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Propositions pratiques pour l’amélioration du système fiscal tunisien

Rejeb Elloumi est un comptable-Fiscaliste, membre de la Compagnie des Comptables de Tunisie. Il propose ci-dessous, un certain nombre de mesures susceptibles d’améliorer le système fiscal tunisien. C’est long, mais c’est utile :

« La réforme fiscale est un travail contenu qui doit évoluer sur la ligne du développement et des exigences économiques du pays pour permettre une équité fiscale et être au service de l’économie et de la croissance.

La réforme doit rétablir la confiance entre le contribuable, l’administration fiscale et les professionnels afin de créer un environnement fiscal stable, prévisible et durable.

Dans le cadre de l’amélioration du système fiscal tunisien, je me permets, de présenter quelques réflexions pratiques d’ordre fiscal qui pourraient renforcer la compétitivité de nos entreprises, inciter à l’investissement et lutter contre la fraude fiscale.

I. En matière d’impôts indirects :

i. Ré-institution du régime suspensif de la TVA pour les sociétés de commerce internationales et les sociétés de services

Dans la pratique, le délai de restitution de 7 jours n’est pas respecté ce qui a impacté la compétitivité de ces sociétés. Nous proposons de ré-instituer le régime suspensif de la TVA et de renforcer le contrôle pour éviter les abus.

ii. Absence d’un texte permettant la restitution de la TVA relative aux créances irrécouvrables

Ainsi, d’un simple collecteur de la TVA, le contribuable se transforme en véritable redevable réel qui la supporte à la place de son client défaillant. Nous proposons de permettre la restitution de la TVA relative aux créances insolvables ou de permettre de collecter la TVA à l’encaissement.

iii. Le droit de consommation et la taxe professionnelle fait partie de l’assiette taxable de la TVA

Cette taxation en cascade n’est pas compatible avec la transparence des taux d’imposition. Nous proposons de garantir la transparence des taux d’imposition indirecte en excluant de la base d’impôt toute charge fiscale (TVA, Droit de consommation, FODEC…)

iv. Multiplicité des taux de la TVA

Cette multiplicité est à l’origine des difficultés et ambigüité dans l’application du taux de la TVA. Nous proposons l’application progressive d’un taux de TVA unique pour toute l’économie, et ce, à l’instar des pays développés comme les Etats Unis d’Amérique, le Canada et le Japon et de limiter les exonérations.

II. Impôt sur les Revenus des Personnes Physiques :

i. Inefficacité des régimes forfaitaires BIC

Malgré les dernières révisions des régimes forfaitaires, beaucoup de contribuables se cachent dans les régimes forfaitaires.

A notre avis, le problème des forfaits d’impôt est un problème de contrôle et d’administration et non pas un problème de textes fiscaux.

Nous proposons par exemple de créer une Direction des Forfaitaires d’Impôt – DFI (comme la DGE et la DME), et ce afin de renforcer leur contrôle ou bien créer des cellules dans les centres régionaux qui s’occupent de ces forfaitaires.

ii. Généraliser l’imposition sur une base hors taxe

Pour plus de transparence des impôts, nous recommandons la généralisation de l’imposition sur une base hors taxe.

iii. Transport des salariés

Le transport en commun assuré par toute entreprise pour ses salariés ne devrait pas être considéré comme un avantage en nature et devrait être encouragé alors que le transport public est souvent défaillant. Il devra être admis comme charge déductible fiscalement et non soumis à la retenue à la source et à une quelconque cotisation sociale.

iv. Barème IRPP

Le calcul de l’impôt sur le revenu, s’effectue, en considérant la fraction du dinar comme un dinar entier, conformément au barème progressif qui peut s’avérer pénalisant au dessus d’un seuil qui conduit à imposer la personne physique dans la tranche de 35% alors que le taux du droit commun de l’IS est de 15%.

