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Ras Jdir, des enjeux aux multiples facettes

Ras Jdir, voici une appellation aux multiples perceptions tant pour les Tunisiens que pour  les Libyens, pour des raisons parfois diamétralement opposées, faut-il le préciser. C’est d’abord la plaque tournante du commerce illicite, niché  dans ce point de passage frontalier, devenu « le  centre de la concurrence et une source d’instabilité dans l’Ouest de la Libye », comme la décrit le chercheur Ali Ben Moussa, du Conseil du Moyen-Orient sur les affaires mondiales.

 Situé à 170 kilomètres à l’ouest de Tripoli, la capitale libyenne déchirée par la guerre, le principal point de passage terrestre vers son voisin occidental est une bouée de sauvetage vitale pour le commerce-à la fois officiel et illicite.

Mais c’est précisément la valeur économique du passage qui en a fait l’objet d’affrontements répétés entre les groupes armés en lutte pour le pouvoir depuis le soulèvement de 2011. Les derniers combats révèlent la fragilité des alliances de pouvoir dans l’ouest de la Libye, alors que des personnalités politiques et des milices motivées par le désir de contrôler des ressources lucratives manœuvrent entre les forces politiques, militaires et religieuses pour renforcer leur propre influence, souligne le chercheur.

Une manne irremplaçable !

Les factions militaires et politiques de l’ouest de la Libye convoitent le passage de Ras Ajdir en raison des importants profits à tirer du commerce avec la Tunisie. En 2023, les échanges officiels entre la Libye et la Tunisie ont totalisé environ 850 millions de dollars, tandis que quelque 3,4 millions de Libyens et de Tunisiens ont traversé la frontière pour le tourisme, les soins médicaux en Tunisie et le commerce.

Pourtant, le commerce officiel transfrontalier est parallèle à un commerce illicite florissant de marchandises et de carburant, ainsi qu’à la contrebande d’êtres humains. Celles-ci constituent une bouée de sauvetage économique vitale pour les trafiquants et les petits commerçants du sud-est de la Tunisie et de plusieurs villes du côté libyen de la frontière.
Les autorités des deux pays ont historiquement fermé les yeux sur ce commerce car il offre une alternative au développement régional indispensable, tandis qu’une répression de la contrebande de marchandises risquerait de provoquer des troubles sociaux. En effet, les fermetures répétées du passage à niveau dans le passé ont gravement affecté les zones économiquement défavorisées qui l’entourent.

Le commerce informel entre la Libye et la Tunisie existe depuis de nombreuses décennies en raison de leurs liens géographiques et historiques. Mais l’économie frontalière est sensible à l’évolution des conditions politiques, économiques et sécuritaires.

Succession d’épisodes de troubles

Les soulèvements de 2011 en Tunisie et en Libye ont perturbé les échanges commerciaux, en particulier en raison de la détérioration de la sécurité du côté libyen à la suite de l’éviction de Kadhafi. Une répercussion notable a été une attaque djihadiste contre la ville frontalière tunisienne de Ben Guerdane en mars 2016,  lancée depuis la Libye. Le renforcement des mesures de sécurité pour faire face à l’instabilité du côté libyen a conduit à des épisodes répétés de troubles, de manifestations et de violences dans les zones frontalières.

Le renversement du régime de Kadhafi et la fragmentation de l’autorité centrale libyenne ont incité de nombreuses factions locales à se disputer le contrôle des sites et installations stratégiques afin d’obtenir une plus grande part des ressources économiques de la Libye, note Ali Moussa .

La situation à Ras Ajdir illustre donc la nature complexe et délicate de l’équilibre des pouvoirs en Libye, opposant des forces aux affiliations et objectifs multiples les unes aux autres. De telles dynamiques ont prolongé la crise politique, économique et sécuritaire de la Libye depuis 2011.
De plus, ils offrent constamment aux acteurs ambitieux la possibilité d’exploiter les divisions sectaires et ethniques, approfondissant encore les fractures sociétales, le tout pour servir les ambitions politiques et les portefeuilles des dirigeants concurrents, conclut le chercheur.

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