La violence dans les espaces sportifs est devenue un fléau qui déstabilise le paysage sportif et le plonge dans le chaos, engendrant des dégâts considérables aux installations, menaçant la sécurité des supporters, et ayant de lourdes répercussions sur la paix sociale.
Ce phénomène, qui ne connaît ni frontières ni nationalités, est resté incontrôlable en raison de sa complexité, résultant de l’interaction de facteurs sécuritaires, socio-économiques et éducatifs. La lutte contre ce fléau exige une approche pratique et globale pour l’éradiquer de manière durable.
La Tunisie n’a pas échappé à ce phénomène, comme en témoignent les incidents violents récurrents dans les stades et salles de sport, accompagnés de comportements de vandalisme et de confrontations avec les forces de l’ordre. Les causes de ces violences sont multiples et variées : le rejet des résultats, la contestation des décisions arbitrales, l’interdiction des « dakhlas », ou encore les rivalités entre groupes ultras.
Pour comprendre les raisons profondes de cette recrudescence de la violence, une analyse sociale semble être l’approche la plus adéquate, car il s’agit d’un phénomène social préexistant, qui se manifeste à différents degrés dans les familles, les établissements scolaires et les espaces publics.
Dans ce cadre, Dr Mohamed Jouili, sociologue et chef du département de sociologie à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, a suggéré de traiter différemment le phénomène de la violence dans les stades, en s’inspirant de modèles comme celui de la Belgique, où des programmes d’accompagnement des supporters, en collaboration avec le club Standard de Liège et des institutions sociologiques, ont fait leurs preuves. « Ces programmes visent à assurer l’intégration économique, sociale et scolaire des supporters perturbateurs, afin de les réhabiliter et de transformer leur relation avec le club et son environnement », a expliqué Jouili.
Il précise que « le problème en Tunisie réside dans la relation unidimensionnelle entre les équipes et leurs supporters, qui se limite aux résultats sportifs, sans s’étendre à un véritable engagement social. »
Pour le sociologue, l’inspiration du modèle belge, qui vise un accompagnement social, éducatif et économique des jeunes, pourrait réduire leur angoisse face à l’avenir et limiter les comportements agressifs, tels que la consommation de drogues et autres comportements à risque. Il insiste aussi sur l’importance d’une approche sécuritaire tout en soulignant la nécessité d’impliquer l’ensemble des acteurs concernés, afin de répondre aux causes profondes de la violence, souvent liées à des fragilités psychologiques, sociales et économiques.
La violence dans les stades sportifs est souvent liée aux supporters de football, que ce soit en Tunisie ou dans de nombreux pays, à travers des actes d’agression et de vandalisme, connus sous le terme de « hooliganisme », ce qui implique les fédérations de football à élaborer des startégies visant à éradiquer ce phénomène.
La Fédération Tunisienne de Football (FTF) joue un rôle primordial dans l’effort collectif de lutte contre ce fléau qui doit être traîté, selon Moez Mestiri, porte-parole de la fédération, sur deux niveaux : préventif et dissuasif. Il constate que la violence s’est récemment intensifiée, ne concernant plus uniquement les supporters de deux équipes rivales, mais aussi des conflits internes au sein des groupes ultras, souvent alimentés par leur chauvinisme.
« En Angleterre, par exemple, l’Etat a chargé des psychologues d’écouter les dirigeants et membres des groupes ultras afin de comprendre leurs motivations et de traiter les causes de leur violence », a-t-il précisé, dans une déclaration à l’agence TAP.
Mestiri insiste sur l’importance du dialogue avec les groupes de supporters tout en maintenant une approche pénale progressive, en ciblant les individus responsables des actes de violence plutôt que les clubs dans leur ensemble.
« Je pense qu’il est temps d’imposer des sanctions complémentaires, allant jusqu’à l’interdiction d’accès aux stades pendant un an ou deux, voire à vie. De plus, il est désormais nécessaire d’adopter un cadre législatif adapté à la réalité actuelle, afin de lutter contre la violence qui pourrait parfois perturber l’ordre public », a-t-il souligné.
Selon Mestiri, « les médias jouent également un rôle crucial dans ce processus. Ils doivent agir avec responsabilité et sagesse, en respectant la déontologie de leur mission, et éviter de nourrir les tensions et rivalités entre supporters par des commentaires malveillants. Il est fondamental de différencier la critique constructive du discours de division ».
Les réseaux sociaux, eux, sont devenus un terrain propice à la propagation de la violence, en alimentant la haine et les disputes entre supporters, souvent commencées en ligne et poursuivies dans les stades. Mondher Smaali, expert en cybersécurité, souligne que, bien que la violence ne soit pas un phénomène nouveau, elle a été exacerbée par l’essor des réseaux sociaux, où les utilisateurs se sentent anonymes et à l’abri des sanctions.
L’expert explique, dans une déclaration à l’agence TAP, que « les stades sont des lieux propices à la violence en raison de la diversité sociale des supporters, favorisant des comportements de troupeau qui se manifestent par des insultes et des agressions verbales et physiques.
« La situation est d’autant plus grave lorsqu’on comprend la philosophie des associations de supporters, qui croient uniquement en la doctrine du groupe et considèrent leur appartenance à celui-ci comme leur unique identité. Plus leurs perspectives manquent et la pression augmente, plus l’agressivité et la haine dominent leurs comportements », précise-t-il.
Il préconise un retour aux valeurs de tolérance et de respect des différences, en réaffirmant le rôle éducatif des familles et des écoles. Un effort national global est nécessaire pour minimiser la violence, impliquant une collaboration de tous les acteurs du secteur sportif.
En conclusion, la violence dans les stades en Tunisie est un phénomène bien identifié et analysé en profondeur par des experts, qui ont proposé des solutions inspirées de modèles internationaux, adaptées aux spécificités tunisiennes. Il est désormais crucial d’établir un contrat social moderne, intégrant des mécanismes de réduction des tensions sociales et des comportements violents, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des stades. Des sanctions alternatives, comme des travaux d’intérêt général, pourraient également jouer un rôle clé dans la réhabilitation des délinquants, tout en renforçant leur sens communautaire.
Violence dans les stades : « un fléau incontrôlable qui nécessite une approche pratique et globale pour le traîter », selon les experts
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