Nous proposons de neutraliser le choix de la forme juridique de l’entreprise et harmoniser la fiscalité de l’entreprise individuelle soumise à l’IRPP avec celle des sociétés soumises à l’IS en abaissant le taux de la dernière tranche du barème ou en permettant par exemple aux personnes physiques soumises au régime réel de déduire certaines charges comme par exemple, les frais de scolarité et les frais de soins et de déduire aussi la TVA sur les voitures de tourisme.

III. Impôt sur les sociétés :

i. Rétablissement de l’avantage du dégrèvement fiscal physique

Rétablissement de l’avantage du dégrèvement fiscal physique notamment pour les investisseurs dans les activités industrielles, de services et touristiques.

En supprimant les dégrèvements physiques pour la plupart des activités industrielles et les activités touristiques, le nouveau régime d’incitations a produit un effet négatif sur le volume des investissements à partir de 2018.

ii. Prolonger le délai de déduction des reports déficitaires

Prolonger le délai de déduction des reports déficitaires de 5 ans à 10 ans surtout pendant la période de crise que nous vivons.

iii. Carry-back

Afin de préserver et développer l’entreprise, nous proposons d’autoriser l’imputation des pertes fiscales sur les bénéfices accumulés qui ont déjà subi l’impôt (carry back); ce qui permet de lui accorder un crédit d’impôt correspondant aux pertes fiscales compensées avec les réserves. Le crédit d’impôt ainsi obtenu peut faire l’objet de report, de restitution immédiate.

iv. Exemption de certaines activités des acomptes provisionnels

La base de calcul des acomptes provisionnels n’inclut pas l’impôt sur les plus-values de cession d’immobilisations. En revanche, la plus-value réalisée sur un immeuble comptabilisé en stock par une société de promotion immobilière fait partie de son bénéfice d’exploitation et l’IS correspondant fait partie de la base de calcul des acomptes provisionnels.

La livraison à soi-même d’un immeuble conduit son reclassement des stocks aux immobilisations corporelles et permet, ainsi, d’échapper au payement des acomptes provisionnels lors de sa cession. Il semble que le secteur de promotion immobilière doit être exempté des acomptes provisionnels, car le niveau d’activité n’est pas homogène dans le temps. Le promoteur immobilier peut admettre le payement de l’impôt direct, mais le payement des acomptes provisionnels sur une opération exceptionnelle à forte plus-value nuit considérablement sa trésorerie et engendre généralement un crédit d’impôt.

IV. Transmission des entreprises

i. Exonération de l’impôt (10%) la plus-value mobilière résultant de la donation des titres entre ascendants, descendants et époux

Constituant « le scénario type » de la transmission de l’entreprise familiale, la donation des titres permet à l’entrepreneur d’assurer, de son vivant, le transfert de propriété de son entreprise à ses descendants, futurs successeurs.

A l’instar de la plus-value immobilière, nous proposons l’exonération de l’impôt (10%) la plus-value mobilière résultant de la donation des titres entre ascendants, descendants et époux.

V. Restitution des crédits d’impôt

i. Restitution 100% sur la base du rapport spécial du commissaire aux comptes

Etendre la restitution des crédits d’impôts et taxes sur la base d’un rapport du Commissaire aux Comptes pour couvrir les sociétés rattachées à la DME.

ii. Crédits confirmés par les services fiscaux

Préciser la méthode de calcul du délai de forclusion de la demande de restitution des crédits confirmés.

VI. La vérification fiscale :

iii. Recours à l’extracomptable

L’article 38 du CDPF prévoit la possibilité de recourir aux présomptions (méthodes extracomptables de reconstitution des bénéfices), même en présence d’une comptabilité conforme au système comptable des entreprises.

Nous proposons d’écarter la possibilité de recourir aux présomptions en présence d’une comptabilité conforme au système comptable des entreprises et de veiller à éviter les chefs de redressement non fondés (ex : minoration du chiffre d’affaires) qui touchent à la crédibilité des administrateurs et des commissaires aux comptes surtout dans les entreprises transparentes.

