éviction du secteur privé si la banque centrale ne s’accommode pas à cette situation en adaptant sa politique de refinancement des banques.

L’impératif de la profitabilité des institutions financière, la tarification bancaire et le risque d’effondrement du système :

A cause d’un investissement public qui pâtit du manque de ressources et d’un investissement privé souffrant d’un contexte national et international difficile (risque élevé), d’un manque de visibilité, d’une fiscalité de plus en plus hostile et d’un TMM fortement pénalisant (il est à un niveau record au cours des trois dernières décennies), l’activité ordinaire des banques est en train de se rétrécir et se limiter pour l’essentiel au financement de l’exploitation pour les investissements existants.  Mais, contrairement à ce que le commun des mortels pense et aux chiffres de résultats publiés par certaines banques, alors qu’ils sont en bonne partie fictifs pour certaines d’entre-elles, les agences de notation reprochent aux banques de la place le faible niveau de leur profitabilité, ce qui présente un risque étant donné la qualité de leur portefeuille de crédit. De plus, les banques ont besoin de revenus importants pour restructurer les crédits de entreprises en difficultés du COVID et pour d’autres raisons (26% des PME) et financer de multiples projets à la fois urgents et coûteux (digitalisation de leurs services pour demeurer compétitives, lutte contre le blanchiment, passage aux normes comptables IFRS et aux normes prudentielles de BALES 3). De plus, l’Etat n’arrête pas d’augmenter l’imposition de leurs bénéfices (35% d’impôt sur les sociétés + 4% autres prévus dans la loi des finances de 2024 + 4% de contribution sociale de solidarité).  Comment sont-elles alors en train de procéder pour y remédier. D’abord, elles participent activement au financement du Trésor. Puis, elles n’arrêtent pas depuis 2011, de revoir à la hausse les commissions sur les services rendus à leur clientèle. A titre d’exemple, la commission prélevée sur les virements reçus en dinars (salaires, pensions, remboursements des frais de soin par la CNAM, etc.) et versés en compte varie entre 3 et 4 dinars taxe comprise, soit près de 1% du revenu net d’un « smigard ». Le coût effectif de financement bancaire (intérêts + commissions + frais d’étude et d’assurance + TVA) frôle les 12 à 13% et celui des compagnies de leasing dépasse les 20%. Des commerçants rendent les TPE qui leur sont loués par les banques contre un loyer mensuel de 20 à 30 dinars et une commission qui peut dépasser 2,5% sur le volume de chaque transaction. Les salariés sont de plus en plus nombreux à solliciter à être payés en espèces ou à retirer tout leur salaire dès son versement par manque de confiance ou à cause du coût du recours aux services bancaires pour leurs besoins de paiement. Conséquence : de plus en plus de clients boudent les services bancaires et l’activité bancaire se rétrécit au fil des années comme une peau de chagrin. En plus, certains appellent pour que le financement du Trésor passe exclusivement par les banques publiques et d’exclure de ce créneau d’activité les banques privées. Dans ces conditions en dehors de quelques banques qui se comptent sur les bouts des doigts, les autres souffrent le martyr pour présenter des états financiers équilibrés. Jusqu’à 2011, une banque déficitaire était un évènement très rare mais de nos jours c’est devenu chose courante. Nous n’avons jamais cessé d’inviter nos banques à s’internationaliser pour mieux accompagner nos opérateurs économiques à l’étranger mais malheureusement on observe depuis un certain temps pour les raisons évoquées précédemment (principalement réduction de l’activité et forte imposition) le retrait de banques étrangères de la place de Tunis. Après le départ des groupes Banque Populaire et BNP Paris, c’est autour de la Société Générale d’amorcer la vente de sa filiale, l’UIB.    

Voilà comment notre système financier risque de s’effondrer et il est urgent de mettre en place les fameuses conditions, à savoir assainir les entreprises publiques, réduire progressivement la masse salariale de la fonction publique et la charge de la caisse générale de compensation. Ces réformes sont de nature à rouvrir progressivement les sources de financement extérieur au pays. Ces dernières sont certes incontournables mais insuffisantes pour améliorer l’état des finances publiques et relancer l’économie. D’autres mesures s’imposent pour rehausser le rythme de l’activité économique, dont le renforcement des assises du système financier qui constitue le système nerveux de l’économie.

*Statut de l’ancien gouverneur Mohamed Ali Daouas

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -