Aujourd’hui, le tourisme et les envois de fonds contribuent à maintenir le déficit du compte courant de la Tunisie à un niveau raisonnable – ils ont rapporté respectivement 2,23 milliards de dollars et 2,7 milliards de dollars en 2023. Ces injections de devises et les fluctuations des marchés mondiaux, comme le gonflement du prix de l’huile d’olive, ont sauvé la Tunisie, permettant à l’État de maintenir le remboursement de la dette et les importations nécessaires.
Depuis 2022, la Tunisie a reçu environ 500 millions de dollars de l’Arabie saoudite, tandis que l’Algérie a officiellement prêté 200 millions de dollars, dont la moitié a été déposée à la banque centrale de Tunisie pour stabiliser la monnaie. Alger a également fourni officieusement une « aide douce » considérable en permettant de retarder les remboursements presque indéfiniment, ce qui a permis à la Tunisie d’acheter de l’électricité et du carburant à crédit. La banque centrale libyenne a également accordé un prêt à taux réduit de 400 millions d’euros à la banque centrale tunisienne pour l’aider à stabiliser sa monnaie. Si ces mesures peuvent contribuer à maintenir la Tunisie à flot et à assurer un minimum d’importations à court terme, l’octroi de nouveaux prêts à taux d’intérêt élevés ne fera qu’accélérer le processus de faillite, avertissent trois chercheurs du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR)
Si l’économie tunisienne veut se rééquilibrer sans s’effondrer, elle a besoin d’un plan industriel pour formaliser le secteur informel afin d’élargir l’assiette fiscale supprimer la bureaucratie du secteur privé et créer des incitations pour transformer les petites entreprises ou les entreprises informelles en moyennes entreprises nécessaires pour stimuler l’emploi et la croissance réorienter le financement de la subsistance vers les personnes plutôt que vers les entreprises publiques réduire le pouvoir des cartels et utiliser les revenus libérés pour investir dans de nouvelles infrastructures et de nouvelles industries dans tout le pays plutôt que seulement dans la capitale, recommande le think-tank pan-européen. .
Tunisie : une conditionnalité plus intelligente
Il est peu probable que la Tunisie accepte un plan de réforme du Fonds monétaire international, mais on pourrait peut-être la convaincre d’entreprendre des réformes structurelles ciblant le secteur privé et lui permettant de maîtriser les finances de l’État – en échange d’une aide financière d’un groupe multilatéral d’acteurs occidentaux concernés et d’États du Golfe motivés par leur exposition politique à un éventuel krach tunisien, estiment les trois chercheurs . Cette approche pourrait permettre une meilleure visibilité, loin du sujet sensible du FMI, en ciblant l’aide macrofinancière sur des aspects pratiques qui toucheront les Tunisiens ordinaires, tels que le rétablissement des importations nécessaires. La restructuration des dettes bilatérales et privées en échange de réformes visant à améliorer et à faciliter les investissements en Tunisie ferait partie de cette approche. Les deux parties pourraient obtenir ce qu’elles veulent sous une rubrique modifiée. Les parties concernées peuvent aider à stabiliser l’économie en conditionnant le financement à des mesures telles que l’amélioration de la compétitivité du secteur privé en réorientant les subventions vers les individus et en supprimant les réglementations qui protègent les intérêts acquis , la suppression de la bureaucratie et la facilitation du crédit aux entrepreneurs et l’aide à la croissance des PME , la conception d’un plan industriel pour développer certaines industries en utilisant l’argent qui allait autrefois aux entreprises publiques et l’aide à l’amélioration de la santé financière de l’État en augmentant les recettes fiscales grâce à une transition vers des régimes fiscaux plus progressifs. De tels changements pourraient également faciliter les ventes d’actifs mutuellement bénéfiques ou les investissements nouveaux en Tunisie.
Economiquement judicieux !
Ce type de conditionnalité n’est pas seulement plus judicieux d’un point de vue politique, il est aussi plus sensé d’un point de vue économique, pense l’ECFR. Certaines de ces mesures pourraient être liées à des tranches particulières de financement ou à l’annulation de la dette, tandis que des segments de l’aide macrofinancière pourraient être subordonnés à la réalisation d’étapes de réforme visant à garantir que la Tunisie soit en mesure d’absorber correctement l’aide. Un nouvel accord qui aide à libérer les ressources tunisiennes pour se concentrer sur la planification industrielle et qui utilise l’effet de levier des acteurs internationaux pour aider à rendre le secteur privé tunisien plus compétitif peut ensuite être développé par les Européens dans l’intérêt de tous.
Par exemple, l’UE pourrait tirer parti de son importante population tunisienne expatriée pour renforcer les liens économiques entre les deux pays, en utilisant des incitations basées sur le crédit ou des véhicules d’investissement spéciaux pour les encourager à utiliser les transferts de fonds envoyés dans leur pays pour ouvrir des bureaux pour des entreprises reliant l’Europe et la Tunisie. Des changements réglementaires permettraient également d’ouvrir le champ aux producteurs d’électricité privés, créant ainsi un environnement plus fertile pour les entreprises européennes qui souhaitent investir dans la transition énergétique verte de la Tunisie (ce qui aiderait la Tunisie à réduire sa dépendance à l’égard des combustibles importés). Cependant, l’UE ne pourra investir ne serait-ce qu’une partie des 27 à 35 milliards de dollars estimés nécessaires à une telle transition que si l’économie tunisienne ne croule plus sous les dettes et est libérée des intérêts particuliers. Présenter un programme d’expansion des énergies renouvelable pourrait être regardé comme un moyen d’accroître l’indépendance et l’autonomie de la Tunisie.