Il y a lieu de donner la possibilité aux contribuables de répondre à tout projet de recours à l’extracomptable ou de rejet de la comptabilité et de responsabiliser les vérificateurs qui font recours à ces chefs de redressement qui ne font qu’augmenter la tension entre administration et contribuable et ce afin d’éviter un contentieux qui coûte cher aussi bien pour l’administration que pour le contribuable.

iv. La symétrie des redressements liés aux transactions intra-groupe

Nous estimons, en cas de dépendance Tuniso-Tunisienne (càd deux sociétés tunisiennes), que l’Administration devrait dans le cadre d’une opération de vérification fiscale, en toute équité, rétablir la situation fiscale dans son ensemble et non pas au seul titre de la société contrôlée.

En effet, dans le cadre d’une opération de vérification fiscale, s’agissant de la même juridiction applicable, nous proposons de prévoir la symétrie de redressement en matière d’impôt sur les sociétés comme suit :

– les redressements opérés en matière d’impôt sur les sociétés au niveau de la société acheteuse relatifs au transfert de bénéfices par voie de majoration du prix d’achat entre sociétés tunisiennes du même groupe doivent entrainer la régularisation de l’impôt sur les sociétés au niveau de la société vendeuse du groupe ayant opéré la majoration ; et

– les redressements opérés en matière d’impôt sur les sociétés au niveau de la société vendeuse relatifs au transfert de bénéfices par voie de minoration du prix de vente entre sociétés tunisiennes du même groupe doivent entrainer la régularisation de l’impôt sur les sociétés au niveau de la société acheteuse du groupe en cas de facturation par la société objet de la vérification.

v. La matérialisation du débat oral et contradictoire

Dans la pratique nous avons constaté que des arrêtés de taxation d’office soient établis et contiennent des points dont le redressement a été accepté soit par le contribuable soit par le vérificateur. Ceci est expliqué par un manque de matérialisation du débat oral et contradictoire entre le vérificateur et le contribuable.

Nous recommandons que le caractère oral et contradictoire du débat doit être reconnu explicitement par les textes en étant accompagné par des procédures concrètes qui le garantissent (exemple, matérialiser les réunions avec le vérificateur par des PV de réunion, etc.)

vi. Interdiction de la compensation entre les différents impôts et taxes

Cette interdiction peut être à l’origine d’accumulation des crédits d’impôts et de taxes chez les entreprises qui est à l’origine de pressions importantes sur la trésorerie de l’entreprise.

Nous proposons d’instituer un mécanisme de compensation entre les impôts de même nature (retenue à la source) pour permettre aux entreprises d’absorber rapidement les crédits d’impôt et à l’administration fiscale de concentrer ses efforts de vérification sur les contribuables et les secteurs à risque ou connus par la prédominance de la fraude.

vii. Matérialiser la clôture des dossiers de vérification préliminaires

Matérialiser la clôture des dossiers de vérification préliminaire (en cas d’abandon total des chefs de redressement) à travers la communication au contribuable vérifié d’un rapport sur la clôture de la vérification.

viii. Rendre opposable l’avis de la commission de conciliation

Rendre les avis de la commission de conciliation opposable à l’administration fiscale.

ix. Interruption de la prescription

A préciser que la notification des résultats de la vérification préliminaire interrompe la prescription pour la vérification préliminaire seulement. Càd la notification des résultats de la vérification préliminaire n’interrompe pas la prescription pour la vérification approfondie suite à une vérification préliminaire.

VII. Contentieux fiscal :

i. Caution et exécution de l’arrêté de TO

Nous proposons de modifier l’article 52 du CDPF, en prévoyant que l’exécution de l’arrêté de taxation d’office est suspendue par le paiement de 10% du montant de l’impôt en principal confirmé par le tribunal de première instance (y compris les retenues à la source) ou par la production d’une caution bancaire pour 15% du même montant, et ce, dans un délai de soixante jours à compter de la date de la notification du jugement du tribunal de première instance.

La suspension est valable jusqu’à la notification du jugement du tribunal de première instance.

ii. Recours à l’expertise

Nous proposons de modifier l’article 62 du CDPF, en étendant le recours d’office du tribunal à l’expertise pour couvrir aussi toute demande écrite du contribuable taxé d’office.

VIII. Obligations fiscales :

i. Absence d’une définition de la notion de « établissement secondaire » utilisée au niveau des articles 3 du CDPF, 38 et 39 du code de la fiscalité locale

Dans la pratique, cette situation est à l’origine des difficultés d’application des articles susvisés qui sont source d’application abusives de sanctions fiscales. Nous proposons de clarifier la notion de « établissement secondaire » utilisée au niveau des articles 3 du code des droits et procédures fiscaux et 38 et 39 du code de la fiscalité locale.

ii. Dématérialisation des obligations fiscales de forme

Nous proposons d‘adopter une stratégie de dématérialisation de toutes les obligations fiscales de forme.

IX. Combattre la fraude fiscale :

i. Exiger l’attestation de régularisation de la situation fiscale lors de la demande d’obtention du permis de bâtir

Cette formalité permet à l’administration fiscale d’avoir une base de données à jour des constructions réalisées par les personnes physiques afin de contrôler les sources de financement de ces constructions.

ii. Généralisation de la TVA

Le code de la TVA est l’un des textes fiscaux les plus mal rédigés et à l’origine des difficultés de lutte contre la concurrence déloyale et la fraude fiscale. En apparence, la TVA, en Tunisie, constitue l’impôt le plus simple (le code de TVA n’est composé que de 21 articles). Toutefois l’étude de cet impôt fait ressortir certaines incohérences qui participent à la complexité de cet impôt.

Par ailleurs, je pense que la TVA peut constituer un outil incontournable pour lutter contre la fraude fiscale et la concurrence déloyale. En effet, la généralisation de la TVA accompagnée d’une réduction des taux peut constituer une réponse efficace à la fraude fiscale. D’un autre côté, la suppression pure et simple du système des exonérations en matière de TVA et son remplacement par un régime d’imposition à taux d’équilibre permettra de généraliser la TVA à toute l’économie et d’éviter toute rupture dans la chaine des déductions. Elle permettra un rehaussement de la masse imposable en matières d’impôts directs puisqu’il n’y aura plus de TVA rémanente et l’élargissement de l’assiette et l’encouragement à la transparence. Cette dernière qui était incorporée aux coûts et passée en charges grevant le résultat fiscal, deviendra une taxe neutre après la suppression des exonérations. Grace à la généralisation de la TVA, les faux forfaitaires qui se cachent derrière le régime des exonérations pourront être facilement détectés et déclassés vers le régime réel ce qui permettra une imposition plus juste et plus équitable des revenus réalisés par de tels contribuables. La généralisation de la TVA permettra l’adhésion des forfaitaires dans le système de transparence et permettra aussi d’orienter ces contribuables vers une bonne gestion fiscale basée sur les avantages fiscaux accordées aux investisseurs. Par conséquent le fait que le régime du forfait d’impôt soit réservé aux seuls véritables forfaitaires protégera les entreprises transparentes de la concurrence déloyale et du secteur informel et les incitera à se développer d’avantage et à s’introduire dans le marché financier. Aussi, elle épargnera aux entreprises transparentes le risque imputable à la confusion entre régime suspensif et régime d’exonérations.

Par ailleurs, la généralisation de la TVA à tous les niveaux et à tous les secteurs publics et privés obligera indirectement les forfaitaires à opter pour le régime réel et à rentrer dans la transparence et dans le circuit économique du pays et par conséquent épargnera l’administration fiscale le recours à la vérification fiscale qui nécessite la mise en place de grands moyens de contrôle.

X. Diverses propositions :

Centraliser toutes les prises de position relatives à l’interprétation de la loi au niveau de la DGELF.

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